La vie de BarbeauLe temps des jeux (2)Mon père, Charles Barbeau, natif de Saint-François de Beauce, avait eu une jeunesse active et joyeuse. Il fréquentait les « veillées » de chansons et de danses dans « tous les cantons » de la Beauce et de Dorchester. « Beau danseur » et « bon chanteur », il devait fréquenter « le beau sexe ». Le folklore (dont on ne connaissait naturellement pas le nom) se produisait de tous côtés dans la vie de mon père et dans ses relations familiales. Mon père jouait des gigues et des « reels » sur son violon en tapant du pied. Souvent le soir, il prenait son violon et jouait rêveusement le « Moneymusk », le « Rêve du diable ». Il me faisait danser devant lui des gigues. Mon père, le soir, se tournait le dos au gros poêle de fonte à trois ponts (un « Québec ») et contait des contes de fées. Nous aimions surtout « Sinbad le marin », qu'il avait appris dans un livre (ce n'était pas vraiment du folklore). Nous le tourmentions souvent pour qu'il nous en conte davantage. Mon imagination étincelait déjà de merveilles. Dans notre milieu il y avait aussi beaucoup de folklore vivant: les « quêteux » de Saint-Gervais (Bellechasse). Mon père s'amusait à en faire parler un, à la boutique de forge des Ferland, les voisins. Mon père: « Qu'allez-vous donner à vos enfants comme héritage? », « A mon aîné, je donne le comté de Montmagny, à mon deuxième, le comté de Dorchester, à mon plus jeune, la Beauce... » Au mardi-gras et à la mi-carême, les gens se mettaient des masques et passaient de porte en porte avec des paniers. On leur donnait quelque chose, des croquignoles, des pommes... L'hiver, il y avait des « parties de pommes ». Les habitants se réunissaient les uns chez les autres, jouaient aux cartes pour des pommes. Il y avait là des barils de pommes « fameuses » qu'on faisait venir de Québec. C'était là l'occasion de beaucoup en manger. Mon père revenait toujours avec un mi-baril qu'il avait gagné (ou acheté?). Je grandissais, mais mes parents ne m'envoyaient pas à l'école. Ma mère ayant été religieuse, m'enseignait elle-même. J'étais précoce. |
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