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  Affiche publicitaire de tapis 
crochetés.  
  

Agrandir l'image.Affiche publicitaire d'un détaillant des produits Garrett.

  
     

Les tapis crochetés « Bluenose » de Garrett
Texte de Scott Robson

Pendant la première moitié du vingtième siècle, beaucoup des tapis crochetés qui ornent les foyers canadiens portent la mention « Bluenose », un nom néo-écossais bien connu. Certains montrent même une image de la célèbre goélette éponyme. C'est vers 1926 que l'entreprise familiale Garrett, du comté de Pictou, en Nouvelle-Écosse, adopte ce nom comme marque de commerce pour ses patrons de tapis crochetés. Vendus par correspondance, ces patrons, imprimés sur de la toile de jute, introduisent le nom et les motifs de l'entreprise jusque dans des logis très éloignés. S'il ne fut pas le premier ni le seul fabriquant de ce genre de patrons dans la province, Garrett fut sûrement le plus grand et le plus durable dans le domaine.

L'entreprise Garrett | Les premiers patrons de John Garrett | Les motifs et la distribution des patrons de Garrett

  Le Bluenose sur le dix cents 
canadien.  
  

Agrandir l'image.Reproduction du Bluenose sur le dix cents canadien. La célèbre goélette Bluenose a été mise à l'eau en 1921 à Lunenburg, en Nouvelle-Écosse. Elle figure sur ces pièces depuis 1937.

  
     
  Patron Bluenose pour siège de 
chaise, 
années 1940.  
  

Agrandir l'image.Patron « Bluenose » pour siège de chaise ou de tabouret, conçu et imprimé par l'entreprise Garrett vers la fin des années 1940. 50,0 cm sur 50,7 cm

  
     

L'entreprise Garrett

  Un des premiers patrons de tapis 
crocheté, 1894.  
  

Agrandir l'image.Un des premiers patrons de tapis crocheté de John Garrett.

  
     

John Garrett (1865-1937), de New Glasgow, en Nouvelle-Écosse, commence à imprimer et à vendre ses premiers « patrons » de tapis au crochet en 1892. Ces motifs, imprimés sur de la toile de jute, forment le support de carpettes ou de tapis crochetés.

De nos jours, en Nouvelle-Écosse, beaucoup d'artisans utilisent encore le terme local « carpette », alors qu'ailleurs les gens privilégient le mot « tapis ». Si Garrett, lui, employait ce dernier mot dans la plupart des cas, probablement en fonction de sa clientèle américaine, il offrait également des « paillassons » ou employait les deux termes simultanément, c'est-à-dire « des carpettes et des tapis crochetés ».

  Tapis crocheté sur un patron de 
Garrett, vers 1901  
  

Agrandir l'image.Tapis crocheté sur un patron de Garrett introduit vers 1901. 134,6 cm sur 222,3 cm

  
     

John Garrett commence par travailler dans l'entreprise de meubles et de rembourrage de son père. Il préfère toutefois mettre à profit ses talents artistiques pour concevoir des motifs de tapis. Son petit commerce, qui occupe d'abord deux pièces de sa maison, se transforme bientôt en une grande manufacture qui comptera des clients au Canada, puis aux États-Unis et en Grande-Bretagne, et aussi loin qu'en Afrique du Sud, en Nouvelle-Zélande et à Hawaï.

  Annonce publicitaire de Garrett, 
Family Herald & Weekly Star, January 31, 1900.  
  

Agrandir l'image.Annonce publicitaire de l'entreprise Garrett. Family Herald & Weekly Star, January 31, 1900.

  
     

En 1892, à sa première année de fonctionnement, l'entreprise de Garrett - celui-ci avait déjà obtenu un brevet canadien pour son processus d'impression de patrons sur jute - vend quelque 1800 exemplaires et en écoule 6000 la troisième année. Une production économique et efficace s'impose alors. Aussi Garrett élabore-t-il sa propre méthode d'impression qu'il veut simple.

  Matériel et patrons de tapis 
crochetés 
de Garrett, Simpson's Spring Summer 1941, p. 181.  
  

Agrandir l'image.Matériel et patrons de tapis crochetés de Garrett. 1941. Catalogue de Simpson, printemps 1941, p. 181.

