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Les modestes débuts du syndicat chez Dupuis
Frères
Texte de Sylvie
Marier
Pendant plus de 50 ans, le magasin à rayons
Dupuis
Frères s'est avéré une véritable
réussite
commerciale. À l'aide de son populaire catalogue,
publié
en français, il a su se distinguer de ses concurrents par sa
volonté
de courtiser le marché peu exploité de la population
canadienne-française
de l'époque. Prônant des idéologies telles que
le nationalisme,
le catholicisme et le paternalisme, il s'est fait propagandiste des
valeurs
traditionnelles québécoises. Dupuis Frères est non
seulement
l'histoire d'une entreprise familiale prospère, mais
aussi
celle du premier syndicat national et catholique à
représenter
des employés de magasins.
Des influences religieuses | Les
caractéristiques indispensables | Les
responsables
syndicaux | Le paternalisme | Des
liens
étroits | Revendications syndicales et situation
des
femmes | Les répercussions de la Seconde Guerre
mondiale
| Conclusion | Sources
documentaires
Des influences religieuses
C'est grâce à l'appui majeur de la direction
même
de Dupuis Frères que la fondation du Syndicat catholique et
national des
employés de magasin (section 1) peut se faire en 1919. Ses membres
sont
les employés du magasin et du comptoir postal. Dans les
années
1930, près de 900 de ses travailleurs seront syndiqués. En
peu
de temps, la totalité des membres du personnel joindra les rangs du
syndicat,
ce qui sera un objet de fierté pour la direction.
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Représentation
des trois piliers idéologiques du syndicat, section Dupuis
Frères :
Dieu, la famille et la patrie. Parue dans Le Duprex,
bulletin de liaison du magasin et de ses employés, vol. 10, no 12,
p. 273.
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Groupe
de travailleuses du comptoir postal, octobre 1948.
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L'affiliation du syndicat à la Confédération
des
travailleurs catholiques du Canada (CTCC), dès 1922, impose aux
employés
une première condition d'admissibilité :
être
catholique. On exige également d'eux qu'ils soient
sobres,
rangés et qu'ils ne fassent partie d'aucune association
dite
« neutre », c'est-à-dire toute
organisation
qui n'appartiendrait pas à la religion catholique. Durant les
premières
années d'existence du syndicat, les employés doivent
remplir
une simple « demande d'admission » qui
deviendra
par la suite un « certificat de membre ». En 1950,
Thérèse
Fyfe, la trésorière adjointe, désireuse de simplifier
la
procédure d'adhésion au syndicat, demandera
l'émission
d'une simple carte.
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Publicité de
Dupuis Frères dans le périodique Le Travail,
1939. Ce
placard permet à la maison de maintenir son image de protectrice des
travailleurs aux yeux de la population canadienne-française et des
communautés religieuses.
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Délégués
du syndicat de Dupuis Frères au congrès de la CTCC.
Des délégués
doivent se présenter au congrès annuel de la CTCC
(Confédération des
travailleurs catholiques du Canada), organisation ouvrière
interprofessionnelle,
créée en 1922. Au fil des ans, elle perd ses
caractéristiques religieuses
pour devenir laïque en 1960. C'est la naissance de la CSN, la
Confédération
des syndicats nationaux. Le Duprex, vol. 5, no 1, p. 8.
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Première
version du formulaire d'adhésion au syndicat, 1925. La
constitution
du syndicat étant peu complexe, le document en précisait les
principales
clauses. Cette pratique n'est plus en usage.
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Certificat
de membre d'une vendeuse, 1934. Carte de membre du syndicat. Le
formulaire fut révisé et remplacé par une simple
carte de membre, quelques
années plus tard. Le Duprex, vol. 3, 1928, page de
couverture.
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L'emblème du syndicat montre les trois valeurs constituant
les
piliers de ce syndicat : nationalisme, catholicisme et paternalisme.
Cette
vertèbre philosophique, qui soutient la conception de
l'entreprise
et, par conséquent, celle du syndicat, illustre bien
l'influence
exercée par l'Église. Cette présence sera
déterminante
dans l'évolution du syndicat et son cheminement
idéologique.
L'implication de l'Église dans le syndicalisme
s'explique
par sa volonté de freiner la popularité croissante des
unions laïques,
dites « neutres ». Elle craignait en effet que ces
dernières,
implantées majoritairement dans les milieux non catholiques,
mettent en
danger les croyances morales des travailleurs catholiques.
