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Peuples et connaissance du Nord - 
Expédition canadienne dans l'Arctique (1913-1918)
La nourriture : vivre de la terre ou de boîtes de conserve?
 
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La nourriture

La nourriture : vivre de la terre ou de boîtes de conserve?

Que mangent les membres de l'ECA?
À l'heure des repas, les membres de l'ECA ont droit à tout, d'un mets attendu … à un mets dégoûtant.

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Reçu signé par Stefansson, sur le papier en-tête d'un commerçant russe de fourrure et d'ivoire :
« S.S. Belvedere, 10 mars 1914. Le S.S. Belvedere consent à payer à l'Expédition C.A., sur présentation ou à l'île Herschel. 64 sacs de farine et 4 c. de lait. En échange de 20 barillets de bœuf salé utilisé par le S.S. Belvedere, vérifié par S.F. Cottle capitaine du S.S. Belvedere et V. Stefansson. Chef exécutif de l'Expédition C.A. »
Source : Musée canadien de la nature

Vivre de la terre

« Quand je suis rentré au bercail, Billy [Natkusiak] a fait préparer pour moi un dîner composé de viande de loup. La viande de loup est bonne et ressemble un peu au poulet, mais, comme d'habitude, l'idée de manger de la nourriture inhabituelle me répugnait. Néanmoins, j'ai apprécié le repas, et toute viande de loup que nous aurons ne sera pas gaspillée par moi, si j'ai faim. » (Journal de Wilkins, septembre 1914, dans le nord de l'île Banks)

Vivre de boîtes de conserve

« J'ai écrit un peu aujourd'hui et j'en ai assez d'être harcelé par Pete à cause du menu hebdomadaire que j'ai composé : dimanche, bacon, pommes de terre, carottes; lundi, riz et pois; mardi, tomates, haricots verts, patates douces; mercredi, miel, chou; jeudi, maïs, légumes en purée; vendredi, poisson, riz, chou, patates douces; samedi, haricots, huîtres, tomates. Chaque jour, nous avons des fruits séchés ou en conserve et toujours des beignes, de la confiture et du beurre. Nous ne mourons donc pas de faim, même si nous pouvons aisément mourir à cause de notre nourriture, parce qu'elle n'est pas très cuite. Je peux difficilement blâmer Pete de cela, car nous n'avons pas assez de charbon pour alimenter le poêle toute la journée. Il doit donc faire de son mieux avec deux poêles Primus. » (Journal de Wilkins, 1er décembre 1915, base de Kellett).

Du poisson au menu

Pour les membres de l'équipe sud, qui voient anéantir leurs espoirs de se nourrir de caribou quand les troupeaux migrent plus à l'est le long de la côte, le poisson devient une importante source locale de nourriture. En route vers le nord, Anderson achète 136 kg de saumon séché d'Albert Bernhardt à Teller, en Alaska, mais il faut se ravitailler en poisson presque constamment.

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MCC CD95-930-008

Qapqana retirant des poissons d'un filet, avec les goélettes Alaska et North Star de l'ECA au loin, pointe Shingle (Yukon). 19 août 1914. DJ 37133. Source : Musée canadien des civilisations


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MCC CD95-930-012

R.M. Anderson et John Cox achetant du poisson à la pointe Shingle (Yukon) (à l'ouest du delta du fleuve Mackenzie). 19 août 1914. DJ 37140. Source : Musée canadien des civilisations


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MCC CD99-187-017

Séchoir à poisson fabriqué avec des boîtes d'expédition, avec des truites saumonées en train de sécher au soleil, Bernard Harbour (Nunavut). 20 juillet 1915. RMA 38744. Source : Musée canadien des civilisations.


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MCC CD95-934-020

Touladi d'environ 35 livres (16 kg) pêché au filet à Port Epworth et Mingeouk (environ 5 ans), fille de Mupfa, guide inuit d'O'Neill habitant Tree River, Port Epworth, baie du Couronnement (Nunavut). 1er juillet 1915. JJO 38554. Source : Musée canadien des civilisations

Vivre de la terre

Bien que Stefansson souhaite promouvoir l'idée de vivre de la terre, ses équipes transportent de grandes quantités de nourriture pour compléter les fruits de leur chasse. Les victuailles constituent un important élément des préparatifs de l'Expédition et prennent beaucoup de place dans les bateaux. Pour les hommes qui travaillent à partir du quartier général de l'Expédition ou dans les principaux camps, seule la variété des aliments pose problème.

