Lors de n'importe quelle exploration de l'Arctique, surtout quand elle dure toute
une année, les participants risquent de tomber malades, de se blesser et
même de mourir. L'Arctique peut se révéler un milieu dur.
Il suffit de quelques incidents imprévus pour engendrer des difficultés.
Les membres de l'Expédition canadienne dans l'Arctique (ECA) peuvent être
affligés de problèmes mineurs comme la cécité des
neiges, souffrir de maladies bénignes, subir des accidents graves ou perdre
la vie. Des extraits de journaux personnels décrivent certains problèmes
mineurs de santé.
La cécité des
neiges
« Nous éprouvions constamment des problèmes
de cécité causée par la neige parce que nous manquions de
verres de couleur ambre. Lors de notre débarquement sur l'île Amund-Ringnes,
nous en avons tous été affectés légèrement,
et Charlie [Andersen] l'a été si grièvement que nous avons
été retardés de trois jours. Dans les cas aussi sérieux
que le sien, la douleur est extrême; elle équivaut à celle
provoquée par le pire mal d'oreille et elle est pire que celle engendrée
par un mal de dents. » (Stefansson 1921)
Les infections
« Sweeney a failli perdre son bras, sinon sa vie. »
(Jenness 1991) Le capitaine Sweeney se blesse une main en travaillant sur l'Alaska,
et la blessure s'infecte gravement. Le bras enfle considérablement et doit
être opéré plusieurs fois. Sweeney ne recouvre l'usage de
son bras qu'après de nombreuses semaines.
Les foulures
« V.S. [Stefansson] s'était fait mal à une
jambe et a été forcé de faire tout le trajet jusqu'aux nouvelles
terres installé dans un traîneau. Il dit qu'il ne se souvient pas
de s'être fait une entorse ou une foulure, et il ne peut expliquer sa maladie.
Cependant, Martin dit qu'il se souvient avoir vu V.S. tomber d'un traîneau
pendant qu'il descendait une côte. Il portait des raquettes à ce
moment-là, et Martin pense qu'il se serait alors blessé le pied.
Mais l'enflure et la douleur semblent se situer entre la cheville et le genou,
et les articulations ne sont pas particulièrement affaiblies. » (Journal
de Wilkins).
L'Arctique accueillant?
Bien que le récit publié par Stefansson
s'intitule The Friendly Arctic (L'Arctique accueillant), 17 hommes
meurent durant l'Expédition : 11 personnes sont mortes à cause
du naufrage du Karluk tandis que deux membres de l'équipe sud et
quatre membres de l'équipe nord perdent la vie durant les nombreux
déplacements.
Stefansson minimise ces décès et d'autres aspects
négatifs de l'Expédition. Dans une lettre rédigée
en 1920 dans laquelle il discute de la possibilité de remettre la Médaille
de l'Arctique aux membres de l'ECA, Stefansson fait cette incroyable déclaration :
« Aucun homme ni aucun chien n'ont été perdus et n'ont connu
de dures épreuves. » (Stefansson 1920, Archives Nationales du Canada).
Pourquoi et comment 17 hommes de l'ECA sont morts?
Certains
décès
sont attribuables à une alimentation
insuffisante. Deux des hommes qui sont morts sur l'île
Wrangel, le géologue George Malloch et son adjoint
Bjarne Mamen, ont été emportés par une
néphrite, causée probablement par une alimentation
insuffisante reposant sur du pemmican avarié. Il se
peut que Bernard et Thomsen aient manqué de nourriture.
Daniel Blue meurt d'une pneumonie, mais il était déjà
atteint de scorbut.
Le scorbut
En février 1915, l'équipage de l'Alaska, d'autres
trappeurs et négociants, qui passent l'hiver le long de la côte,
et plusieurs Inuits sont affligés de ce qu'ils soupçonnent être
le
scorbut. Conscients de l'absence de variété dans leur régime
alimentaire, ils commencent à manger plus de viande. Dans un renversement
des rôles, un peu ironique, Daniel Blue, chef mécanicien de l'Alaska,
réussit à échanger avec les Autochtones du coin de la gomme
à mâcher contre un « médicament contre le scorbut »,
qui est en fait de l'acide citrique. Le problème disparaît quand
ils prennent le médicament et qu'ils mangent de la viande fraîche.
Ils peuvent poursuivre leurs activités normales, c'est-à-dire piéger
le renard et chasser, mais ils sont affaiblis par la « maladie ».
« 15 avr. Le scorbut a repris dans mes jambes. Maintenant,
tout ce que nous avons, c'est des pois, de la farine et du sucre. Nous n'avons
pas de médicament contre le scorbut. J'ai acheté une bouteille de
sel de fruits Enoch de M. Girling. [
]
16 avr. [...] M. Jacobson [sic] a découvert qu'il avait lui aussi le scorbut.
