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"Que
sera, sera...", fredonne-t-elle. Page de couverture du
catalogue d'Eaton, Montréal, printemps-été 1959.
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Courri-elles - Les femmes dans les catalogues
d'Eaton
de Toronto
Texte de Lorraine
O'Donnell
Les femmes constituent la cible première des
catalogues
d'Eaton, de Toronto. Ce sont elles en effet qui, habituellement,
sont chargées
des achats d'articles personnels et pour elles-mêmes et pour
les
membres de leur famille. Ce type de publications les interpelle donc
à
la fois dans leurs rôles de ménagère et de
mère, de
femme de carrière élégante et de citoyenne
modèle.
Quant aux filles, elles y trouvent une incitation à émuler
les
habitudes de magasinage de leur mère.
Les débuts d'une histoire
d'amour
| « Petites madames » et amusement
pour
fillettes | Rallier toutes les adolescentes sans
exception
| « Les femmes mûres du
Canada »
| Les femmes au travail | Les
ménagères
| Les hédonistes | Conclusion
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Les débuts d'une histoire
d'amour
Un humoriste d'Eaton a déjà dit à ses
clients « qu'il
faudrait dire courri-elles au lieu de courrier, car ce sont les
femmes
qui font la plupart des achats ». C'était en 1924,
et
tout le monde le sait désormais : le catalogue du magasin
Eaton de
Toronto et ses lectrices féminines entretenaient bien plus
qu'une
simple relation d'affaires.
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Jolies
femmes et usines productives : l'idée d'une harmonie parfaite
selon Eaton. 1915. Catalogue printemps-été d'Eaton,
Toronto,
1915, p. 110.
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Depuis la création du catalogue, en 1884,
des
millions de Canadiennes ne peuvent plus se passer du « livre
d'Eaton ».
Madame Lynde, un des personnages de Anne dans sa maison de
rêve,
roman de Lucy Maud Montgomery paru en 1917, s'indigne que les
catalogues
soient « à présent la Bible des filles
d'Avonlea »,
qui se « plongent dedans le dimanche au lieu
d'étudier
les Saintes Écritures ». Eaton est bien conscient de cet
effet
puisque son catalogue lui sert justement à courtiser cette
clientèle
qu'il surnomme ses « dames lectrices ». Dans
cet
imprimé, le magasin les vouvoie affectueusement. « De
notre
manufacture à vous », annonce la vedette d'une
page sur
les sous-vêtements, dans le catalogue printemps-été
1915.
En dessous, une notice vante la qualité des produits
fabriqués
par Eaton, entourée d'images des filatures de
l'entreprise
dont les cheminées fument allègrement et …de jolies
jeunes
femmes vêtues de leurs seuls dessous.
Dans l'image, le fait de mettre l'accent sur la
beauté
des filles et la productivité des usines n'est pas le fruit
du hasard.
Après tout, Eaton tente de charmer les dames qu'il veut
vêtir
(et qu'il dévêt aussi), ce qui implique qu'il
fasse
en quelque sorte appel à leur vanité. Dans ce même
esprit
de flatterie, le magasin vante l'excellence de sa marchandise,
laissant
entendre que celles qui la consomment s'avèrent des femmes
averties.
Du même coup, Eaton réussit à se donner bonne
réputation.
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Message
aux jeunes élégantes : « Faites confiance
à Eaton ! »
1902. Catalogue
d'Eaton, Toronto, automne-hiver 1902-1903, page de couverture.
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Eaton fait également la promotion de son catalogue. Il le
surnomme
« les nouvelles féminines » et assure ses
lectrices
que son contenu saura répondre à leurs aspirations. Ainsi,
ses
pages se veulent-elles autant une occasion de divertissement, les tous
derniers
coloris de manteaux y sont présentés, qu'une mine de
renseignements
pratiques, par exemple, le contenu laineux des vêtements. Le magasin
promet
d'offrir aux femmes presque tout ce qu'elles rêvent
d'acheter.
Faites-nous confiance, semble dire Eaton, pour vous offrir les conseils et
les
produits, amusants ou sérieux, dont vous avez besoin.
Voilà comment Eaton tente de séduire les femmes en leur
laissant
savoir qu'il comprend leur nature un peu paradoxale. Oui, nous
savons que
vous êtes de bonnes travailleuses et des acheteuses intelligentes,
de dire
le catalogue, mais nous devinons aussi que, de temps à autre, vous
souhaitez
une gâterie ou un compliment. Ainsi la publication, comme une lettre
d'amour,
en dévoile-t-elle aussi long sur l'ardent prétendant
que
l'objet de sa flamme.