  
     

À mesure que s'améliore la production, qu'augmentent les résultats et que croît la demande, Garrett commence à vendre par correspondance les tapis ornés de ses propres motifs, puis, plus tard, utilisera des catalogues qu'il concevra lui-même. Dès 1900, il annonce ses produits dans différentes publications agricoles. C'est cependant le populaire Family Herald & Weekly Star, publié à Montréal, qui s'avère le meilleur moyen de promotion des patrons. L'entreprise connaît une telle croissance qu'elle utilise environ 200 000 mètres de jute par année au début de la Première Guerre mondiale.

  La machine à crocheter de 
Garrett.  
  

Agrandir l'image.La machine à crocheter de Garrett, brevetée en 1926, et son emballage.

  
     

Les activités commerciales de l'entreprise Garrett comprennent, entre autres, la vente de fils de laine, de crochets, d'attaches, de cadres et de plusieurs versions d'une machine à crocheter. Garrett met à l'essai différents modèles et améliorations de sa machine. L'un d'eux s'appelle tout simplement la
« machine à crocheter Garrett » (annoncé en 1920); un autre, la « Petite merveille ». Finalement, en 1926, il fait breveter la machine à crocheter Bluenose au Canada, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Elle acquiert une popularité instantanée : environ 12 000 appareils sont vendus la première année. Conçue pour le filé, elle peut aussi utiliser de minces lanières de chiffons.

  Catalogue de Garrett 1930-1931.  
  

Agrandir l'image.Page de couverture et dernière page du catalogue de Garrett de 1930-1931. La première montre une femme utilisant une machine à crocheter et un cadre « Bluenose ».

  
     

Trois des enfants de Garrett occupent des postes au sein de l'entreprise. Frank (1892-1958) et Cecil
(1902-1954) travaillent à l'usine principale de New Glasgow. Arthur (1888-1954) gère la filiale de Malden, au Massachusetts. Cette filiale a ouvert ses portes en 1929, mais l'entreprise Garrett exploitait déjà divers points de vente dans la région de Boston depuis 1902 environ. Katherine, l'épouse d'Arthur, poursuit les activités de la filiale après le décès de son mari et Cameron, le fils de Frank, reprendra les activités de l'installation de New Glasgow après le décès de son père, en 1958.

  Catalogue de Garrett, 1940.  
  

Agrandir l'image.Page de couverture et dernière page du catalogue de Garrett de 1940 - édition américaine.

  
     

La popularité des patrons de tapis commence à décliner durant les années 1960 et 1970, puis s'évanouit. Le stock restant est vendu dans la décennie suivante. En 1985, Ed MacArthur, qui y a occupé le poste de gérant, achète l'entreprise. Il vend par la suite les pochoirs à tapis à un acheteur qui souhaite en tirer des impressions et les vendre.


Les premiers patrons de John Garrett

  Halifax, 1879.  
  

Agrandir l'image.Vue aérienne (détail) de Halifax, en 1879. Lithographie

  
     

En octobre 1927, alors que l'entreprise est en plein essor, Cecil Garrett raconte, dans une causerie, les débuts de son père dans l'industrie du crochet. Selon lui, l'aventure commence en 1879, quand John Garrett découvre des patrons de tapis sur jute dans la vitrine d'un magasin de Halifax en se rendant à son travail :

« Le propriétaire de ce magasin avait fait une cession. Le stock avait été acheté par une entreprise de commissaires-priseurs, Shand, Ferguson & Clay […]. Ils craignaient de ne pouvoir écouler les patrons de tapis et les avaient donc soldés. Résultat : ce sont les premiers articles à se vendre. Monsieur Ferguson, un artiste amateur, conçoit alors quelques patrons … qui se vendent bien. Plus tard, Ferguson déménage à New Glasgow et ouvre un commerce à côté du magasin de meubles de mon grand-père. […] Il a continué à faire des patrons de carpettes et de tapis pour son commerce de détail et expédiait le stock excédentaire à Halifax. Tous les patrons étaient fabriqués à l'aide de pochoirs. »

