Des progrès en dents de scie Le premier directeur général des élections Des recommandations judicieuses Les cinq directeurs généraux des élections du Canada |
Nous avons vu dans les chapitres précédents que le droit de vote a été élargi graduellement jusquà la Première Guerre mondiale et que lélectorat a pratiquement doublé lorsque les femmes se sont vu accorder le suffrage. En 1920, presque tous les adultes ont le droit de vote, quoique plusieurs ne peuvent toujours pas lexercer pour des raisons dordre administratif, et certains groupes demeurent exclus à cause de leur race ou de leur religion, ou pour des motifs économiques. Au début de la période que nous examinons dans le présent chapitre, il existe peu de mesures spéciales destinées à faciliter ou à encourager lexercice du droit de vote. La façon traditionnelle de voter où lélecteur se présente en personne au bureau de scrutin le jour de lélection est la seule reconnue. On suppose que les citoyens et citoyennes
La modernisation de lappareil électoral
On verra dans les pages qui suivent comment la législation et les procédures administratives régissant les élections ont été façonnées et refaçonnées pour tenir compte de la grande diversité qui caractérise lélectorat canadien les innovations législatives et administratives qui ont rendu le vote plus accessible et plus commode, et ont modernisé lappareil électoral; lélimination des restrictions dordre racial et religieux; et les répercussions de la Charte canadienne des droits et libertés.
Des progrès en dents de scie Comme on la vu au chapitre 2, sir Wilfrid Laurier craignait que la Loi des élections en temps de guerre nouvre un gouffre qui ne se refermerait peut-être pas avant plusieurs générations. Il faisait allusion à un affrontement entre Canadiens dorigines française et britannique. Mais au cours des quelques années qui suivent la Première Guerre mondiale, lhystérie de 1917 semble vouloir sétendre à dautres groupes. Par exemple, les sentiments anti-germaniques ne disparaissent pas du jour au lendemain à la fin de la guerre. Les troubles sociaux comme la grève générale de Winnipeg en 1919, sont fréquemment teintés de sentiments xénophobes. Dans les années 20, une vague dhostilité envers les minorités raciales et religieuses déferle sur lAmérique du Nord, et sintensifie jusquen 1945, donnant lieu notamment à des lois électorales limitatives. Mais lévolution du droit de vote a aussi des côtés positifs. Après ladoption de sa Loi des élections en temps de guerre (qui va régir une seule élection, celle de 1917), le gouvernement conservateur de Borden adopte en 1920 lActe des élections fédérales1 , qui crée le poste de directeur général des élections (DGE) et protège le titulaire des pressions politiques immédiates en stipulant quil sera nommé par une résolution de la Chambre des communes, et non par le gouvernement du jour. Ainsi naît la tradition dindépendance dÉlections Canada, en tant quorganisme non partisan chargé dadministrer les élections et les référendums fédéraux.
En vertu de la nouvelle loi, le DGE a rang de sous-ministre et, comme un juge de la Cour supérieure, il est nommé à vie. Pendant le débat sur la loi, certains sopposent à cette nomination à vie. Selon J.A. Currie, député de Simcoe-Nord, une telle mesure ne peut que conduire à une sorte de dictature à la prussienne. Dautres députés mettent en doute le bien-fondé du poste. Mais beaucoup estiment, à linstar de Norman Ward, quil sagit dune réforme des plus salutaires (Ward 1963, 181).
Le premier directeur général des élections Le premier directeur général des élections, le colonel Oliver Mowat Biggar, administre ce qui aurait pu se révéler lélection la plus chaotique depuis de nombreuses années. En effet, 75 000 fonctionnaires électoraux nouvellement désignés sont chargés de superviser un système transformé de fond en comble, et le nombre des nouveaux électeurs dépasse le nombre total des personnes habiles à voter avant 1917. En dépit de toutes les innovations, le colonel Biggar signale dans son rapport annuel que les problèmes ont été relativement mineurs, compte tenu du grand nombre de personnes qui ont participé au processus.
Une tâche importante du directeur général des élections consiste à publier un rapport après chaque élection, conformément aux exigences de la Loi électorale du Canada. Ce rapport donne au DGE loccasion dévaluer régulièrement le fonctionnement de la législation électorale et de proposer des modifications au Parlement. Un grand nombre des mesures proposées par les DGE porteront sur laccessibilité du système électoral les moyens dassurer concrètement lexercice du droit de vote. Cela aussi aura des effets positifs sur le système électoral, puisque le Parlement adoptera et élargira un grand nombre des recommandations des DGE.
Par exemple, dans son rapport sur lélection de 1921, le colonel Biggar mentionne les difficultés éprouvées par les électeurs et particulièrement les femmes dont le nom navait pas été inscrit sur les listes électorales. Il suggère la nomination dun plus grand nombre dagents réviseurs et louverture dun plus grand nombre de bureaux de vote par anticipation. Le Parlement réduit donc de 50 à 15 le nombre délecteurs nécessaires pour ouvrir un bureau de vote par anticipation.
Après lélection de 1925, le colonel Biggar signale que le scrutin ayant eu lieu un jeudi, le vote par anticipation a été peu utile aux voyageurs de commerce : ils étaient déjà en déplacement lorsque les bureaux de vote par anticipation ont été ouverts, soit pendant les trois jours précédant le jour du scrutin. En 1929, la loi est modifiée de façon à ce que le jour du scrutin tombe un lundi.
Les cinq directeurs généraux des élections du Canada
Cinq personnes ont occupé le poste de DGE depuis 1920 : Oliver Mowat Biggar (1920-1927), Jules Castonguay (1927-1949), Nelson Jules Castonguay (1949-1966), Jean-Marc Hamel (1966-1990) et Jean-Pierre Kingsley (depuis 1990).
1 Oliver Mowat Biggar est le premier directeur général des élections (DGE), de 1920 à 1927. Il met en place les rouages régissant ladministration électorale fédérale à la suite de la grande réforme de 1920. 2 Jules Castonguay (DGE de 1927 à 1949) fait une première tentative pour établir une liste électorale permanente. Cest sous son mandat quest supprimé le dernier vestige du cens électoral. 3 Nelson Jules Castonguay (DGE de 1949 à 1966) voit lélimination de la discrimination religieuse dans la législation, loctroi du droit de vote sans restrictions aux Indiens inscrits et lintroduction de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. 4 Jean-Marc Hamel (DGE de 1966 à 1990) met en uvre de nombreux changements à la loi et à ladministration électorales, notamment lenregistrement des partis politiques, la limitation des dépenses électorales et diverses modifications liées à la Charte canadienne des droits et libertés. 5 Jean-Pierre Kingsley (DGE depuis 1990) poursuit la réforme requise par la Charte, modernise les systèmes de gestion, reçoit un mandat d'éducation de l'électorat, met sur pied le Registre national des électeurs et met en uvre diverses mesures pour rendre le vote plus accessible et le système électoral plus transparent. 1 Qui deviendra la Loi électorale du Canada en 1951.
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