|
|
|
|
|
|
Instruments
d'écriture. 1897. L'une des sept pages consacrées
à ces instruments
dans le catalogue de Sears, Roebuck & Co. de 1897.
|
|
|
|
|
|
Les catalogues de vente par correspondance constituent
une
source unique d'information pour se faire une idée des
instruments
d'écriture et de la papeterie disponibles sur le
marché entre
1880 et 1940.
Comme l'écriture est l'acte intellectuel par excellence
et
qu'il sollicite autant l'esprit que les sens de
l'épistolier,
celui-ci s'entourera d'objets et d'instruments -
ne serait-ce
qu'un simple bout de papier et une plume - pour exprimer sa
pensée.
Introduction |
Un catalogue qui répond aux
besoins de
l'épistolier | Une histoire d'encre
et
de papier | Un univers de papier | Sources
documentaires
|
Introduction
Quels étaient donc les instruments d'écriture mis
à
la disposition des Canadiennes et des Canadiens ? Où et
comment,
entre 1880 et 1940, pouvaient-ils se les procurer ? Les
résidants
des grands centres urbains avaient la possibilité de se rendre dans
un
des commerces spécialisés dans la vente de ce genre
d'articles,
ainsi que le révèle l'annuaire Lovell's, paru
à
Montréal en 1880. L'ouvrage indique en effet que l'on
pouvait
acheter des instruments d'écriture auprès des magasins
inscrits
sous la rubrique « Booksellers and Stationers ». Ces
derniers
font également paraître des annonces publicitaires dans
divers périodiques
canadiens dans le but de faire la promotion de leurs produits. De tels
annuaires
donnent donc un bref aperçu du marché pour une ville
donnée.
Quant à ceux et celles qui habitaient en dehors des grandes
agglomérations,
ils avaient recours aux catalogues de vente par correspondance qu'on
leur
expédiait par la poste.
Un catalogue qui répond aux besoins de
l'épistolier
Dès la fin du dix-neuvième
siècle, trois types de catalogues de vente par correspondance
présentaient
une vaste gamme d'instruments d'écriture.
Il y avait d'abord ceux qui se spécialisaient dans la vente
d'instruments
d'écriture et de papeterie, ceux que produisaient joailliers
et
orfèvres et, finalement, ceux qui annonçaient des
marchandises
de toutes sortes.
|
|
|
|
Boîte
de pointes de plumes. 1897. Fabriquées en Angleterre par la
Joseph Gillott & Sons et annoncées dans le catalogue de Sears,
Roebuck &
Co., édition
de 1897.
|
|
|
|
|
|
Les catalogues spécialisés forment
une
première catégorie. Préparés par des
grossistes,
ils étaient avant tout destinés à une
clientèle de
négociants, mais il arrivait, dans certains cas, que des
particuliers
puissent y avoir accès et achètent directement d'un
grossiste.
Ces catalogues, par exemple, l'édition de 1908 de la J. C.
Wilson
& Co. Limited, sont très élaborés. Ils
présentent
un très large assortiment de types d'instruments
d'écriture
et l'acheteur a le choix de 21 modèles de pointes de plumes
et 14
modèles de porte-plume. Le catalogue de la United Typewriter
Company Limited,
publié de 1913 à 1922, offre une sélection plus vaste
encore
pour inclure des encriers, des bouteilles d'encre et tout un
assortiment
d'objets que l'on peut retrouver sur un bureau. La
première
page du catalogue montre des photographies des salles de vente de la
compagnie
et celle-ci précise à ses clients qu'ils peuvent se
procurer
ses produits dans plus de quinze succursales situées dans les
grandes
villes canadiennes, depuis Halifax jusqu'à Victoria. Y est
également
offert tout un assortiment de papiers à lettres. Fait important
à
signaler : certains produits d'une même marque sont
présentés
à la fois dans les catalogues spécialisés et dans les
catalogues
de marchandises diverses. C'est le cas, par exemple, des pointes de
plumes
Easterbrook et Gillott. Seul le prix à l'unité varie.
