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Le
lait en poudre est une bénédiction pour les chalets sans
électricité. Eaton, Camp
and Cottage Book, 1939, p. 21.
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Évidemment, Eaton n'est pas seul dans ce secteur :
Simpson
faisait aussi la livraison, tout comme les marchands locaux. Joyce Graham
se
souvient de la tournée du marchand de glace et de celle du marchand
de
légumes, et de leurs arrêts réguliers à
l'île
de ses parents, dans la baie Géorgienne, près de
Pointe-au-Baril,
en Ontario. Mais la grosse commande estivale, livrée tout juste
après
l'ouverture du chalet, sortait tout droit de l'image
emblématique
de la vente par catalogue. « Je vois encore ma mère
faire sa
liste, de se rappeler Graham, et cette liste comprenait toujours du lait
en poudre,
qu'ils appelaient du Klim... un truc
dégoûtant ! »
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Eaton
livre ses produits aux chalets de tout le pays. Eaton, Camp
and Cottage Book, p. 43.
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Aujourd'hui, ces catalogues de produits pour le chalet sont
presque
aussi difficiles à trouver que les propriétaires de chalet
qui
étaient alors assez vieux pour se révolter contre le Klim.
La première
édition du Summer Home Handbook (le catalogue de la maison
d'été)
d'Eaton était plus petite que celle du catalogue
régulier
et beaucoup plus mince puisqu'elle ne contenait que 32 pages. La
poste
ne les distribuait pas aux portes comme elle le faisait pour les
catalogues réguliers,
il fallait les ramasser au magasin ou les demander par lettre. Eaton a
fait paraître
ce catalogue annuel jusqu'en 1937, puis de nouveau en 1939, avec
quelques
pages de plus et un nouveau nom : le Camp and Cottage Book,
c'est-à-dire
le catalogue des produits pour le camp et le chalet.
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Page
de couverture du Camp and Cottage Book, d'Eaton,1939.
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Les catalogues pour le chalet ne constituaient pas une grande
innovation pour
Eaton qui avait lancé son service de vente par catalogue en 1884
(Simpson,
dix ans plus tard). L'entreprise vendait depuis toujours ce
qu'on
considérait comme des produits pour le chalet, entre autres, des
lampes
à l'huile et de l'attirail de pêche. Mais penser
qu'il
existait un marché spécifique de propriétaires de
chalets
n'était pas évident quand les habitants ordinaires de
la
campagne s'éclairaient encore à la lampe à
l'huile
et que seuls quelques gens fortunés possédaient des maisons
d'été.
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Le
catalogue vend une sélection d'articles de pêche aux adeptes
de ce
sport. Eaton, Camp and Cottage Book, 1940, p. 28.
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Par exemple, l'encart « Summer Needs » (les
nécessités
de l'été) présente 13 pages de bicyclettes
avant d'illustrer
d'autres types de « besoins essentiels de
l'été »,
entre autres, la glacière « Labrador »
(8,25 $)
et le hamac tissé Arrowwanna, décoré d'une
frange
et agrémenté d'un oreiller (1,50 $). Eaton
n'indique
toutefois pas si ces produits sont destinés au bord du lac ou
à
la cour arrière de la maison à la ville.
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Il
est possible d'acheter par catalogue des articles de grandes dimensions,
comme les moteurs et les bateaux. Eaton, Summer Home Handbook,
1937, p. 28
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Quand l'idée de chalet n'en était encore
qu'à
ses débuts, Eaton classait les amateurs de plein air dans des
catégories
inhabituelles. Ainsi le catalogue printemps-été 1901 divise
le
matériel de camping entre la page 197, où les tentes
côtoient
les drapeaux et les auvents, et la couverture arrière, où
lits
de camp et hamacs fréquentent tondeuses et émouchettes. Le
très
méthodiste monsieur Eaton, qui ne tolère ni alcool, ni
tabac, ni
cartes à jouer dans ses catalogues et ses magasins, place, dans une
même
édition, une pleine page de fusils, de carabines et de munitions en
face
d'une autre illustrée de bibles et de livres de
prières et
d'hymnes.