C'est en retournant aux pages de quelques vieux catalogues du
magasin
de Toronto que l'on saisit comment ils représentent les
femmes et,
ce faisant, les incitent à choisir Eaton.
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« Petites madames » et
amusement
pour fillettes
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Des
jeunes filles font la pose. 1925. Catalogue d'Eaton, Toronto,
printemps-été 1925, page de couverture.
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Eaton présente les femmes de manière différente de
celle
des hommes durant toute leur vie. Dans l'enfance, avec leurs bonnets
et
leurs fossettes, tous les bébés se ressemblent dans les
pages où
sont illustrés landaus et autres produits de base. Cependant, des
différences
ont tôt fait d'y apparaître, particulièrement
dans les
images d'enfants qui s'amusent. Les catalogues montrent les
filles
délicieusement différentes des garçons. Dans les
rares pages
de couvertures qui présentent des garçons, ceux-ci sont
engagés
dans quelque activité physique, le football, par exemple, alors que
les
filles n'y figurent souvent que pour leur joliesse. Ainsi, la page
de couverture
du catalogue printemps-été 1925 présente un portrait
plutôt
mielleux de jeunes filles dans un jardin, dont la principale
activité
se limite à porter d'anciennes jupes à cerceaux.
Les pages intérieures entretiennent un discours similaire.
C'est
surtout aux garçons qu'elles vantent les jouets
d'action stimulants.
Ainsi, des pages de l'édition automne-hiver 1916-1917
indiquent
clairement que bicyclettes, vélocipèdes et wagons leur sont
principalement
réservés. La remarque qu'un traîneau peut
être
« conduit par les mains ou les pieds de garçons ou de
filles »
n'est faite qu'en passant. Quel contraste avec la promotion
des délicates
poupées « Beautés », le jouet
d'Eaton
préféré entre tous ! Dès 1900,
année
de l'apparition des poupées dans le catalogue, celles-ci sont
présentées
très clairement comme un jouet destiné exclusivement aux
filles,
lequel exige de leur part un maternage attentif.
Les catalogues représentent donc les filles comme de petites
femmes
en devenir, qui jouent à « s'habiller »
et
à « tenir maison ». Les garçons y
apparaissent
comme des hommes en voie de réalisation - affublés de
petites
combinaisons d'ingénieur ou une trousse de médecin
à
la main. La conception d'Eaton, selon laquelle la femme est un
être
de plaisir et de travail, s'avère déjà
évidente.
En outre, les catalogues souhaitent voir les filles grandir peu à
peu,
abandonnant derrière elles leurs jouets pour assumer enfin leurs
rôles
d'adultes.
Aussi ne faut-il pas s'étonner de
constater
qu'Eaton souhaite, d'abord et avant tout, que les filles
jouent surtout
leur rôle de consommatrices. Plusieurs pages de couverture des
années
1920 montrent les filles s'y adonnant, souvent en feuilletant les
catalogues
en compagnie de leur mère.
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Fillette
exhibant fièrement « son » catalogue d'Eaton.
1939. Cette
composition dynamique pourrait symboliser la version Eaton d'un tournant
important dans la vie d'une femme : une fillette a abandonné sa
poupée pour feuilleter, par elle-même, le catalogue d'Eaton,
imitant
en cela sa mère. Catalogue d'Eaton, Toronto, automne-hiver
1939-1940,
page de couverture.
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Rallier toutes les adolescentes sans exception
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Symbole
d'espoir adolescent. 1945. Catalogue d'Eaton, Toronto,
printemps-été 1945,
page de couverture. On peut penser que le catalogue a pu être
distribué
après
la fin du conflit.
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La page de couverture du catalogue
printemps-été
1945 montre deux adolescentes pimpantes - libre au lecteur
d'imaginer
que l'une pourrait être celle présentée plus
haut,
mais six ans plus tard, juchées sur une sculpture et brandissant
l'Union
Jack. Dans ce Canada d'après-guerre, elles constituent un
attrayant
symbole d'espoir, de paix et de prospérité et, aussi
des
attentes qu'entretient Eaton de les voir, elles et ses semblables,
devenir
des consommatrices modèles. Les catalogues ciblent depuis longtemps
les
adolescentes mais, lors d'un boom économique comme celui de
l'après-guerre,
ils accentuent leurs stratégies. De même, le catalogue
printemps-été
1947 brille de descriptions, de photos et de produits à la mode
destinés
à attirer leur attention, comme ces souliers, conçus dans le
« gracieux
style ballerine d'inspiration californienne, foyer des modes
sportives
d'avant-garde ».
