Les traîneaux
Une technologie adaptée
Les traîneaux utilisés par l'ECA viennent de plusieurs
sources. Deux traîneaux, quatre roues de mesure et deux toboggans à
marchandises sont commandés d'avance et arrivent à Victoria à
temps pour faire le trajet vers le Nord sur le Karluk. D'autres traîneaux
sont commandés de Nome et sont chargés sur les trois navires de
l'Expédition. Dix « traîneaux à marchandises » sont
achetés de l'église Saint-Joseph, à Nome : sept grands traîneaux
à 75 $ l'unité, deux à 60 $ l'unité et un à
40 $. Il est probable qu'il s'agisse des traîneaux qui paraissent sur la
photographie ci-dessous portant la mention « Traîneaux à chiens
de l'Expédition canadienne dans l'Arctique Stefansson-Anderson. ».
D'autres traîneaux sont acquis durant diverses escales le long de la côte
de l'Alaska. « Stefansson [...] m'a conseillé d'acheter de Brower
un oumiak, un canot à lisses, deux traîneaux à patins et des
sacs en phoque. Acheté un oumiak à 100 dollars, 1 canot à
lisses en ivoire à 20 $, deux traîneaux à patins à
40 $ et six sacs en phoque à 2 $ chacun. » (Journal de R.M. Anderson,
19 août 1913, cap Smyth [Alaska])
La conception des traîneaux
Les traîneaux commandés par Stefansson sont des
modèles Nome. Stefansson les modifie en ajoutant une deuxième rangée
de lattes de bois sous les traverses du fond afin d'éviter qu'ils s'enlisent
dans la neige épaisse. Dans le récit de la première expédition
sur les glaces, qui est réalisée en 1914, Stefansson décrit
une autre modification qui permet aux traîneaux de traverser sans problème
un chenal sur une glace mince : « Le premier traîneau a traversé
en toute sécurité. Il a été construit par le capitaine
Bernard, qui a tenu compte d'une modification que j'ai apportée au modèle
Nome courant. Les patins reposent sur la glace sur sept de ses douze pieds de
longueur afin de répartir le poids sur une plus grande superficie. L'autre
traîneau était un modèle alaskien typique : les patins sont
courbés de manière à ressembler aux pieds d'une chaise berçante
dans le but de faciliter le virage et la manuvre du traîneau. Seulement
deux à trois pieds au milieu des patins reposent sur la glace unie. »
(Stefansson, 1921, p. 297).
Durant leurs préparatifs, les membres de l'Expédition acquièrent,
auprès de fournisseurs du Sud ou à Nome, tout le matériel
nécessaire à la réparation et à la construction de
traîneaux et l'expédient vers le Nord dans leurs bateaux.
L'inventaire établi lors des préparatifs du Mary
Sachs pour le voyage vers l'île Banks en 1914, mentionne un traîneau
en bois de feuillu (fabriqué par Bernard), un traîneau de pointe
Barrow et du matériel pour fabriquer des traîneaux, y compris 20
mètres de plaques de 2 pouces, 10 mètres de plaques de 3 pouces,
5 paires de patins, 6 fagots de caryer, 2 paires de patins en fer et 2 housses
de traîneau. (Archives du Musée canadien de la nature, listes
de l'ECA provenant de R.M. Anderson)
Le traîneau bateau ou traîneau radeau
Lorsque l'équipe nord rencontre des chenaux lors de
ses déplacements sur les glaces, elle convertit ses traîneaux en
traîneaux bateaux ou traîneaux radeaux. Adoptée par Mikkelsen
en 1906, cette méthode est sans doute introduite par Storkersen, ancien
membre de son équipe d'exploration. Les traîneaux sont stabilisés
par l'insertion de pagaies en travers de la plate-forme, puis une bâche
en toile ou en peau de phoque est étendue autour de chaque traîneau,
le dessus attaché aux cintres.
Le film tourné par George Wilkins en 1916, lors de son
voyage sur la glace de la mer de Beaufort avec l'équipe nord, montre également
le recours au traîneau radeau pour la traversée d'un chenal. (Wilkins
1917)
Les traîneaux survivants de Stefansson
Quand Stefansson et ses trois compagnons, Knight, Noice et
Emiu, reviennent sur l'île Melville en juillet 1917 après leur expédition
la plus septentrionale, leurs deux traîneaux sont en piteux état.