« L'équipement des sportifs », une
brochure
publicitaire spéciale de 1905, comprend une scène du lac
Rosseau,
dans le Muskoka, ainsi que des illustrations d'un campeur,
d'un chasseur
et d'un pêcheur, tous bien équipés et donc
fructueux
dans leurs entreprises. « Cette brochure a pour but
d'attirer
votre attention sur certains des sites pittoresques de
l'Ontario »,
déclare-t-on sur la quatrième de couverture.
« Les paysages, y ajoute-t-on, vous devez les voir pour les
apprécier
et, si vous désirez du gibier et du poisson en abondance, vous
devez visiter
nos forêts, nos lacs et nos cours d'eau. Pour le faire en tout
confort,
il faut être bien équipé. Nous avons
étudié
vos besoins afin d'être en mesure de vous fournir tout ce
qu'il
vous faut, avec le moins d'inconvénients
possibles. »
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Le
catalogue propose aussi aux vacanciers des guides utiles de chasse
et pêche. Eaton, Summer Home Handbook, 1937,
p. 24-25.
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Si peu d'inconvénients, en effet, que la brochure inclut
même
un aide-mémoire des règlements sur la pêche et la
chasse
en Ontario.
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Le
catalogue d'Eaton peut combler tous les besoins des amateurs de pêche
au chalet. Eaton, Camp and Cottage Book, 1940,
p. 28.
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Ce n'est guère avant 1934 qu'Eaton perçoit
les propriétaires
de chalet comme un marché qui mérite son propre catalogue.
L'équipement
de camping et de pêche est inclus avec les articles de sport dans
les grands
catalogues, qui demeurent l'encyclopédie de tout ce que les
Canadiens
peuvent désirer acheter - sauf l'alcool et le tabac;
les cartes
à jouer, elles, y avaient fait leur entrée. Tout ce
qu'il
faut pour le chalet sera offert dans le premier catalogue destiné
aux
propriétaires d'une maison d'été. La
publication
s'avère un succès puisque l'édition de
l'année
suivante annonce « De retour ! » et (rappel de
1905)
comprend les règlements ontariens sur la chasse et la pêche,
sans
oublier un guide du pêcheur.
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Eaton
livre les commandes au quai ou à la gare de train la plus proche,
voire à
la
porte du chalet. Eaton, Summer Home Handbook, 1937,
p. 18-19.
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Fait encore plus révélateur, Eaton annonce, dans son
catalogue
de 1935, une amélioration à sa déjà
généreuse
politique de livraison. Comme les services de messagerie modernes, la
poste et
les transporteurs, ne livrent pas aux chalets aussi facilement
qu'aux résidences
principales, l'entreprise promet donc aux propriétaires de
chalet
de livrer leurs commandes au quai du bateau à vapeur ou à la
gare
de train fer le plus près et, si possible, « directement
à
[leur] maison d'été ». Si le vapeur ne
s'arrête
pas au quai d'un client, le bateau-taxi du coin ou le bateau de fret
le
fera aux frais d'Eaton.
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Il
est possible d'entreposer au chalet les produits en conserve pendant
tout l'été. Eaton, Camp and Cottage Book,
1939,
p. 10.
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Voici comment Eaton décrit sa politique dans le catalogue de
1936 :
« Nous avons organisé un service de livraison ultra
rapide,
aussi proche que possible de votre camp ou de votre chalet, vraiment
difficile
à surpasser... et TOUTES les commandes d'épicerie sont
emballées
dans des boîtes de dimensions commodes, soigneusement
attachées
pour le transport. » Quand s'y ajoutent des
denrées périssables,
comme de la viande fraîche, le propriétaire de chalet doit
payer
la différence entre le tarif de transport régulier et
l'express,
et quelques cents de plus pour la glace carbonique qui entre dans leur
emballage.
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L'un
des produits d'épicerie offerts dans le catalogue d'Eaton.