Les hommes de l'équipe nord sont heureux de découvrir une cache laissée sur l'île Melville par le capitaine Bernier lors d'une expédition précédente dans l'Arctique canadien :
« 25 oct. 1916. Au cours des trois derniers jours, j'ai été occupé à réparer des harnais, à confectionner des couvertures pour les chiens avec une mince fourrure, à transporter de la glace et à accomplir diverses autres tâches. Je me suis promené hier, mais je n'ai vu que des pistes de renard et de lièvre. Storkerson [sic], Castill [sic] et Split sont arrivés à 14 h aujourd'hui. Ils sont allés à Winter Harbor, où ils ont découvert une superbe cache laissée par le capitaine Bernier lors de l'Expédition dans l'Arctique de 1906 à 1910. Dans la cache, il y avait une grande variété de choses qui nous faciliteront la vie lorsque nous accomplirons notre travail durant l'année. Il y avait du sucre, du lait, des haricots, des pois, du maïs, du beurre, des lanternes, des haches, de la corde, des scies, en fait, tout ce qu'on pouvait désirer. Le kérosène (environ 40 gallons) constitue la meilleure trouvaille, étant donné qu'avec un peu d'économie, nous en aurons suffisamment pour nous débrouiller durant l'hiver et le printemps prochain. » (Journal d'Harold Noice, 1915-1917, Archives nationales du Canada MG30 B16).

Durant les déplacements de l'équipe nord sur la mer de glace, des phoques et des ours polaires servent de nourriture aux hommes et aux chiens. Sur l'île Banks et le long de la côte continentale, des carcasses de baleines boréales, tuées l'année précédente (certaines par l'équipage de la goélette Polar Bear), fournissent en abondance de la nourriture aux chiens et permettent d'attirer les ours polaires et les renards.

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  • Video:
    Stefansson traînant un phoque.
  • Video:
    McConnell et Storkerson écorchant un phoque sur la glace.
  • Video:
    Chasseurs retournant au camp avec des lièvres arctiques.
  • Video:
    Un Inuk mettant de la graisse dans un sac de peau de phoque.

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MCC CD96-651-019

Storkersen et McConnell écorchant un phoque dans le camp de l'expédition sur les glaces, nord de la pointe Martin, (Alaska septentrional). 25 mars 1914. GHW 50780. Source : Musée canadien des civilisations


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MCC CD2002-1013-002

Carcasse de baleine échouée sur la plage, îles Baillie (T.N.-O.). 18 août 1914. GHW 50840. Source : Musée canadien des civilisations

La nourriture entreposée dans des caches

Lors de leurs déplacements, les équipes de reconnaissance cachent des provisions pour ceux qui les suivent. Voici un extrait typique prélevé dans un journal faisant état d'une cache laissée dans le sud de l'île Melville :

« Cache au cap James Ross. Faite par Storkerson [sic], Thompson [sic], Anderson, Illun [sic], Picalo et moi. La cache est située à environ un mille à l'ouest de la pointe du cap. Elle se trouve dans un trou taillé dans la glace d'une haute crête de pression, du côté du continent. Le drapeau anglais a été attaché fermement à une lance qui a été enfoncée dans la glace à côté de la cache.

Riz

130 lbs

 

Pantalons faits de couverture

2 paires

Sucre

160

 

Pantalons en peau de chevreuil

3 paires

Chocolat

110

 

Pantalons de neige

3

Pemm. -
h[umains]

468

 

Chemise de neige

1

Pemm. -
c[hiens]

96

 

Mitaines de fourrure

3 paires

Craquelins

84

 

Chaussettes de laine

12

Lait sec

50

 

Chausettes de laine légères

3

Lait condensé 14 boîtes   Chaussettes de fourrure 3
Beurre 6   Bas de fourrure 1
Tabac 4   Mitaines en peau d'orignal 2 paires
Soupe aux pois 5   Mitaines en peau de cheval 1paire
Alcool 4 gal   Gants 1paire
Distillat 20   Mitaines de laine 2 paires
Kérosène 30   Mitaines de laine feutrée 7 paires
Tablettes de thé? 2300   Ligne à morue 2 bobines
Allumettes 3 boîtes   Ligne à phoque barbu 2 bobines

Bottes

8 paires

 

 

 »


Journal d'Harold Noice, 1917 (Archives nationales du Canada, MG 30 B16)