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Écusson
du syndicat. Créé en 1928, l'écusson fut
béni par l'aumônier
lors du défilé de la Saint-Jean-Baptiste. Le
Duprex, vol.
2 no 10, page 10.
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Les caractéristiques indispensables
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J.-A.
Clément, aumônier du syndicat, de 1940 à 1952.
Gardien de la
doctrine sociale de l'Église, l'aumônier participe aux
décisions syndicales
importantes et s'assure que celles-ci ne vont pas à l'encontre de
ladite
doctrine. Il assiste aux réunions des dirigeants du syndicat et peut
aussi être appelé à donner son opinion sur des
questions urgentes. Le
Duprex, vol. 11, no 1, p. 5.
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Étant donné son affiliation
à
une centrale catholique, le syndicat doit nécessairement en adopter
les
quatre caractéristiques fondamentales :
l'épithète
« catholique » dans son appellation (Syndicat
catholique
et national des employés de magasin (section 1), la présence
d'un
aumônier aux réunions syndicales, l'obligation
d'être
catholiques pour ses membres et la conformité à la doctrine
sociale
de l'Église. Cette appartenance à la religion
catholique
représente l'assise idéologique du syndicat et toutes
les
décisions importantes doivent en respecter les fondements. La
justice,
la charité et l'obéissance à
l'autorité
établie sont les trois paramètres qui soutiennent cette
doctrine.
L'esprit de collaboration et la bonne entente entre employés
et
employeur sont encouragés par le syndicat. Dès lors, le
recours
à la grève s'avère hors de question, puisque
celle-ci
remettrait en question l'autorité en place. Cette doctrine
sociale
puriste impose donc au syndicat une façon de penser qui ne sert
nullement
les intérêts des travailleurs.
C'est ainsi que l'aumônier se voit confier la mission
de
veiller à ce que la doctrine soit appliquée religieusement.
De
la fondation du syndicat jusqu'à la grève de 1952, au
moins
trois prêtres occuperont ce poste : Edmour Hébert (de
1919
à 1926), Théobald Paquette (de 1926 à 1940) et J.-A.
Clément
(de 1940 à 1952).
En 1919, à l'occasion d'un discours qu'il
livrait
aux membres du syndicat qui vivait alors ses premiers balbutiements,
Hébert
affirme que « l'objet d'un syndicat catholique est
de
travailler sur une base de justice à des relations cordiales entre
les
employés et les patrons ». L'Église veut
donc
éviter tout rapport de force entre ces deux groupes dont les
intérêts
divergent. Elle tente de justifier l'inévitable
hiérarchie
sociale qui existe en ne la remettant pas en cause. C'est dans cet
esprit
que sera créé, en 1926, le mensuel des employés,
Le
Duprex, publication « qui sera le lieu qui unira en un
tout homogène
les différentes parties de la grande organisation
Dupuis ».
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Page
de couverture de la première livraison du Duprex. Vers 1926.
La
publication servira d'outil de propagande auprès des
communautés
religieuses,
car on y valorisera constamment les valeurs chrétiennes. Le
Duprex,
vol. 1, no 1, page de couverture.
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Les responsables syndicaux
Les attributions des responsables syndicaux, appelés à
l'époque
les « officiers », ainsi que le nombre de ceux qui
en constituent
le bureau de direction demeureront passablement stables au cours des
années.
Par contre, les tâches de deux d'entre eux,
l'aumônier
et la « visiteuse », évolueront selon les
humeurs
du temps. Le premier, après avoir joué un rôle
clé
au sein du bureau de direction, y perdra peu à peu de son influence
et
son poste sera finalement aboli dans les années 1960, suite
à la
décléricalisation de la société
québécoise.
L'officier
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Attributions
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Président
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- Il préside les assemblée du syndicat, en dirige les
débats,
mais il ne peut pas intervenir, ni prendre part à la
discussion.
- Il représente le syndicat dans ses actes officiels.
- Il ordonne la convocation des assemblées.
- Il surveille l'exécution des règlements.
- Il signe les chèques conjointement avec le trésorier et
le
censeur.
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Vice-président
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- Il remplace le président au besoin.