Eaton,
Camp
and Cottage Book, 1939, p. 9.
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Autrement, Eaton défraye le transport des commandes
d'aliments
de plus de 15 $ dans un rayon de 325 km de Toronto. Les produits de
base
sont livrés gratuitement dans la même région en autant
que
la commande s'élève à plus de 2 $, ou
5 $
pour les articles de grande taille, comme le mobilier et la porcelaine. Il
y
a au moins une exception en fonction du poids. La vente estivale de 1939
annonce
un poêle à bois Brock au montant de 59,85 $, livraison
incluse.
Mais Eaton ajoute un supplément de 5 $ aux frais de
livraison
pour laisser le lourd objet au quai : le modèle le plus
léger
pèse en effet 215 kilos.
Compte tenu des prix de l'époque, on ne
s'étonne
pas de voir l'entreprise chercher à éviter de payer le
transport
de commandes de moins de 2 $. D'autant plus qu'elle
promet que
tout article peut lui être retourné à ses frais. Une
boîte
de 50 vers frais coûte 65 ¢. Si le poisson ne mord pas, on peut
toujours
blâmer les vers et les renvoyer à Toronto ! Il en de
même
pour les lectures estivales. Comme il est possible d'emprunter un
livre
à la bibliothèque de prêt d'Eaton pour 3 ¢
par
jour, on ne peut s'attendre à ce que le magasin livre un
roman gratuitement
au quai, puis accepte d'en défrayer le retour avec le plein
remboursement
au cas où la fin de l'histoire ne conviendrait pas. À
l'époque,
quelques clients se montraient aussi exigeants. C'est le cas de cette
femme qui
avait renvoyé le bassin hygiénique qu'elle
possédait
depuis 13 ans parce que sa forme ne convenait plus désormais
à
son postérieur : Eaton l'a remboursée !
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Page
de couverture du Summer Home Handbook d'Eaton, 1937.
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Les propriétaires de chalet n'étaient pas la seule
catégorie
de gens auxquels s'intéressait Eaton. Le magasin de Winnipeg
était
doté d'une « salle d'attente pour les
agriculteurs »,
meublée de chaises confortables, où les clients, venus des
environs,
pouvaient échanger et lire tandis que leurs épouses
terminaient
leur magasinage. En Ontario, Eaton publiait un catalogue pour les
prospecteurs,
qui propose beaucoup des produits annoncés dans le catalogue de la
maison
d'été de 1937. Seuls les noms et les prix changent.
Ainsi,
on offre aux propriétaires de chalet un canot Peterborough de cinq
mètres,
appelé « La compétition », au prix de
63,50 $,
alors que les travailleurs forestiers peuvent acheter une embarcation
presque
identique, rebaptisée
« Le Huron », pour 82 $. Tout comme les
propriétaires
de chalet, les prospecteurs peuvent compter sur la livraison gratuite de
leur
canot. Eaton invite les amateurs de forêt à lui écrire
pour
recevoir leur guide spécial des prospecteurs, comme elle
l'avait
fait pour le guide du pêcheur auprès des propriétaires
de
chalet. Savoir si les conseils d'un marchand torontois ont
déjà
permis à un prospecteur de trouver le filon mère est plus
douteux
que les rires qu'une telle offre provoque au pays des terrains
rocailleux.
Les prospecteurs n'ont pas beaucoup de choix de magasinage. Mais
les
propriétaires de chalet, habitués au service d'Eaton
en ville,
conservent, dans le Nord, leurs habitudes de consommation, souvent en
concurrence
directe avec les fournisseurs locaux. Les parents de Noreen Bryson
possèdent
un chalet à Lost Channel, entre Severn Falls et Big Chute.