Les pilleurs de cache

Les caches de nourriture préparée et emballée sont relativement à l'abri des loups ou des ours polaires qui rôdent. Cependant, la viande fraîche, comme les carcasses de caribou ou de bœuf musqué, rangées dans les caches durant l'hiver, est habituellement vulnérable à ces prédateurs :
« 8 janvier. Nous sommes repartis et avons traversé le golfe jusqu'à l'endroit où Storkersen avait une cache de viande. Nous avons franchi 17 milles par beau temps. En arrivant, nous avons découvert que la cache avait été dévalisée par les loups et qu'il ne restait plus un seul morceau de viande. Comme je l'ai toujours soutenu, il est dangereux de dépendre des caches de viande à ce temps-ci de l'année, quand le jour ressemble à la nuit et qu'un homme n'a aucune chance d'attraper du gibier si la cache manque de provisions. C'est faire preuve d'une mauvaise gestion, ce qui ne devrait pas se produire dans une expédition comme celle-ci. Nous devrons laisser nos provisions ici dans une cache et rentrer au bercail pour aller chercher de la nourriture pour les chiens. » (Journal de Karsten Andersen, janvier 1917).

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MCC CD96-653-005

Grande cache de viande de caribou constituée après une journée de chasse, avec des skis à côté, dans un camp temporaire au nord du cap Kellett, île Banks (T.N.-O.). 11 octobre 1914. GHW 50877. Source : Musée canadien des civilisations


Pour ceux qui se déplacent en traîneau à chiens durant l'hiver, la présence ou l'absence de gibier devient d'une importance cruciale. Quand les provisions commencent à être épuisées et que la chasse est infructueuse, même un vieux tas de déchets est le bienvenue, devenant une source potentielle de nourriture. Parfois, les membres de l'équipe nord en sont réduits à manger de la viande avariée provenant de bœufs musqués morts depuis longtemps.

« Nous nous sommes mis en route à 14 h et sommes parvenus au camp du cap Grassy à minuit. Nous avons trouvé le camp désert. Alignak a laissé une note disant qu'ils sont partis de cet endroit le 16. Ils n'avaient plus de viande et très peu de graisse. Ils nous ont laissé un gallon de kérosène, et nous avons trouvé un peu de thé qu'ils avaient, de toute évidence, oublié. Il nous restait environ 1 lb de farine. Billy est sorti et a trouvé une vieille tête de bœuf, ce qui nous a donné de quoi manger pour le dîner. Il en est resté un peu pour le petit déjeuner. Nous avons donné aux chiens de vieilles semelles de botte et des lambeaux de peau. Ils ne mangent que cela depuis le 24 avril. Quand nous partirons d'ici, nous devrons dépendre de la chasse pour le gibier. Si nous pouvons obtenir quelque chose demain, nous sauverons peut-être tous nos chiens. Deux d'entre eux sont totalement vidés. Il a fallu faire entrer "Tansie", l'un des vieux chiens de Seymore, parce qu'il ne pouvait plus se tenir debout dans le harnais. Température. Couvert avec une forte brise du sud-ouest. Dégagé à minuit. » (Journal de Castel, 28 avril 1917, île Melville).

« Nous nous sommes mis en route le ventre vide. Billy et Storkersen sont partis à la chasse par voie de terre. Castel, Ikuma et moi avons quitté en traîneau. Janser est tombé sur la piste et ne pouvait plus se relever. Je l'ai mis sur le traîneau afin de le sauver, étant donné qu'il est notre vieux chien de tête. Nous sommes arrivés à la maison de neige dans la baie tard dans la nuit. Tout le monde s'y trouvait. Storkersen et Billy sont arrivés avant nous. Ils n'ont pas eu de chance à la chasse. Nous avons commencé à creuser pour récupérer des carcasses de bœuf musqué laissées ici l'automne dernier. Nous avons creusé toute la nuit. Enfin, nous avons eu la chance d'en trouver une vers le matin enfouie sous un banc de neige de 8 pieds. Les loups avaient mangé un côté, mais il en restait encore assez pour nourrir tout le monde et les chiens. La viande était très avariée, mais nous n'avons pu attendre. Nous nous sommes mis à quatre pattes et nous avons enfoncé nos couteaux dans la carcasse pour nous remplir l'estomac. Quand enfin nous avons eu assez mangé, nous avons nourri les pauvres chiens, qui avaient presque oublié ce qu'était la nourriture. Elle est arrivée trop tard pour Janser. Il est mort peu après. » (Journal de Karsten Andersen, 30 avril 1917, île Melville).