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Secrétaire
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- Il fait la rédaction et la lecture des procès-verbaux
des
assemblées, il les inscrit dans un registre et, séance
tenante,
les signe avec le président.
- Il donne accès aux registres des procès-verbaux
à tout
membre qui désire en prendre connaissance.
- Il classifie et conserve toutes les communications.
- Il donne lecture de tous les documents qui doivent être
communiqués
à l'assemblée.
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Trésorier
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- Il fait la comptabilité.
- Il perçoit toutes les cotisations et en donne quittance.
- Il fournit à l'assemblée mensuelle un compte
rendu exact
de toutes les sommes perçues.
- Il endosse les chèques avec le sceau du syndicat.
- Il fait tous les déboursés autorisés.
- Il produit les livrets de banque à chaque
assemblée.
- Il transmet les indemnités dues en cas de maladie ou de
décès.
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Censeur
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- Il surveille les applications des membres et les indemnités
versées.
- Il signe les chèques conjointement avec le président et
le
trésorier.
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Vérificateur
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- Il surveille la comptabilité des affaires du syndicat.
- Il exige du trésorier, à chaque assemblée, les
livrets
de banque et en vérifie l'état.
- Il examine les inventaires et les comptes et présente ses
observations
à ce sujet aux assemblées.
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Commissaire ordonnateur
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- Il s'occupe de l'organisation des assemblées.
- Il s'occupe de la location de la salle et des accessoires.
- Il s'enquit si tous les membres sont en règle.
- Il s'occupe de l'organisation de la fête patronale
et
des autres démonstrations.
- Il fait enquête sur les antécédents, les
habitudes et
les mœurs des candidats, sur la conduite des membres et de leurs
infractions
aux règlements.
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Source : Le Duprex, vol. 12, no 8, pages 317-318.
Archives-HEC, Montréal, Fonds Dupuis Frères Limitée,
PO49
Quant au poste de « visiteuse », instauré
dans
les années 1920, il disparaîtra après la Seconde
Guerre mondiale.
Ce rôle, dont les attributions au sein de la direction syndicale ne
seront
jamais clairement établies, est de nature marginale quant à
son
appellation, car il réfère à un responsable qui, au
lieu
d'appartenir réellement à ce bureau, en rencontre les
membres.
Occupé principalement par des femmes, ce poste n'a pas
véritablement
d'influence auprès des autres responsables syndicaux
puisqu'il
n'est probablement pas fondamental au bon fonctionnement de
l'organisation.
Le paternalisme
Le paternalisme est la conception paternelle du rôle du chef
d'entreprise
qui, sous prétexte de protéger ses employés, exerce
plutôt
un contrôle sur eux. Ce régime se traduit, au sein du
syndicat,
de plusieurs façons, entre autres, par la présence de cadres
supérieurs
aux assemblées syndicales. Cette présence,
particulièrement
celle des grands patrons, est vue comme une marque de reconnaissance
à
l'endroit du syndicat.
Ses membres ne perçoivent pas l'employeur comme un
opposant seulement
préoccupé par des intérêts financiers, mais
comme
un bienfaiteur travaillant à leur bien-être. C'est
là
que la doctrine sociale devient un élément fondamental de la
gérance
du personnel. Elle met à la disposition des patrons des
employés
dociles et soumis, qui ne doutent pas des intentions commerciales et
gestionnaires
sous-jacentes de leurs employeurs.
Les employés ont une confiance aveugle en Dupuis, le
président,
et vénèrent même certains de leurs supérieurs.
Que
ce soit par l'instauration de la Saint-Dugal, ainsi nommée en
l'honneur
de Joseph Dugal, le directeur adjoint, ou par l'attribution du
surnom de
« bon Dieu » à Émile Boucher, le
directeur
du personnel, les employés accordent une supériorité
morale
et intellectuelle aux dirigeants de l'entreprise. Ils pousseront
plus loin
cette vénération quand, en 1930, ils recommanderont au
Vatican
de nommer le grand patron, Albert Dupuis, Chevalier de l'Ordre de
Saint
Grégoire-le-Grand.
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Émile
Boucher. Directeur du personnel pendant plus de vingt ans, il
était
apprécié des employés pour son humanité et son
dévouement. Il a 38
ans quand cette photo paraît dans Le Duprex, vol. 7, no 3,
p. 37.