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Séduire
les adolescentes à la mode. 1947. Catalogue d'Eaton, Toronto,
printemps-été, 1947, p. 3.
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Toutefois, Eaton espère que les adolescentes ne limiteront pas
à
n'être que jolies et coquettes. Voilà pourquoi le
magasin
leur laisse entendre aussi qu'elles doivent commencer à
assumer
certaines responsabilités et que le magasinage est une bonne
manière
de le faire. Eaton prétend être « le magasin du
jeune
Canada ». Y magasiner, c'est une façon, pour les
adolescentes,
de contribuer au renouveau économique national.
Par comparaison, les catalogues de Toronto font moins de cas des
adolescents
mâles si on en juge par le peu d'attention qu'on leur
accorde
sur les pages de couverture ou intérieures. Il y aurait
peut-être
une exception à signaler : Eaton aurait-il encouragé,
chez
certains jeunes hommes, l'habitude de contempler les photos de
femmes en
petite tenue ? On pourrait le croire à en juger par
l'insertion,
dans un catalogue de 1947, des pages consacrées à la
lingerie des
adolescentes immédiatement après la section des
vêtements
de garçons. Ces pages, ils ne pouvaient tout simplement pas les
rater
!
En fin de compte, et toutes proportions gardées, la
représentation
des filles, dans les catalogues du magasin de Toronto, est empreinte
d'un
certain sérieux. Même en les plaçant dans des
situations
ludiques, concepteurs et rédacteurs utilisent des formules
stylistiques
et des images qui mettent en évidence l'importance, pour
elles,
d'apprendre leur rôle de femmes adultes et de faire leur
devoir,
soit en élevant des enfants soit en contribuant à
l'essor
du pays. Les catalogues représentent souvent les femmes adultes
dans ces
rôles. Par conséquent, prendre les filles au sérieux,
c'est
une façon, pour Eaton, de dire qu'il célèbre en
elles
les adultes qu'elles deviendront bientôt.
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« Les femmes mûres du
Canada »
Ceci dit, Eaton s'intéresse d'abord et avant tout
aux femmes
adultes. Ce sont elles qui achètent, non seulement leurs propres
vêtements
et accessoires, mais également les nombreux articles de
première
nécessité pour les membres de leur famille, ainsi que la
multitude
d'objets fantaisistes ou ordinaires - du linoléum aux
oléographes
- qui transforment une maison en foyer.
Il existe bien quelques lignes de produits, tels
les
pneus et les outils, utilisés surtout par les hommes - les
bricoleurs
de banlieue, par exemple, dont Eaton encourage l'émergence
-
et le magasin leur vante la marchandise en conséquence. Il admet
aussi,
à contrecœur, qu'un homme puisse parfois acheter ses
propres
vêtements. Dans un catalogue de 1893, on emploie un langage pratique
pour
calmer ceux qui s'adonneraient à cette activité :
«
[Eaton] est effectivement un magasin destiné aux femmes... mais
nous avons
en inventaire un éventail de produits que les hommes trouveraient
avantageux
d'acheter, car nous maintenons les prix bas. » Quel
contraste
avec l'appel confiant et familier aux « femmes du Canada
»
d'acheter de la dentelle ! « Peut-être
connaissez-vous,
affirme encore le rédacteur, la différence entre un genre et
un
autre. En fait, vous ne vous en souciez sans doute pas. Vous en
désirez
une petite partie dans un but particulier et vous choisissez le plus
approprié.
»
Les « femmes du Canada » forment le groupe cible
de
l'entreprise. Il est évidemment immense et
hétérogène.
Pendant 90 ans, Eaton envoie des catalogues dans les foyers ruraux et
urbains,
riches et pauvres, et possède bien trop de bon sens pour
sursimplifier
sa représentation de cette clientèle composite.
Plutôt, il
utilise ses publications pour représenter des femmes, de toutes les
classes
sociales, engagées dans les activités les plus diverses
:
en promenade dans une rue chic, enveloppées d'un manteau de
fourrure
ou vêtue d'une robe de maison, affairées à
cuisiner.