Par ailleurs, lui et moi irons chasser le lagopède dès que le temps
le permettra. La tempête nous a empêchés de partir ce matin. »
(Journal de D.W. Blue, avril 1915).
Au retour de la chasse au lagopède avec Jacobsen, Blue
installé dans le traîneau, semble souffrir de pneumonie. Il meurt
le 2 mai 1915 après une maladie de dix jours. Le capitaine Sweeney écrit
ce qui suit à la dernière page du journal de Blue : « Les provisions
à bord du navire au printemps comprennent de la soupe, des légumes
et du thé. Il y a eu aussi de la viande fraîche à bord tout
l'hiver. Déclaration de D. Sweeney. »
Le scorbut atteint également certains membres de l'équipe
nord en mai 1917. Stefansson est forcé de rebrousser chemin afin de chasser
le caribou et d'établir ce qu'ils ont surnommé le « Camp
hôpital » quand Knight et Noice deviennent trop faibles pour accomplir
leurs tâches ordinaires. « Parfois, nous devions construire des routes
pour faire traverser les traîneaux par-dessus les crêtes de pression.
Jusqu'à présent, le commandant ne faisait que diriger, mais, maintenant
que Knight et moi sommes incapables de tout travail ardu [à cause du scorbut],
il a remplacé son léger ciseau à glace par la lourde pioche de
mineur. » (Journal de Noice, mai 1921).
L'hypothermie
Quatre membres de l'équipage et du personnel scientifique
du Karluk meurent, semble-t-il, pendant qu'ils essaient d'atteindre les îles
Herald et Wrangel en se déplaçant sur la glace. Alistair Mackay,
Henri Beuchat, James Murray et Stanley Morris périssent probablement d'hypothermie,
car ils sont sur le point de geler la dernière fois qu'ils sont aperçus,
après s'être séparés de l'équipe du capitaine
Bartlett et s'être aventurés seuls sur la glace.
Charles Thomsen et Peter Bernard meurent sur la côte nord de l'île
Banks en décembre 1916, ou en janvier 1917, alors qu'ils tentent d'apporter
de nouveaux traîneaux et de nouvelles provisions à l'équipe
nord de Stefansson, installée sur l'île Melville. Nous ne connaîtrons
jamais la principale cause du décès, mais le mauvais temps, l'hypothermie,
la faim et l'épuisement comptent probablement parmi les principaux facteurs.
Le journal de Castel raconte la
découverte du corps de Thomsen.
La noyade
Beaucoup de catastrophes par noyade sont évitées
de peu. Il n'y en a eu qu'une durant l'Expédition,
celle de Pipsuk, Autochtone alaskien qui, au moment de la tragédie,
était en train de s'occuper du filet de pêche de
l'Expédition à l'île Barter en juillet 1918.
L'asphyxie?
Quatre membres de l'équipage du Karluk perdent la vie
en 1914 après leur arrivée sur l'île Herald. Constituée
d'Alex Anderson (capitaine en second du Karluk), Charles Barker, John Brady et
A. Golightly, l'équipe de l'île Herald est envoyée en éclaireur
par Bartlett et réussit à atteindre l'île. Les hommes y meurent
tous peu après d'une cause incertaine, peut-être des émanations
d'un poêle défectueux. Leur sort n'est découvert qu'en 1924,
lorsque le capitaine Louis Lane découvre leurs restes.
Une crise cardiaque
John Jones, mécanicien du Polar Bear, meurt vraisemblablement
d'une crise cardiaque à la fin décembre 1916 à la pointe
Armstrong, sur l'île Victoria. Apparemment, il souffrait du cur depuis
un certain temps et éprouvait de la difficulté à dormir à
cause de douleurs cardiaques. À la fin décembre, Jones se plaint
de ne pas se sentir bien et se relève souvent pour faire les cent pas après
s'être couché. « Un soir, avant que les autres aillent se coucher,
il venait à peine de s'étendre sur sa couchette quand il s'est mis
à crier et à se débattre. Deux des hommes se sont précipités
vers lui, mais il était déjà mort à leur arrivée. »
(Stefansson 1921).
Un décès par arme à feu
Après avoir passé un hiver inconfortable sur
l'île Wrangel, ayant survécu à peine avec du pemmican et un
peu de gibier, le marin George Breddy meurt d'un coup de feu. Il se l'est probablement
infligé, mais certains avancent qu'il s'agit d'un homicide involontaire
coupable, étant donné que les autres avaient accusé Breddy
de voler de la nourriture (Niven 2000).
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