Enfin à l'île Herschel
À la fin de l'hiver, les géographes et les géologues
Cox, Chipman et O'Neil, à partir de la frontière internationale,
suivent la côte arctique en attelages de chiens, remontent la rivière
Firth et parcourent les canaux est et ouest du delta du fleuve Mackenzie, cartographiant
les lignes de contour et les formations géologiques.
L'Alaska ne flotte pas librement dans le port avant
le début de juillet. Il quitte pointe Collinson le 25 juillet et atteint
finalement l'île Herschel dix jours plus tard, juste avant l'arrivée
du Mary Sachs. Ces navires utilisés lors de l'Expédition
sont les premiers à pénétrer dans les eaux canadiennes de
l'ouest de l'Arctique arborant le drapeau canadien. À l'île
Herschel, les provisions apportées par baleiniers sont chargées
à bord. Naviguant de nouveau vers l'est, en partance pour l'île Herschel,
dans des mers d'été libres de glace, l'Alaska atteint sa
destination à Bernard Harbour, l'un des rares ports aménagés
adéquatement sur la côte. Ce lieu servira de quartier général
à l'Expédition au cours des deux années suivantes. Le Mary
Sachs poursuit son trajet jusqu'à l'île Banks pour soutenir l'équipe
nord.
Les membres de l'équipe scientifique, avec l'aide de
leurs assistants inuits, déchargent l'Alaska et commencent à
construire leurs quartiers d'hiver.
Anderson reprend immédiatement la mer à bord de l'Alaska
pour retourner vers l'ouest avant la prise des glaces hivernales espérant
ramasser du bois de grève qui servira de combustible ainsi que du charbon
mis en réserve dans une cache des îles Baillie. Rencontrant là-bas
des conditions météorologiques très favorables, et ne voyant
vers l'ouest aucun signe de l'arrivée des glaces, Anderson continue jusqu'à
l'île Herschel pour ramasser des provisions supplémentaires. À
la mi-septembre, l'Alaska quitte l'île Herschel à destination
de Bernard Harbour et arrive aux îles Baillie au milieu d'une violente tempête,
le gel des embruns couvrant de glace les ponts et le gréement.
La tempête, la pire de la saison, les retarde assez longtemps
pour qu'Anderson soit confronté à la possibilité de se faire
prendre par l'hiver avant de réussir à atteindre le refuge de Bernard
Harbour. Il décide alors de mettre le navire en quartier d'hiver derrière
le cordon sablonneux : « Vu que les nuits sont très sombres actuellement,
que la lune a disparu, qu'il y a plus ou moins de banquises sur la mer, que la
navigation de nuit s'avère précaire et qu'en ce moment la jeune
glace est d'une bonne épaisseur et se présente parfois comme une
bouillie de glace, nous avons décidé de rester ici. » (Journal
de RMA, septembre 1914)
Il y a suffisamment de provisions à bord de l'Alaska
pour permettre au capitaine Daniel Sweeney, qui s'était joint à
l'Expédition comme commandant l'hiver précédent, à
Daniel Blue, mécanicien, et à Mike Siberia, leur assistant, de demeurer
les gardiens du navire durant l'hiver. Deux carcasses fraîches de baleine,
peut-être celles tuées par le baleinier Polar Bear, se trouvent
sur la grève près du navire, offrant une abondance de nourriture
aux chiens tout en attirant aussi plusieurs ours polaires et de nombreux renards
arctiques dans les environs.
Durant l'hiver, après le départ d'Anderson en
attelages de chiens vers Bernard Harbour, les gardiens du navire chassent le phoque
et l'ours polaire, conservent les peaux pour en faire des spécimens de
musée et la viande pour augmenter leurs réserves de nourriture.
Noël 1914 se passe sans histoire à bord de l'Alaska, l'équipage
et quatorze Inuits prenant part à l'événement majeur de cette
période de l'année : la « grande bouffe ». Le 31 décembre,
l'équipage d'hiver de l'Alaska sort sur le pont pour accueillir
le Nouvel An conformément à la coutume ancienne. Ainsi se termine
la deuxième année de l'Expédition canadienne dans l'Arctique.
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L'Alaska dans la lumière
mi-hivernale en 1914;
aquarelle peinte en 1987 par David Gray
Source : Musée canadien de la nature
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