Toutefois, un lien unit toutes les images : c'est le message
qu'Eaton
comprend bien la nature et l'importance du travail des femmes
adultes -
c'est d'ailleurs dans son intérêt s'il
désire
faire des ventes - et lui voue le plus grand respect et lui rend
hommage.
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Le
public cible de Eaton : les femmes du Canada. 1904. Catalogue
d'Eaton, Toronto, printemps-été 1904, page de couverture.
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Les femmes au travail
L'entreprise prend au sérieux le travail
rémunéré
des femmes. Les premiers catalogues fourmillent d'images
chaleureuses de
ses propres employées appliquées à leur tâche.
Les
blouses et les uniformes de servantes comptent parmi les vêtements
d'ouvrières.
Illustrés de manière aussi attrayante que possible, les
vêtements
sont souvent portés par de jolis modèles. Les tailleurs
à
la mode, les chapeaux et le reste sont destinés aux
employées de
bureau. Eaton en rajoute pour faire l'éloge de leur
élégance.
Ainsi, le catalogue vend une ligne de bas « pour vos sorties
-
parfaits pour le bureau ou le magasinage -, ils vous donnent
l'air
jeune et chics ».
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Employées
d'Eaton au système de caisse pneumatique. 1894. Catalogue
d'Eaton,
Toronto, automne-hiver 1894-1895, p. 4.
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Les ménagères
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Le
travail féminin bien fait : nettoyer et magasiner à la
ferme.
1926. Catalogue printemps-été d'Eaton, Toronto, 1926,
page de
couverture.
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Toutefois, l'entretien ménager est
l'occupation
féminine la plus souvent évoquée dans les catalogues.
Les
centaines de pages consacrées aux produits de première
nécessité,
comme les brosses et les balais, essentiels pour nettoyer chaque recoin de
la
maison, indiquent qu'Eaton reconnaît les efforts exigés
par
ces travaux de ménage. Les catalogues traitent du nettoyage et de
la cuisine,
encore le lot de la plupart des femmes aujourd'hui, en plus de la
préparation
de provisions effectuée par les épouses des agriculteurs et
de
nombreuses citadines, surtout jusqu'au milieu du vingtième
siècle
: le jardinage, la mise en conserve, la couture. Le catalogue
printemps-été
1947 - destiné tant aux femmes de banlieue qu'à
celles
de la campagne et de la ville - témoigne ainsi de son respect
pour
cette dernière tâche : « Plus que jamais, il
est
économique et chic de coudre. N'attendez pas -
commencez maintenant
et réalisez le nécessaire pour votre famille et votre
foyer... »
Dans son éloge du talent de ménagère des femmes,
Eaton
privilégie une tâche : elles doivent faire leurs
emplettes
avec précaution. Dans l'esprit du magasin, cela signifie
être
capable reconnaître la qualité, la nécessité et
la
valeur d'une marchandise. Les catalogues des années 1880
flattent
leurs lectrices en leur disant, par exemple, « qu'elles
jugent
en fines connaisseuses » les sous-vêtements, tout en
soulignant
qu'elles doivent faire montre d'un tel discernement :
« Vous
devez être en mesure de juger de la bonne ou de la mauvaise
qualité
d'un sous-vêtement, sinon vos achats vont à
l'encontre
de votre propre intérêt. »
Eaton est particulièrement sensible au fait que, pour beaucoup
de femmes,
des contraintes budgétaires rendent encore plus difficile
l'art
de magasiner avec prudence. Les catalogues font plus que reconnaître
ouvertement
cette condition : ils en font une vertu à l'aide de
déclarations
flatteuses tant pour les lectrices que pour le magasin lui-même.
Ainsi,
la livraison d'automne-hiver 1905 explique que « la femme
qui
a du succès est celle qui obtient toutes les choses essentielles
pour
aussi peu que possible ». Et Eaton prétend offrir
« les
meilleurs produits aux plus bas prix ». Le magasin
reconnaît
qu'une maison bien tenue est source de satisfaction et en fait
constamment
la promotion.
Eaton affirme en outre que tenir maison procure à la
ménagère
beaucoup plus que la satisfaction du devoir accompli : en effet, ce
peut
être, en soi, une activité plaisante, voire une façon
d'exprimer
ses talents artistiques. C'est dans cet esprit que le magasin vante
la
beauté de ses produits, par exemple, le « riche motif
original »
des rideaux en dentelle offerts dans le catalogue de 1907. Plus grand sera
le
souci des femmes de choisir la couleur, la texture, la forme et le style
des
articles destinés à leur foyer, plus grand sera leur
sentiment
d'accomplissement, laissent entendre les catalogues. En encourageant
les
femmes à adopter certains rôles - dans ce cas-ci,
femmes de
goût et décoratrices averties -, Eaton sert ses propres
intérêts,
car une maison à la mode implique nécessairement un constant
renouvellement
de son décor.