« Un jour, monsieur Ferguson demande à mon père, âgé de dix-huit ans à l'époque, de lui procurer quelques patrons lors d'un voyage à Boston afin d'inspirer ses créations. Pendant le voyage de retour par bateau, mon père décide d'imprimer ces patrons. À son arrivée à la maison, il taille une volute dans du tilleul à l'aide d'une scie à chantourner, l'encre et l'habille d'un morceau de jute et fait tourner le tout en utilisant un rouleau de métal en guise de poids. L'opération est un succès et, depuis, nous n'avons cessé de fabriquer des patrons de
tapis ! »

« Le nombre de patrons vendus durant la première saison n'est que de 150 douzaines (1800 patrons). Pendant la deuxième saison, les ventes se chiffrent à 350 douzaines (4200 patrons). Lors de la troisième saison, les ventes représentent 508 douzaines (6096 patrons). La saison dernière, les ventes ont atteint 1100 douzaines (132 000 patrons). Depuis trois ans, nos commandes de toile de jute sont d'environ 150 000 mètres par année. »


Les motifs et la distribution des patrons de Garrett

  Annonce publicitaire de Garrett dans 
The United Farmer's Guide, 1921, p. 23.  
  

Agrandir l'image.Annonce publicitaire de Garrett. 1921. Le texte suggère aux dames d'écrire à l'entreprise afin de recevoir, gratuitement, un feuillet illustrant 67 jolis motifs de tapis. Annonce parue dans United Farmer's Guide (Gardenville, Québec), 15 novembre 1921, p. 23.

  
     

En plus de 80 ans, l'entreprise a imprimé des patrons sur jute qui offraient des centaines de motifs, dont beaucoup sont l'œuvre de John Garrett et de son fils Frank, qui avait reçu une formation d'artiste commercial. On peut retracer ces motifs dans les livrets de patrons et les catalogues qui sont souvent publiés annuellement. Une annonce insérée dans le Family Herald & Weekly Star du 28 février 1900 vante
« la soixantaine de motifs de tapis crochetés  » offerts dans six tailles. En 1925, la firme offre « plus d'une centaine de motifs ». Certains s'inspirent de tapis anciens, tandis que d'autres sont des adaptations de patrons achetés à Boston. Quelques-uns ont été identifiés comme étant des variantes des motifs d'Edward Frost, bien connus en Nouvelle-Angleterre. Toutefois, la plupart sont créés par Frank Garrett et son père.

  Patrons de Garrett, 1923-1924, en 
français.  
  

Agrandir l'image.Patrons offerts en français par Garrett. 1923-1924.

  
     

Peu après 1900, Eaton commence à vendre les patrons de Garrett à travers le Canada. La Compagnie de la Baie d'Hudson, Simpson et d'autres magasins lui emboîtent le pas. De 1920 à 1940, Eaton demeurera le principal acheteur de patrons de tapis de l'entreprise Garrett. Pendant la saison hivernale 1926-1927, le magasin vend plus de
900 douzaines (10 800 patrons) de deux motifs seulement.

   Le Canada accueille le roi et la 
reine, 1939.   

Feuillet publicitaire de Garrett. 1939. Le feuillet annonce un patron conçu par Frank Garrett à l'occasion de la visite royale au Canada, en mai et en juin 1939. Les couronnes impériales du roi et de la reine sont bordées d'un trèfle, d'un chardon et d'une rose, symboles de la Grande-Bretagne, et de la feuille d'érable du Canada.

Agrandir l'image.
 
   Les trois ours, 1932.   

« Les trois ours », patron de Garrett. Années 1930. 74,0 cm sur 113,5 cm. Selon Cameron Garrett, « les trois ours et la goélette Bluenose furent [les] deux meilleurs vendeurs » de l'entreprise. (Canadian Living, 5 septembre 1987) Ils avaient été annoncés pour la première fois dans le catalogue de 1932 et étaient demeurés populaires au Canada et aux États-Unis.

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   Patrons et outils à crocheter 
Garrett, 
Simpson's Fall Winter 1935-1936, p. 155.   

Patrons et machines à crocheter de Garrett. 1935. Catalogue de Simpson, automne-hiver 1935-1936, p. 155.

Agrandir l'image.