En
général, les articles vendus par le biais des catalogues
spécialisés
s'avèrent plus dispendieux.
Le deuxième type de catalogues comprend ceux que des joailliers
faisaient
imprimer et qui offraient une variété d'instruments
d'écriture
de luxe. Ainsi, le catalogue de la Ryrie Bros., de Toronto, annonce,
dès
la première page de son édition de 1923, des produits de
distinction,
remarquables par leur conception, le choix des matériaux
utilisés
et leur fabrication. On y trouve des stylos plumes et des crayons en
argent et
en or qui n'étaient guère à la portée de
toutes
les bourses. Il y a cependant le modèle d'un stylo plume
Waterman
à des prix similaires à ceux des autres catalogues de vente
par
correspondance. Les catalogues des joailliers proposent également
de la
papeterie mais en coffret cadeau. Même si ces publications sont
destinées
d'abord à une clientèle restreinte, elles demeurent
une façon
d'atteindre un marché élargi en faisant la promotion
du nouveau
service d'envoi contre remboursement qu'introduit le
ministère
des Postes, le premier octobre 1922. Au début du catalogue Ryrie,
une
pleine page, intitulée « C.O.D. postal delivery, an
added
convenience to shopping by mail », décrit aux
clients
les avantages d'acheter par la poste.
Le troisième type de catalogues est produit par les grands
magasins
à rayons. Les gens y ont accès à un vaste choix de
produits,
depuis les biens pour la maison, des outils, des vêtements,
jusqu'aux
articles de sport et à des maisons préfabriquées. Ces
catalogues
permettaient aux nouveaux
« consommateurs » d'acheter des produits de
qualité,
à bon prix, sans fluctuation dans la disponibilité. Ces
publications
favorisaient la propagation des modes et des nouveautés. L'un
des
premiers catalogues de la maison Eaton ne contenait qu'une liste
d'articles
et leurs prix. Très rapidement, toutefois, ces ouvrages deviennent
plus
volumineux et sont illustrés de dessins détaillés.
Les catégories
d'articles qu'on y présente sont de plus en plus
variées.
Les catalogues anglais, ceux des magasins Eaton, Woodward, Simpson et
Sears,
Roebuck & Co., entre autres, classaient les instruments
d'écriture
dans une section intitulée « Stationery »,
tandis
que dans les catalogues français, par exemple, celui de Dupuis
Frères,
les inséraient dans la partie « papeterie ».
Ces
pages réservées aux instruments d'écriture et
aux
fournitures de bureau semblent une pratique constante dans les catalogues
des
années 1888 à 1940. On y trouve non seulement le papier
à
lettres mais aussi une variété d'autres objets
liés
à l'écriture.
|
|
|
Boîtes à timbres.
1897. Introduites dans les années 1840, à
l'époque de l'émission
du premier timbre-postes, ces boîtes connaissent leur âge d'or
au cours
des années 1890. L'avènement des timbres en carnet et des
distributeurs
de timbres-poste jouera un rôle dans la disparition progressive de
ces petites boîtes décoratives. Il existait des
modèles que l'on posait
sur le bureau ou que l'on portait sur soi, comme celles que l'on peut
voir dans cette illustration et la reproduction d'une page du catalogue
de Sears, Roebuck & Co., édition de 1897.
|
|
|
|
Une histoire d'encre et de papier
|
|
|
|
Guide
pratique pour la correspondance. 1897. L'art d'écrire des
lettres
est une pratique qui exige une connaissance de certaines règles et
la maîtrise de quelques habilités. L'épistolier en mal
d'inspiration
pouvait toujours trouver dans de petits manuels l'aide dont il avait
besoin. L'essai du pasteur Thomas Cooke, The Universal Letter
Writer,
publié en 1853, ouvert ici à la page de titre, est similaire
à ceux
qu'offrait le catalogue de Sears, Roebuck & Co. dans son édition de
1897.
|
|
|
|
|
|
Complément indispensable à la
plume,
le papier à lettres est le témoin d'un style,
d'une
époque, d'un milieu et d'une mode. L'examen des
catalogues
de vente par correspondance permet de constater qu'il existait des
types
de papier conçus pour diverses circonstances. Dans les catalogues
des
années 1890 (Sears, Roebuck - 1897; Eaton -
automne-hiver
1888-1889), l'unité de mesure du papier à lettres est
une
quire, c'est-à-dire, une « main de
papier »,
mesure qui servait à déterminer le poids du paquet de
feuilles.