« Rien ici ne pouvait servir à construire des traîneaux, et
l'un des nôtres était maintenant si brinquebalant que nous ne pouvions
que presque exclusivement le charger de literie. Nous transportions habituellement
environ deux cents livres de viande fraîche, servant de provisions pour
quatre ou cinq jours. Maintenant, tout cela, ainsi que le matériel de cuisson
et les articles plus lourds, se trouvait sur un seul traîneau. »
(Stefansson 1921, p. 632) « Nos traîneaux étaient maintenant si
affaiblis qu'ils ne pouvaient transporter de charge lourde. En outre, une partie de nos
instruments scientifiques étaient brisés tandis que d'autres ne
pouvaient être réparés que par des experts. » (Noice
1924)
L'humidité est au rendez-vous lors de la traversée
des glaces estivales, effectuée avec ces traîneaux en direction de
l'île Banks à la fin juillet 1917. « Les chiens nageaient et
les traîneaux flottaient. » Ayant dressé un camp près
de Knight Harbour, les explorateurs se préparent pour leur longue marche
par voie de terre vers le sud en direction de la base de Kellett. Les deux traîneaux,
des outils et d'autres articles inutiles sont abandonnés. « Nous avons
construit une cache en mettant nos traîneaux debout et en les attachant
solidement ensemble à leur sommet. Nous avons aménagé, dans
le A formé ainsi, une plate-forme sur laquelle nous avons déposé
les articles qui étaient trop lourds pour être ramenés avec
nous. » (Noice 1924)
Les traîneaux demeurent à cet endroit pendant
37 ans. En 1954, un pilote d'hélicoptère du brise-glace canadien
NCSM Labrador récupère l'un des traîneaux de la cache et le
ramène sur le navire. À la longue, le traîneau et d'autres
objets provenant de la cache parviennent au Musée des Archives nationales
(dissous en 1967) et font maintenant partie de la collection historique du Musée
canadien des civilisations (MCC). Le traîneau est actuellement prêté
au Centre du patrimoine septentrional du Prince de Galles de Yellowknife, où
il est exposé. Le deuxième traîneau est redécouvert
en 1972 et transporté dans un avion Twin Otter. Il est maintenant entreposé
avec le reste de la collection d'histoire arctique du MCC.
Des traîneaux recyclés
Certains traîneaux employés par l'équipe
nord lors de l'exploration de l'archipel Arctique en 1916 et 1917 sont remis en
état en 1917 en vue de leur réutilisation lors de l'expédition
sur les glaces à la dérive dans la mer de Beaufort, dirigée
par Storkersen. En octobre 1917, John Hadley mentionne dans son journal qu'ils
sont en train de travailler sur l'île Barter sur deux traîneaux bien
précis, le « traîneau de Bernier » et le
« traîneau d'Illum ». Le traîneau d'Illum
a probablement été utilisé par l'une des équipes
de soutien plutôt que par l'équipe qui a effectué le
voyage à la dérive. En effet, Hadley indique avoir envoyé,
en août 1918, « un traîneau, le meilleur que nous ayons,
le traîneau d'Illum » à la police sur l'île
Herschel. « Les traîneaux légers restants
ont été démantelés sur la glace et abandonnés
là. » (Journal de Hadley, 1917-1918).
Les déplacements à l'aide des chiens
Les chiens attelés
Lorsque les équipes de l'ECA se déplacent avec
des chiens, la plupart d'entre elles utilisent un traîneau à panier
et se servent d'un attelage de type Nome. Selon cette méthode d'attalage,
les chiens sont fixés en tandem double à une ligne centrale, avec
un seul chien de tête. Chaque chien est muni d'un collier en cuir ayant
des traits doubles attaché à un seul brancard. « Nous avons
constaté qu'un attelage de sept chiens, avec un traîneau et un harnais
de modèle Nome, donne les résultats les meilleurs et les plus économiques.
Généralement, un traîneau avec un attelage de ce type peut
tirer l'équivalent de 100 livres de matériel par chien, mais pour
nous, il n'était pas inhabituel de nous mettre en route pour de longs voyages
avec un chargement pesant jusqu'à 150 livres par chien. » (Chipman
et Cox 1924).
Les chiens
« Les chiens varient, en passant par le chien à
poil court, long sur pattes, au corps mince, venant de l'intérieur des
terres (adapté à la vitesse, aux charges plus légères
et à la neige molle, et entraîné à cet effet) jusqu'au
chien à poil long, court sur pattes et solidement bâti, à
la poitrine large, venant de la côte (adapté à des voyages
plus lents et à des charges plus lourdes lorsque la neige n'est pas molle
et que les conditions de vie sont plus difficiles. » (Chipman et Cox 1924)
Tous les chiens de l'Expédition sont affectés
à divers conducteurs. Certains hommes apportent leur propre attelage. Les
noms des chiens de l'attelage de Daniel Blue reflètent les racines écossaises
de celui-ci : Bruce (chien de tête), Donald, Scotty, Sam Jones et Telluraq.
La santé des animaux est une préoccupation constante.
« Scotty, le troisième des chiens de Blues, était
pris ce matin dans le sol gelé (comme Donald et Bruce). J'ai dû le
déloger de là, puis j'ai fait fondre la glace accrochée à
sa patte à l'aide d'un poêle Primus dans la cache. Un orteil semble
gelé, mais le chien ne boite pas. » (Journal de Jenness, 12 novembre
1914).