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Suivre
la mode en matière de décor ou De l'entretien ménager
comme activité
créatrice.
1938. Catalogue d'Eaton, Toronto, printemps-été1938,
page de
couverture.
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Les hédonistes
Dans sa représentation des activités exercées par
les
femmes, Eaton s'évertue à bien doser leur
caractère
ludique et l'éloge des efforts qu'elles
requièrent.
Cette double approche promotionnelle s'applique même au
passe-temps
hédoniste qu'est l'élégance. Ainsi, Eaton
souligne
le travail, sans parler de l'argent, que les femmes consacrent
à
cet art raffiné. Ce passage du catalogue
printemps-été 1893
est éloquent : « Un homme peut bien porter un
chapeau
acheté l'an dernier et conserver un air respectable.
Impossible
pour une femme. Ses bonnets doivent être à la mode et sa
robe, son
chapeau et son parasol, jusqu'à un certain point, être
assortis. »
Suivre la mode, laisse entendre Eaton, c'est du travail !
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La
mode : luxe et plaisir. 1903. Catalogue d'Eaton, Toronto,
printemps-été 1903, p. 6.
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Toutefois, les catalogues s'attardent davantage aux aspects
fantaisistes
et agréables d'être à la mode. Cela est
très
évident dans les premières pages de la plupart des
catalogues de
Toronto, qui présentent des éloges, élégamment
rédigés
et magnifiquement illustrés, des plus récents et des plus
luxueux
produits destinés à la parure féminine. Il peut
s'agir
de soie de grande qualité vendue au mètre, de fourrures, de
tailleurs
bien ajustés ou de robes de stylistes, selon le temps de
l'année.
Plusieurs des descriptions poussent
l'extravagance
jusqu'à enjoliver les modes de somptueuses promesses. Ainsi,
en
1894, Eaton allèche les femmes avec l'idée que les
soies
couleur vespérale évoquent
« la délicieuse suggestion d'un mariage
automnal ».
Les descriptions ultérieures de vêtements situent les
modèles
dans des lieux tels qu'un grand boulevard étranger, et
donnent en
penser que la consommatrice pourrait faire pareil voyage … en
utilisant
son imagination. Si être à la mode peut s'avérer
une
activité fastidieuse, semble dire Eaton, elle se
révèle
surtout une récompense pleinement méritée, une
gâterie,
exception qui viendrait en quelque sorte confirmer la règle selon
laquelle
les femmes passent presque toute leur journée à travailler.
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Le
catalogue, véritable tapis magique. 1903. Les catalogues
permettent
aux femmes de voyager dans des lieux fantastiques par le biais de leur
imagination. Catalogue d'Eaton, Toronto, automne-hiver 1903-1904, page
de couverture.
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Conclusion
La couverture du catalogue printemps-été de 1965 affiche
la
photo d'une femme surnommée « la belle Maureen
Kennedy »,
qui poursuit « une carrière d'actrice et de
modèle
à la télévision, tout en veillant à la
régie
de son foyer et au bien-être de ses quatre enfants ». On
y cite
l'éloge qu'elle fait des produits d'Eaton, qui
constitueraient,
à son avis, « les normes canadiennes de
qualité ».
Bien que très peu représentative des femmes de son
époque,
madame Kennedy incarne plusieurs des rôles qu'Eaton leur
attribue
dans ses catalogues : mère et ménagère,
séduisante
professionnelle et citoyenne modèle. On peut certainement contester
le
caractère d'authenticité de ces représentations
de
la vie des femmes. On peut aussi remettre en question les intentions que
dissimule
le message du grand magasin, selon lequel les femmes, afin de mener
à
bien leurs activités et d'en être satisfaites, doivent
exceller
dans l'art de magasiner par catalogue. Toutefois, même si les
rôles
occupés par les femmes sont limités et embellis, il faut
reconnaître
qu'Eaton a présenté très ouvertement une image
plutôt
équilibrée et respectueuse de la féminité dans
ses
catalogues. Après tout, ces publications devaient servir de tendres
gages
de l'amour d'une entreprise à l'endroit de ses
clientes.
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