Le format du papier à lettres mis à la disposition des
épistoliers
est sensiblement toujours le même : 13 cm sur 18 -
5 pouces
sur 7. Un seul côté de la feuille ne devait être
utilisé
et l'expéditeur devait ensuite la plier en deux dans le sens
de
la hauteur. Toutefois, malgré les préceptes mis de
l'avant
dans les manuels sur l'art d'écrire, petits volumes
destinés
à guider l'épistolier dans le choix de mots justes et
à
le conseiller dans la présentation de sa lettre, celui-ci
découpera
la feuille ou écrira au recto et au verso pour ménager le
papier.
Parmi les convenances épistolaires que les auteurs de manuels
sur l'art
d'écrire jugent importantes, le choix de la couleur du papier
à
lettres demeure essentiel : on ne devrait écrire que sur du
papier
de couleur crème. Et même si le papier coloré est le
signe
d'un manque de distinction, on s'en servira abondamment dans
la correspondance
personnelle. Aussi n'est-il pas étonnant d'en trouver
dans
de nombreux catalogues. En 1927, Eaton annonce le choix d'une
nouvelle
couleur, « tangerine », déclassant les
couleurs
déjà plus traditionnelles que sont le rose, le bleu et le
gris,
offertes dans les catalogues des années 1901-1902.
|
|
|
|
Stylo
plumes et crayons à porter accrochés à un sautoir.
1924. Catalogue
d'Eaton, automne 1924-1925, p. 324.
|
|
|
|
|
|
La variété d'instruments
d'écriture
présents dans les catalogues est révélatrice de la
panoplie
d'objets nécessaires à la correspondance. Les
livraisons
hiver 1925 et printemps-été 1927 du catalogue de Eaton en
proposent
un grand choix. Toutes les catégories d'instruments y sont
représentées
: porte-plume, stylo plumes, crayons, coupe-papier, bouteilles
d'encre
et encriers. On y offre aussi plusieurs stylo plumes et crayons faits de
matériaux
luxueux : or, argent ou nacre.
On constate que, à partir des années 1920, certains
catalogues,
tels celui de Eaton, édition 1923-1924, visent une clientèle
féminine
par la promotion d'instruments liés à
l'écriture
: « Waterman's Pens for Women »,
« Waterman's
Women's Chatelaine Style Pen », un modèle de stylo
plume,
muni d'un anneau, qui pouvait être attaché à un
sautoir,
« Women's Eversharp Pencils ». Les porte-mine
de
marque Eversharp et autres sont très nombreux ; les modèles
pour
hommes ont une agrafe ; ceux pour femmes, un anneau. C'est la
première
fois que l'utilisation de l'anneau est clairement
associée
aux femmes ; auparavant, on laissait entendre qu'elle permettait
aussi
de suspendre le crayon à une chaîne de montre.
Au cours des années, on dénote un changement dans le type
d'instruments
d'écriture proposés dans les catalogues. Avec
l'arrivée
du stylo plume, le cérémonial de l'écriture,
qui nécessitait
patience et habilité, est réduit à une pratique
courante,
aisée et sans risque. La trousse d'accessoires
nécessaires
à l'écriture (encrier, essuie-plume, porte-plume)
disparaît
donc. La Première Guerre mondiale marque un tournant dans le
marché
du stylo plume, qui se perfectionne. Le courrier échangé
entre
les soldats et leur famille augmente considérablement. Aussi le
catalogue
Eaton, en 1918, annonce-t-il « The Soldier's
Pen »,
un stylo plume à réservoir Ideal Safety Pen, de Waterman,
expressément
conçu pour éviter les dégâts d'encre.
Après 1918 s'ouvre un gigantesque marché.