« Nous faisions livrer tous les produits de base au
début de
la saison, se
rappelle-t-elle. Ma mère se rendait chez Eaton [à Toronto],
préparait
la commande sur place, puis donnait la date à laquelle nous
arriverions
au chalet. La gare de train locale possédait un entrepôt
spécial
où il était possible de débarquer toute cette
marchandise
et de la conserver jusqu'à ce qu'elle soit
ramassée
ou livrée. » Bryson, qui était une toute jeune
fille
à l'époque, se rappelle que Doug Smith, un homme
à
tout faire du coin, se chargeait de la dernière partie de la
livraison,
c'est-à-dire les sept derniers kilomètres qui
séparaient
le chalet de Severn River.
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Le
Kraft Dinner est un mets prisé des Canadiens depuis les
années
1930. Eaton, Camp
and Cottage Book, p. 13.
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La fille de Doug Smith, Helen Diak, dit que c'est possible. En
effet,
Smith possédait une barge, mais il transportait habituellement sa
propre
marchandise, pas celle d'Eaton. « Nous vivions dans la
salle
communautaire qui appartenait à l'association des
propriétaires
de chalet et l'entente interdisait de vendre autre chose que des
cigarettes
ou des bonbons. Papa n'avait donc pas de magasin dans la maison.
Mais il
possédait une barge sur laquelle était construit une sorte
de bâtiment,
rempli de produits d'alimentation et de trucs divers
conservés dans
la glace - du lait, des œufs, du fromage. Il livrait, de chalet
en
chalet. Il n'y avait aucune façon de l'appeler [pour
passer
une commande], mais il faisait des rondes régulières,
peut-être
deux fois par semaine. »
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Un
vaste éventail d'articles de pêche est vendu par
catalogue. Eaton,
Camp
and Cottage Book, 1940, p. 28.
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Eaton accepte alors les commandes par téléphone, par
courrier
ou au magasin. Le mode de commande est fonction de la commodité,
mais
surtout de la difficulté d'organiser un paiement à
cette
époque où l'on ne faisait pas crédit. Ce
n'est
qu'en 1936 qu'Eaton accepte des comptes d'achat à
crédit
limité. Auparavant, la politique d'achat de Timothy Eaton
était
de régler les achats « strictement en argent
comptant »
ou par des comptes de dépôt - les clients payaient à
l'avance
et on déduisait le coût des achats du solde. Commander
à
un magasin signifiait payer comptant, l'argent et les reçus
filant
à toute vitesse, du bureau des comptes à celui des ventes,
par
des tubes sous vide. Le magasinage depuis le chalet nécessitait
donc l'emploi
d'un mandat-poste. Les propriétaires de chalet doivent alors
se
rendre au bureau de poste local pour commander d'Eaton. Or, dans une
grande
partie des régions où se trouvent les chalets, le bureau de
poste
et le magasin local sont combinés. Le fait de devoir remplir leur
mandat-poste
pour commander des produits qui se trouvaient sans doute
déjà sur
les tablettes mêmes du magasin devait sûrement mettre ces
vacanciers
mal à l'aise. Sans compter que le maître de poste,
propriétaire
du magasin général, devait leur faire les gros yeux à
travers
le guichet.
Nulle surprise, donc, à ce que les souvenirs d'enfant,
comme
ceux de Noreen Bryson et de Joyce Graham, réfèrent à
la
grosse commande d'été passée à Eaton,
à
Toronto, commande qui sera livrée le jour même de
l'ouverture
du chalet. Ce qui laisse le reste de l'été aux
marchands
locaux. Eaton mise sur les deux tableaux.
Le catalogue des produits pour le camp et le chalet de 1939 invite ceux
qui
sont déjà rendus à leur gîte estival à
écrire
au magasin : « Confiez au personnel efficace et bien
entraîné
de notre SERVICE DE MAGASINAGE le soin de faire vos emplettes cet
été,
pendant votre séjour au chalet. Qu'il s'agisse de cette
chaise
de couleur pour votre véranda, de nouveaux maillots de bain pour
les enfants
ou de paniers d'aliments délicieux pour vos invités
spéciaux
de la fin de semaine... votre commande sera remplie avec tout le soin et
l'intelligence
nécessaires... Eaton est aussi près de vous que la
boîte
aux lettres la plus proche. »
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Le
catalogue répond à tous les besoins de la vie au
chalet. Eaton,
Camp
and Cottage Book, 1940, p. 30.