Les patrons sont imprimés sur du jute, puis colorés à la main afin de suggérer un agencement de couleurs et d'améliorer l'aspect terne de l'encre sur la toile. Voici ce qu'on pouvait lire sur un feuillet de Garrett, en 1921 :
« Nos patrons de tapis sont imprimés sur une solide toile de jute spécialement conçue et fabriquée à cette fin. Les fleurs et les feuilles sont en couleurs naturelles, les feuilles d'érable présentent leurs couleurs automnales et les volutes sont généralement d'un brun clair ou foncé. Ne vous sentez pas obligées d'utiliser ces couleurs. Tenez uniquement compte de vos goûts et des chiffons à votre disposition. »

  Détail d'un tapis 
crocheté, vers 
1900.  
  

Agrandir l'image.Tapis crocheté (détail), confectionné à partir d'un patron de Garrett introduit vers 1900.

  
     
  Tapis crocheté, vers 1930.  
  

Agrandir l'image.Tapis crocheté, confectionné à partir d'un patron de Garrett introduit vers 1930. 89 cm sur 172 cm

  
     
  L'usine de Garrett, vers 1916.  
  

Agrandir l'image.L'usine de John Garrett, en 1916. Photo tirée de l'essai Nova Scotia's Industrial Centre: New Glasgow, Stellarton, Westville, Trenton (1916, 101 pages).

  
     

Outre la conception et l'impression de patrons à crocheter, la manufacture exploite une imprimerie pendant quelque temps (elle est vendue en 1923), où elle produit ses propres patrons et catalogues. Voici comment l'entreprise était décrite en 1916 : « Il s'agit de la seule usine canadienne de conception de patrons sur jute pour la fabrication de tapis à la maison. […] Ses produits sont vendus partout dans le Dominion et à Terre-Neuve. Monsieur Garrett exploite aussi l'imprimerie de New Glasgow et dessine beaucoup de bannières et d'affiches artistiques. » (Nova Scotia's Industrial Centre: New Glasgow, Stellarton, Westville, Trenton)

Pour faire fructifier leurs affaires, les membres de la famille Garrett entreprennent bien d'autres projets. Ainsi John Garrett annonce-t-il, en 1901, la vente de patrons pour dentelles ( Battenburg ) et broderies. Dans les années 1970 et 1980, son petit-fils Cameron Garrett vend des meubles d'occasion et des antiquités. Cette diversification compense la baisse des ventes, surtout pendant les deux guerres mondiales, périodes où il est difficile de se procurer du jute tissé en Écosse selon les spécifications de John Garrett. Dans les années 1960, le marché des patrons s'amenuise et l'intérêt pour les machines à crocheter s'avère presque inexistant.

  Série de patrons de Garrett, de 
1930 à 
1956.  
  

Agrandir l'image.Dix patrons du catalogue de Garrett de 1970. Le catalogue présente une vaste gamme de patrons populaires introduits de 1930 à 1956.

  
     

Les annonces et les catalogues de Garrett constituent une bonne illustration de la croissance et du déclin de l'entreprise, depuis le petit commerce dynamique jusqu'à l'imposante société internationale de vente par correspondance. L'assortiment changeant des patrons comprend de nombreux motifs de fleurs et de volutes, l'introduction périodique de nouveaux patrons et la reprise de motifs des décennies précédentes.

  Patron de la goélette Bluenose 
de 
Garrett, imprimé sur toile de jute.  
  

Agrandir l'image.Patron de la goélette Bluenose de Garrett, imprimé sur toile de jute.

  
     

Garrett publie son dernier catalogue en 1974 : l'ouvrage servira pendant plusieurs années et on se contentera de n'y apporter que quelques modifications manuscrites. De fait, en 1971, un seul modèle nouveau avait été ajouté au catalogue depuis 1964, ce qui démontre le peu d'intérêt pour le produit et la diminution des ventes.

Dans les foyers et les collections muséales du Canada et des États-Unis, on trouve sans doute beaucoup de carpettes et de tapis fabriqués entre 1890 et les années 1960 qu'on ne reconnaît pas comme des tapis de « patrons » commerciaux; peu sont attribués à des concepteurs ou à des imprimeurs de patrons. Il est bien possible qu'ils aient été crochetés sur des patrons Bluenose, distribués par la poste et produits par les trois générations de l'entreprise familiale de John Garrett.


 

   
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