Apparaissent
alors les premiers stylos en plastique coloré, ce qui
n'exclut toutefois
pas les habillages d'or et d'argent. Les stylos plumes
demeureront
extrêmement populaires jusqu'à l'arrivée
du stylo
bille, dans les années 1940.
|
|
|
Ensemble
de stylo plume et crayon Waterman. 1934. Après la
Première Guerre
mondiale apparaissent les stylos plumes en plastique coloré.
L'utilisation
de ce matériau n'excluait toutefois pas les habillages d'or et
d'argent.
Voici un ensemble datant des années 1930 et offert par le catalogue
de Dupuis Frères, printemps-été 1934.
|
|
|
|
Un univers de papier
Il faut noter, finalement, que les changements les plus importants dans
l'histoire
des instruments d'écriture sont perceptibles lorsqu'on
analyse
les pages consacrées à la papeterie dans les catalogues de
vente
par correspondance. On peut aussi retrouver dans ces ouvrages les traces
de la
modification des instruments d'écriture, à mesure que
se
produit l'évolution technologique et que se transforment les
habitudes
d'écriture. On y constate trois types de changements. Le
premier
touche la qualité et l'épaisseur du papier à
lettres
mis en vente. La qualité du papier, qui semble davantage
s'harmoniser
avec les besoins réels des épistoliers, tend à
devenir uniforme;
les catalogues semblent désormais offrir la même
qualité.
Le statut social, longtemps associé au choix du papier à
lettres,
semble en être de moins en moins le reflet. Selon les manuels sur
l'art
d'écrire, ce choix était primordial si l'on
voulait
afficher son statut. Or, le catalogue de vente par correspondance, qui
atteignait
une très large proportion de la population du milieu rural, ne
faisait
aucune distinction sur ce plan.
Le deuxième changement notable à
l'examen
de ces catalogues est la façon dont le papier à lettres est
mis
en vente. Les catalogues de la fin du
dix-neuvième siècle font état de papier à
lettres vendu sous un seul format et en un nombre pré
déterminé
de 25 feuilles, ce qu'on appelle une
« main », les enveloppes étant vendues
à
part. Tout cela se modifie de sorte que papier à lettres et
enveloppes
sont désormais vendus en ensemble de papeterie, dans une
variété
de couleurs et de motifs agencés. Le nombre de feuilles composant
ces
ensembles varie et cet élément aura un effet sur le prix du
papier
à lettres. Des coffrets destinés au rangement du papier
à
lettres peuvent dorénavant être achetés par catalogue.
Conçus
à partir des modèles des écritoires en bois du
dix-neuvième
siècle, ces coffrets ne servent pas à
l'écriture.
Moins chers que les écritoires, ces objets sont donc maintenant
accessibles
à davantage de bourses.
La diminution de la variété de papiers à lettres
spécialisés
est le troisième changement remarqué dans la papeterie. Les
cartes
de visite et le papier de deuil seront remplacés par des cartes de
souhaits
destinées à diverses occasions et déjà
imprimées
par le manufacturier. Les catalogues de vente par correspondance savent
ainsi
répondre aux goûts et besoins nouveaux de la population en
lui offrant
une gamme de produits sans cesse adaptés aux récentes
tendances.
|
Sources documentaires
DAUPHIN, Cécile, Prête-moi ta plume. Les
manuels
épistolaires au XIXe siècle. Paris,
Éditions
Kimé, 2000.
De BIASI, Pierre-Marc et Karine DUPLITZKY, La saga du papier.
Paris,
Adam Biro, Arte Éditions, 2002.
GENDREAU, Bianca, « L'art d'écrire au
Canada
entre 1870 et 1940 ». Rapport de recherche, Hull,
Musée
canadien de la poste, 1999.
LE COLLEN, Éric, Objets d'écriture. Paris,
Flammarion,
1998.
Lovell's Montreal Directory for 1880-1881.
Montréal,
John Lovell & Son, 1880.
MARSHALL, Jim, Pens & Writing Equipment. A
Collector's
Guide. London, Miller's, 1999.
|
|
|
|