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« Rendre justice à l'histoire » : Le programme d'art officiel canadien pendant la Seconde Guerre mondialeTélécharger « Rendre justice à l'histoire » : Le programme d'art officiel canadien pendant la Seconde Guerre mondiale (Version complète) en format PDF (129Kb) La Collection d'œuvres canadiennes commémoratives de la guerre (COCCG), le programme d'art canadien de la Seconde Guerre mondiale, a produit deux types d'œuvres d'art : des croquis sur le motif et des peintures achevées. Quand le Comité des artistes de guerre (CAG) a recommandé dans ses instructions que les artistes partagent l'expérience des « opérations actives » afin de « connaître et comprendre l'action, les circonstances, l'environnement et les participants », il n'y voyait qu'une cueillette d'information et une étape de recherche. Celle-ci, comme l'indiquent les instructions, n'existait que pour répondre à l'objectif suprême du comité : des « réalisations » qui soient « dignes des plus hautes traditions culturelles du Canada, rendant justice à l'Histoire, et, en tant qu'œuvres d'art, dignes d'être exposées partout en tout temps ». Les instructions chargeaient les artistes de représenter « des évènements, des scènes, des étapes et des épisodes importants de l'expérience des Forces armées canadiennes », et exigeaient que chacun des 32 artistes engagés réalisent un certain nombre d'œuvres. Les instructions établissaient clairement que le CAG prisait hautement ces œuvres finies. Les « cartons et croquis » n'étaient utiles, affirmaient les instructions, que « pour recréer l'atmosphère, la topographie et les détails des armes, véhicules, pièces d'équipement et vêtements, ainsi que des participants et du terrain, des avions et des navires ». Le colonel A. Fortescue Duguid, directeur de la Section d'histoire de l'Armée à Ottawa, avait, depuis 1941, envoyé des « artistes des forces armées » (les artistes embauchés avant que le programme soit en place) étudier les rares peintures de la Première Guerre mondiale exposées dans la salle du Sénat canadien, dans le cadre de leur formation initiale. Duguid encourageait également les artistes nouvellement embauchés à faire des croquis. Sa méthode unique de formation d'artistes des forces armées, du sein desquels seraient issus un nombre importants d'artistes de guerre officiels, comportait une série d'exercices de réalisation de croquis pour déterminer la capacité de l'artiste à représenter des sujets militaires avec « rapidité et précision dans l'observation et la représentation des éléments essentiels que sont la masse, le trait, la couleur, l'atmosphère et l'attitude ». Nombre d'esquisses réalisées sur le terrain méritaient d'être critiquées, étant tout à fait inutiles parce que l'artiste était trop loin de l'action pour une grande partie de ce qu'il valait la peine de représenter à des fins documentaires, ou encore parce qu'il s'attachait à ce point au détail que la scène globale s'en trouvait tout à fait négligée. La majorité des croquis et des petites aquarelles rapides œuvres d'artistes de l'aviation canadienne ont par exemple été réalisés au sol dans diverses bases d'Angleterre. La plupart des artistes de guerre canadiens de la marine ont passé une grande partie de leur temps dans les ports relativement sûrs d'Halifax ou de St John's. Sur terre, peu après l'invasion de la France, en juin 1944, quelques bouffées de fumée au loin sur une aquarelle peinte rapidement sont tout ce qui témoigne de cette glorieuse bataille dans l'œuvre d'un artiste de l'armée. Mais il y avait également un parti pris en faveur d'un art plus traditionnel parmi cette communauté militaire, dont les membres ne considéraient tout simplement pas les esquisses sur le terrain comme des œuvres d'art « impressionnantes » par rapport aux huiles sur toile, généralement beaucoup plus grandes et plus dramatiques. Au moment où les artistes de guerre se sont installés dans leurs ateliers de Londres ou d'Ottawa pour peindre, d'autres facteurs avaient commencé à influencer ce qu'ils allaient réaliser. Le premier était l'influence des historiens officiels dont ils relevaient. Il n'était pas rare qu'un artiste, conseillé par un historien, remplace un véhicule par un autre dans une composition pour la rendre plus « conforme » à la réalité, même si le croquis réalisé sur le terrain par l'artiste témoignait du contraire. Les instructions officielles jouaient aussi un rôle dans les compositions définitives. Les « épisodes d'action », définis comme des « témoignages oculaires » et une « reconstitution », disait-on dans les instructions, étaient, par ordre d'importance, les premiers sujets auxquels s'atteler. Pour atteindre cet objectif, Stanley et Stacey, par exemple, encourageaient des compositions s'inspirant des croquis réalisés sur le terrain par les artistes, mais intégrant aussi, par exemple, ce qu'on trouvait sur des photos et dans des journaux de guerre. Cela donnait souvent des scènes plus spectaculaires que celles dont ils avaient été réellement les témoins. Par conséquent, les peintures qui représentent une action, par exemple La ligne Hitler, de Charles Comfort, sont inévitablement des reconstitutions dans une grande mesure fictives. La rareté des combats dont ont véritablement été témoins les artistes de guerre officiels de la Seconde Guerre mondiale a rendu les reconstitutions inévitables. Néanmoins, bien que les artistes aient peut-être cru qu'on les encourageait à peindre une sorte de fiction, ils étaient aussi complices. Disposant de croquis sur le motif et de photos pour les détails, ils se concentraient instinctivement sur la création de bonnes compositions. Les artistes pouvaient également avoir un parti pris contre les scènes d'action, avec des conséquences inévitables pour les œuvres qu'ils réalisaient. Miller Brittain, ancien viseur de lance-bombes, trouvait le « sinistre royaume de conte de fées des cibles » trop troublant (mais il l'a représenté dans Cible nocturne, Allemagne) et préférait peindre des images des temps de repos telles que Aviateurs dans un pub britannique. Au cours de la deuxième guerre du Golfe de 2003-2004, les Canadiens se sont familiarisés avec le concept controversé de journalistes intégrés, dont le point de vue, quoique proche de l'action, est inévitablement modifié par les soldats avec lesquels ils vivent. À bien des égards, les artistes canadiens de la Seconde Guerre mondiale étaient essentiellement « intégrés » aux forces canadiennes. Limités comme les journalistes au cours de la récente guerre en Irak, les croquis sur le terrain des artistes ne montrent que ce qu'ils ont vu, soit une partie très limitée d'un sujet beaucoup plus vaste. Cela soulève la question de savoir si leurs toiles et leurs aquarelles réalisées en atelier, des mois – voire des années – plus tard, quand ils en savaient plus, et avaient davantage réfléchi, et compris, communiquent plus pleinement le sens et les conséquences de ce qu'ils avaient croqué. Les témoignages donnent à penser que l'éloignement, tempéré par un point de vue contextuel plus large, permet de rendre au mieux les évènements. Le fait que la toile présente des éléments de l'imagination, des réarrangements et une synthèse, ce qui a parfois conduit à les accuser d'être « fausses », ne devrait pas diminuer leur valeur globale en tant qu'expression de la véritable expérience de la Seconde Guerre mondiale. Elles peuvent, en fait, représenter une vérité artistique et, en ce sens, mieux nous renseigner sur l'expérience historique de la guerre que les croquis réalisés sur le terrain.
Laura Brandon |