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Albert
Dupuis. C'est à la demande du Syndicat catholique et national
des employés de magasins, section Dupuis Frères, que Rome a
élevé Albert
Dupuis à la dignité de Chevalier de l'Ordre de
Saint-Grégoire-le-Grand,
en 1930. Le Duprex, vol. 12, no 11, p. 404.
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Si les employés vouent un immense respect à Albert
Dupuis, leur
pourvoyeur, celui-ci le leur rend bien, car il a su en créer un
esprit
de famille inébranlable et établir des liens de confiance
importants.
Ce n'est qu'une vingtaine d'années plus tard
qu'ils
se rendront compte des conséquences engendrées par cette
considération
enthousiaste et demanderont que les cadres supérieurs et les
gérants
soient écartés du syndicat.
Des liens étroits
Les rapports entre les gens de la direction et les employés sont
étroits,
tant par la dépendance financière qui lient les deux groupes
que
par la philosophie religieuse qu'ils partagent. En plus
d'être
dominé spirituellement, le syndicat n'est pas
indépendant
de fortune, même que la maison lui portera secours
financièrement
lors de périodes difficiles.
De fait, le financement du syndicat sera une situation
problématique
constante avant l'arrivée de la formule Rand, en 1952, qui
obligera
la compagnie à percevoir à la source les cotisations de tous
les
salariés, qu'ils soient syndiqués ou non. Le fonds de
réserve
du syndicat est souvent déficitaire et celui-ci peine pour verser
sa cotisation
mensuelle à la CTCC. La cotisation des membres, qui est de 20¢
pour
les hommes et de 10¢ pour les femmes, ne suffit pas à
renflouer les
coffres. Des soirées syndicales sont alors organisées pour
arriver
à ramasser des fonds. Ces activités ne seront toutefois pas
suffisantes
et le patron viendra au secours de l'organisation en contribuant
lui-même
au fonds de réserve du syndicat. Ainsi, en 1935, Dupuis donna-t-il
1000
$ à ce fonds. Il avait accordé 250 $ au syndicat
à
l'occasion de son dixième anniversaire, en 1929, et encore
1000 $
en 1944, quand l'organisation fête son vingt-cinquième
anniversaire.
Financièrement et intellectuellement, l'autonomie du syndicat
est
loin d'être chose acquise.
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Annonce
d'une soirée récréative, 1933. Publiée
dans Le Duprex
(vol.
7, no 5, p. 79). Le syndicat en organise plusieurs pour divertir
ses membres. Il mettra aussi en place des activités sportives, en
plus
d'arranger des sorties culturelles ou sociales quotidiennes.
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Revendications syndicales et situation des
femmes
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Les
gérants de départements, 1916. On notera ici le fait
que ce
ne sont que des hommes qui occupent des postes de cadres.
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L'évolution des revendications syndicales se fera à
un
rythme très lent. En effet, pendant longtemps, la priorité
des
membres se limitera à constituer un fonds de réserve qui
leur viendra
en aide en cas de maladie ou de décès (projet
d'assurance
collective). En 1936, trois questions sont abordées :
l'âge
d'éligibilité à la pension de vieillesse,
l'augmentation
des prestations d'assurance chômage et les congés
payés.
Les autres demandes demeureront mineures et, en aucun cas,
n'affecteront
la bonne marche du commerce.
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Les
membres du bureau de direction syndical, 1942-1943. Les femmes
seront peu représentées au sein de ce bureau et elles n'y
joueront
pas de rôle important avant le milieu des années 1940. Le
Duprex,
vol. 7, no 11, p. 173.
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Paradoxalement, bien que les femmes constituent près des deux
tiers
du personnel, leur poids ne semble pas se refléter sur le plan des
demandes
syndicales. Par exemple, l'équité salariale
n'apparaît
pas au tableau des discussions avant 1950. Pourtant, on n'est pas
sans
savoir que les hommes gagnent parfois le double du salaire des femmes. De
plus,
celles-ci n'accéderont à des postes supérieures
que
quelques années plus tard. Cette situation peut s'expliquer
par
leur faible représentation au sein du bureau syndical et les
rôles
de subalternes qu'elles obtiennent. Le syndicat ne semble pas
être
un endroit où les besoins des femmes sont pris en
considération.