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Sur la même page, Eaton s'adresse à ceux qui
n'ont
pas encore quitté la ville : « Quand vous
êtes au
magasin, ne manquez pas de visiter le RAYON DES PRODUITS POUR LE CHALET et
le
CAMP. Magasin principal - cinquième étage, rue
Queen... tout
ce que vous désirez, du couteau à écailler le poisson
à
la poêle pour le faire frire ! Couvertures... tentes...
lampes...
lits de camp... balançoires... bateaux... lampes de poche...
meubles...
poêles et casseroles. Nous vous les présentons dans un vrai
décor
extérieur qui vous donnera vraiment le goût de partir pour
votre
maison de
vacances ! » La salle de montre du cinquième
étage
présente même un chalet tout monté.
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Des
biens dispendieux, tels les bateaux à moteur, sont vendus aux
propriétaires
de chalet nantis. Eaton, Camp and Cottage Book, 1937,
p. 28.
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Un tel enthousiasme est dû en partie à l'art du
publicitaire,
mais on aimerait croire qu'il vient peut-être un petit peu du
fait
que la famille Eaton
elle-même adore la vie de chalet. Monsieur et madame Timothy Eaton
commencent
à prendre leurs vacances à leur maison de Windermere, dans
le Muskoka,
en 1885. Ils achètent un terrain de l'autre côté
de
la baie et construisent Ravenscrag en 1896. Dans une biographie
publiée
en 1923, leur première visite est décrite en termes
chaleureux.
Arrivés tard, ils butent contre les roches et les arbres durant
leur trajet
jusqu'au chalet. « Une fois arrivés, monsieur
Eaton allume
la lampe; madame Eaton défait le panier d'aliments cuits
qu'ils
ont apporté; le poêle est allumé; le thé,
infusé,
et les deux s'assoient pour leur premier repas dans leur nouvelle
maison.
" C'est merveilleux, maman, merveilleux ", de
s'exclamer
monsieur Eaton. »
Au moment de la parution du catalogue de la maison
d'été,
R. Y. Eaton, neveu du fondateur, dirige l'entreprise. Lui aussi aime
la
vie de chalet, d'abord à Port Credit, puis à Ryestone,
dans
la baie Géorgienne. Les chalets des Eaton ont toujours formé
une
classe à part, mais le simple plaisir de s'asseoir, une tasse
de
thé à la main, le jour de l'ouverture du chalet,
demeure
un plaisir bien connu, si merveilleux qu'il soit aux yeux de
Timothy. Si
les Eaton peuvent s'enorgueillir des sept salles de bain du chalet
principal,
à Ryestone, la famille se réunit tout de même tous les
soirs
pour assister au coucher de soleil.
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Page
de couverture du Camp and Cottage Book d'Eaton, 1941.
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Le dernier catalogue d'articles pour le
chalet
et le camp paraît en 1941, mais le service de livraison
spéciale
à ces lieux de villégiature se poursuit. En 1964, le bureau
chef
publie un « avis important », portant le
numéro
92 et précisant ce qui suit :
« Comme par les années passées, nous avons pris
des
dispositions spéciales pour effectuer des livraisons aux chalets
d'été...
du [9 juin] jusqu'au
30 septembre inclusivement. Ces dispositions... constituent un ajout
à
de notre politique de livraison régulière à
l'extérieur
de la ville... [Elles] consistent à payer les services de
camionnage,
habituellement des gares de train aux chalets et aux lieux de
villégiature.
Dans certains cas, elles comprennent aussi le service de livraison par
bateau,
du quai du bateau à vapeur à celui de la
localité. »
Dans la suite de l'avis, Eaton informe le personnel que le
service gratuit
ne comprend pas le déballage, l'installation ou la livraison
depuis
le quai à la porte du chalet.
