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Lhistoire du vote au Canada à lère moderne depuis le virage amorcé par la législation électorale de 1920 jusquà nos jours se divise en quatre périodes distinctes. La première, qui commence avec ladoption de lActe des élections fédérales de 1920 et qui dure jusquà 1939, est une période de changements modestes, surtout dordre administratif, et de quelques progrès au chapitre du droit de vote lui-même. La très grande majorité des citoyens et citoyennes de 21 ans et plus ont le droit de vote, mais il y a encore discrimination manifeste envers certains groupes : les immigrants dorigine asiatique et leurs descendants, divers groupes religieux et les « Indiens inscrits », qui doivent renoncer à leur statut et aux droits qui en découlent sils désirent voter. La deuxième période, de 1940 à 1960, marque la fin de la discrimination électorale pratiquée à lencontre de certains groupes pour des motifs raciaux ou religieux. Elle est aussi caractérisée par de nombreux changements législatifs et administratifs qui facilitent le vote ou élargissent à dautres catégories délecteurs les mesures favorisant laccès au vote.
La troisième période, de 1960 à 1982, apporte des améliorations importantes au chapitre de ladministration électorale, dont un grand nombre sont destinées à faciliter le vote aux électeurs ayant une déficience. Lâge électoral est également abaissé. Lorsque la Charte canadienne des droits et libertés entre en vigueur en 1982, la plupart des Canadiens de 18 ans et plus ont le droit de voter1, et laccessibilité des bureaux de scrutin est grandement améliorée.
La dernière période, qui commence avec lentrée en vigueur de la Charte en 1982, est marquée dune part par des réformes imposées par les tribunaux à la suite de contestations judiciaires fondées sur la Charte, et dautre part par des changements apportés à linitiative du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, par le biais dune commission royale, de comités parlementaires et des rapports du directeur général des élections. Trois séries de révisions apportées à la législation électorale dans les années 1990 permettent daccroître laccessibilité du système électoral et daméliorer certaines pratiques administratives afin de donner au système électoral la flexibilité voulue pour répondre aux besoins changeants de lélectorat. Grâce au vote par anticipation, au vote par bulletin spécial (postal), à linscription le jour du scrutin et à laccès de plain-pied dans lensemble des bureaux de scrutin, pratiquement tous les Canadiens de 18 ans et plus ont à la fois le droit de voter et les moyens dexercer ce droit. Il est intéressant de noter quen dépit de toutes ces mesures daccessibilité, la grande majorité des électeurs (plus de 90 % à la dernière élection générale) choisissent encore de voter à un bureau ordinaire de scrutin le jour de lélection.
Lévolution perpétuelle En somme, tout comme le droit de vote a subi de nombreuses transformations au cours de son premier siècle dexistence, le système électoral a été lui aussi transformé en profondeur depuis 1920 par loctroi du vote à des groupes ou à des catégories de citoyens qui en avaient été délibérément exclus par la loi, et par lélimination de la plupart des cas dexclusion administrative involontaire. Les 150 premières années de lhistoire du vote au Canada de 1759 à 1920 ont été caractérisées surtout par lélargissement du droit de vote à des personnes qui en avaient été exclues pour des raisons liées au revenu, au sexe, à la race ou à la religion. Depuis 1920, cette histoire est centrée sur les moyens mis en uvre par le législateur, les tribunaux et le personnel électoral pour que toute personne admise à voter puisse exercer ce droit fondamental librement, facilement et en toute confiance.
Comme nous lavons vu au fil de ces pages, les droits et les protections institutionnelles léguées par lhistoire ne sont ni statiques ni immuables. Les qualités mêmes qui les rendent souples et adaptables aux valeurs changeantes de la société les rendent également fragiles et potentiellement vulnérables. Comme la démocratie elle-même, ce sont des organismes vivants : il faut en prendre soin et leur donner le moyen de sépanouir. Tel est le défi constant que chaque nouvelle génération délecteurs doit relever.
1 Les personnes qui nont pas le droit de voter aux élections fédérales sont le directeur général des élections, le directeur général adjoint des élections, les 301 directeurs du scrutin (sauf en cas dégalité entre les deux premiers candidats dans une circonscription) et les personnes reconnues coupables de manuvres frauduleuses ou dactes illégaux en vertu de la Loi électorale du Canada. |