Les chiens de l'Expédition sont, pour la plupart, acquis
à Nome avec l'aide de Scotty Allen, conducteur de chiens expert, qui croise
des chiens sibériens avec ses chiens alaskiens. Les animaux sont achetés
de diverses personnes, habituellement au prix de 30 $ chacun.
« Ai inspecté les provisions, les chiens, etc. M. Stefansson, par
l'entremise de "Scotty" Allen, a acheté environ trente chiens
- certains des meilleurs chiens des environs de Nome, à un prix moyen de
30 $. » (Journal de R.M. Anderson, 12 juillet 1913).
Il est courant de voir éclater des bagarres entre les
chiens de la meute qui, pour la plupart, n'ont jamais travaillé ensemble
en équipe.
« Nous avons débarqué les chiens [de l'Alaska] et les avons
enchaînés. Cinq chiens se sont échappés durant la nuit
et quatre d'entre eux, "Bob", "Kelly", "Tip"
et "Towser", ont tué "Mule", un malamute au pelage
terne qui avait été acheté de Harry Barnett, originaire de
Teller. Au matin, les chiens fautifs étaient pas mal
ensanglantés. » (Journal de R.M. Anderson, 8 septembre 1913,
pointe Collinson [Alaska]).
" L'un de nos chiens kogmollik a été tué
aujourd'hui. Il y a eu une bagarre entre les chiens attachés que nous avions
débarqués la nuit dernière. » (Journal de R.M. Anderson,
25 juillet 1916, cap Bathurst).
D'autres chiens sont acquis tout au long de l'Expédition,
étant donné que beaucoup d'entre eux sont perdus à cause
de la maladie et d'autres mésaventures. En septembre 1914, dans les îles
Baillie, Anderson achète d'Angayu « un chien mâle noir et blanc,
venant de la terre de Victoria et baptisé "Prince", en échange
d'une camisole bleue, d'un caleçon, d'une paire de bas et de six verges
de tissu de Teagel en flanellette ». (Journal de R.M. Anderson, 17 septembre
1914).
L'inventaire, établi lors des préparatifs du
Mary Sachs pour le voyage vers l'île Banks en août 1914, mentionne
15 chiens, 5 chiots, 18 ensembles d'attelage, 2 traîneaux (un en bois de
feuillu construit par Bernard et un de pointe Barrow) et assez de matériel
pour fabriquer deux traîneaux.
« Le Polar Bear est arrivé durant mon absence.
Il attend M. Stefansan [sic] depuis trois jours. Le bateau est rempli de provisions
[...], et 50 autres chiens ont été achetés de différents
individus, ce qui fait 90 au total incluant ceux que "Wilkins" transporte
dans le North Star. » (Journal de Storkersen, 29 août 1915).
Marcher avec les chiens
« Lors des déplacements dans l'arrière-pays
durant l'été, le transport des charges peut se faire uniquement
à l'aide des chiens et des hommes. Les bons chiens transportent des charges
d'environ 40 livres. » (Chipman et Cox, 1924).
Traverser des rivières avec des chiens risque d'être
périlleux. Rivière Thomsen, île Banks : « Nous sommes
partis à 10 h 30, nous avons traversé la rivière et nous
avons effectué des observations à midi. Nous avons transporté
tous les sacs contenant le matériel pour les chiens sur nos têtes
afin d'éviter qu'il soit mouillé. À cet endroit, la rivière
avait une largeur d'environ 60 verges. L'eau nous arrivait aux genoux pendant
environ 20 verges et aux tibias pendant le reste du trajet. Le courant était
très rapide et a emporté quelques chiens sur une certaine distance.
La traversée aurait été plus facile si des sables mouvants
n'avaient pas recouvert les deux berges. Chargés de nos sacs, nous nous
enfoncions à chaque pas, jusqu'au-dessous des genoux, jusqu'au moment où
nous nous rapprochions du centre du cours d'eau. » (Journal de Noice, 1917).
Terminus!
Plusieurs chiens sont vendus à des employés
autochtones à la fin de l'Expédition. Quelques-uns des chiens de
Jenness sont donnés à Ikpukhuaq en reconnaissance des bons services
qu'il a rendus à l'ECA. D'autres sont embarqués sur l'Alaska en
prévision d'un autre hivernage forcé.
« Nous avons laissé plusieurs chiens ici (avec Brower et Hopson),
ainsi que le vieil oumiak et les vieux traîneaux. Nous n'en avons plus besoin
et nous avons besoin de dégager nos ponts pour nous préparer pour
les eaux libres et pour le gros temps prévu plus au sud. » (Journal
de R.M. Anderson, 8 août 1916, pointe Barrow [Alaska])
« Aujourd'hui, j'ai envoyé 7 chiens sur l'Argo
qui doivent être laissés à Herschell [sic] : 5 pour la police
et 2 à vendre au profit de l'Expédition. Je leur ai donc envoyé
16 chiens, 5 pour eux et 11 pour la vente. » (Journal de John Hadley, 5 août
1918, île Barter [Alaska]).
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