Les livreurs locaux ne sont pas si fidèles aux règlements
de
l'entreprise. Peter Wood, dont le père a obtenu d'Eaton
le
contrat de livraison par camion dans les environs de Rosseau, a
été
actif dans ce secteur jusqu'au milieu des années 1960.
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Pour
les propriétaires de chalet chanceux qui ont
l'électricité, une radio
du catalogue d'Eaton les aide à se tenir bien informés
durant tout
l'été. Eaton, Summer Home Handbook, 1937,
encart.
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« Il fallait trois hommes et un garçon pour effectuer
les
livraisons aux chalets, se rappelle-t-il, surtout pour les articles
lourds. Papa
prenait un bout, mes frères et mes cousins prenaient l'autre,
mais
il leur faillait aussi un garçon pour ouvrir la porte moustiquaire.
C'était
moi. Certains des sentiers qui menaient de la route au chalet
ressemblaient à
de véritables sentiers pour les chèvres; pittoresques et
boisés;
il était agréable d'y marcher, mais
c'était
une toute autre paire de manches d'y transporter un frigo, surtout
pour
la personne qui marchait à reculons. » Frank T. Wood et
les
garçons ne font pas que livrer la marchandise à la porte.
Ils déballent
les gros articles et ramènent les caisses à la maison pour
en faire
des forts dans lesquels ils joueront. Ils rapportent tout ce qui est
remplacé :
certains objets se retrouveront au dépotoir. Par contre, si une
vieille
tondeuse possèdent certaines pièces utilisables, celles-ci
seront
vendues en ville, recyclées dans l'économie locale.
Des clients d'Eaton abuseront aussi de ce type de service
très
généreux, aujourd'hui disparu, offert par le grand
magasin.
Ainsi, une cliente qui, chaque jour, commandait un article quelconque, le
retournait
à chaque fois. Interrogée sur cette façon de faire,
elle
répondit que son chien manquait d'exercice et qu'il
avait
besoin de pourchasser quelqu'un tous les jours.
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Page
de couverture du Camp and Cottage Book d'Eaton, 1940.
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Pour Eaton, la livraison s'avère un service coûteux
et,
à compter des années 1950, l'entreprise doit subir la
féroce
compétition de Simpson-Sears. Puisque ce nouveau rival de la vente
par
catalogue n'inclut pas le coût de livraison dans ses prix, ses
produits
ont l'air meilleur marché que ceux d'Eaton. En dix ans,
ce
dernier voit son service de vente par catalogue perdre 40 millions de
dollars :
le service ferme définitivement en 1976, alors que le public pleure
avec
nostalgie le catalogue, véritable liste de souhaits nationale
pendant
près d'un siècle.
Il ne s'agit pas ici de la simple disparition d'une
entreprise,
mais bien d'une façon de faire des affaires. Tout comme
Eaton, les
marchands de glace et le vendeur de légumes ne feront plus leurs
livraisons
au quai des chalets.
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Le
catalogue d'Eaton aide les vacanciers canadiens à jouir de
l'été au
chalet. Eaton, Summer Home Handbook, 1937, p. 3.
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Du
porc en conserve remplace commodément la viande
fraîche. Eaton,
Camp
and Cottage Book, 1941, p. 4-5.
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Les catalogues de produits
pour les
chalets n'occupent qu'une petite niche dans l'histoire
d'Eaton,
mais l'époque et les lieux qu'ils décrivent
demeurent
au cœur de la mémoire d'une génération
d'amateurs
de lieux de villégiature. Les facteurs qui ont contribué
à
l'essor et puis causé le déclin du service offert par
Eaton
aux vacanciers demeurent d'actualité. Ces derniers
hésitent
encore entre les bas prix de la ville et le service des petites
localités,
de même que tous les détaillants doivent maintenant affronter
la
concurrence nouvelle du cybercommerce. Ce qui est à jamais perdu,
c'est
la chaise à 1,75 $, livrée au bout du quai, le tout
accompagné
d'un roman prêté à 3 ¢. Mais oubliez le
Klim !
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