Cette interprétation nous est suggérée par le faible
taux
de participation des femmes aux réunions syndicales. Le syndicat
prendra
quelques initiatives pour contrer cette situation : on annoncera des
prix
de présence en argent pour favoriser l'assiduité aux
réunions,
et on tentera même d'y attirer les jeunes vendeuses en
instaurant
une caisse dotale, qui ne verra cependant jamais le jour.
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Églantine
Phaneuf, présidente de l'Association des employées de
commerce.
1927. Association
réservée exclusivement aux femmes. Le Duprex, vol.
13, no
6, p. 8.
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Dans le but de remédier à ce manque de
considération,
l'Association professionnelle des employées de magasin se
présentera
comme une alternative aux travailleuses du commerce au détail.
L'Association,
fondée en 1906 et dirigée par Églantine Phaneuf,
vient en
aide aux jeunes travailleuses en les amenant à se préparer
à
l'accomplissement de leur mission dans la famille et la
société.
Les réunions mensuelles leur offrent donc des cours de langues, de
coupe,
de couture, de broderie et d'art culinaire. Si l'Association
permet
aux femmes d'exprimer plus librement leurs besoins que dans le cadre
du
syndicat, il n'en demeure pas moins qu'elle perpétue le
rôle
traditionnel qu'on leur a réservé, et ne défend
guère
leurs droits fondamentaux en tant que travailleuses.
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Les répercussions de la Seconde Guerre
mondiale
L'après-guerre bouleversera bien des
éléments
dans la structure du syndicat. D'abord, le rôle qu'y
jouent
les femmes changera radicalement. Un plus grand nombre d'entre elles
accèdent
à des postes stratégiques à la tête du
syndicat, obtiennent
des promotions et, par conséquent, prennent une place plus
importante
dans l'entreprise et le syndicat. Cette situation est redevable
à
la guerre, qui leur a permis de s'émanciper en
exerçant des
emplois dans les secteurs primaire et secondaire du marché du
travail.
Les femmes voudront désormais participer activement à la
construction
de la société et y prendre la place qui leur revient. Leurs
revendications,
au sein de la société québécoise, se
reflèteront
inévitablement à l'intérieur du syndicat.
De plus, la montée fulgurante des grèves
déclenchées
par les ouvriers a obligé l'Église à repenser
et à
adapter ses politiques. Grâce à l'évolution de
la doctrine
sociale, le recours à la grève comme moyen de pression
devient
envisageable, mais à certaines conditions, soumises à
l'approbation
de l'évêque : la cause doit être juste et
raisonnable,
tous les recours préalables doivent avoir été
utilisés
(la conciliation et l'arbitrage), on doit continuer à montrer
du
respect à l'égard de la personne du patron et de sa
propriété
et, finalement, il faut qu'elle ait des chances de succès.
L'Église
qui, jusque-là, soutenait inconditionnellement les patrons, en
prônant
une stricte obéissance à l'autorité
établie,
fera volte-face en se positionnant du côté des
employés.
Cela ne se fera pas sans susciter de grands remous au sein de la direction
de
Dupuis Frères, elle qui entretenait des liens étroits avec
les
communautés religieuses.
Conclusion
Certains événements feront prendre conscience aux
employés
que la présence du syndicat n'est que symbolique, car il ne
peut
les protéger contre des licenciements massifs. Du coup, ils
s'affaireront
à créer un syndicat autonome, voué à
défense
de leurs intérêts, qui les soustraira au giron intellectuel
dans
lequel le paternalisme de la direction les a soumis pendant si longtemps.
La
grève de 1952 amènera une rupture avec ce système
clérico-paternaliste
et permettra l'affranchissement du syndicat.
Sources documentaires
COLLECTIF CLIO. Histoire des femmes au Québec depuis 4
siècles,
Micheline Dumont (dir.) Le Jour, 1992, Québec, 646p.
DIONNE, Bernard. Le syndicalisme au Québec.
Montréal,
Boréal, 1991, 126p.
LINTEAU, Paul-André, René DUROCHER et Jean-Claude ROBERT.
Histoire
du Québec contemporain. Deux volumes. Montréal,
Boréal,
1989, 836p.
ROUILLARD, Jacques. Histoire du syndicalisme
québécois :
des origines à nos jours. Montréal, Boréal,
1989, 535p.
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