VIVANTES !
Emma Mbia
J'ai tant appris de ces femmes rayonnantes. de leur histoire. de leur
expérience. de leur courage, elles qui ont traversé tant
d'épreuves, mené tant de combats.
En participant à ce projet de portraits de femmes, j'ai eu l'occasion
de revenir sur ma propre migration, de relativiser mon histoire personnelle
en écoutant celle des autres. Immigrante récente, je n'ai pu
rester de glace ( !) en entendant les histoires de ces femmes. Sans le
savoir, elles m'ont réchauffé le cour, apporté
émotions, humanité et compassion. C'est un des plus beaux
cadeaux que j'aie reçus.
La vie de ces femmes qui se sont racontées. a touché la mienne.
Chacune d'entre nous est venue pour des raisons qui lui étaient
propres. Certaines ont fui leur pays à cause de la guerre. parfois
au péril de leur vie. Auprès d'elles, j'ai découvert
le monde. les conflits qui séparent les êtres souvent contre
leur gré, les forcent à recommencer une vie ailleurs, quel
que soit leur âge. D'autres sont venues, comme moi, parce qu'elles
l'avaient choisi. Ce courage de repartir à zéro, tous les
migrants le partagent.
Jamais je n'ai senti de rancour ou d'amertume de leur part. Ce qui les
anime plutôt, c'est ce vif désir de participer, d'entrer dans
la nouvelle société d'accueil. Avancer, se battre, continuer,
persévérer. Persévérer, le mot clé
de la migration, comme me l'a dit Radegonde, installée depuis plus de
30 ans au Canada, propos qui m'a laissée songeuse.
Grâce à elles, j'ai également pris conscience de
l'importance de la mémoire. Emporter ses souvenirs et les transmettre,
pour ne pas oublier, pour ne pas s'oublier. Le « décentrement »
aiguise ce besoin, comme le rappelle Perpétue : « Dans un
monde ou personne ne connaît ton passé, c'est toi et seulement
toi qui entretiens ta mémoire.» Passages, mémoire que l'on
offre aux générations futures. La voix de Mamie Henriette s'est
brisée quand elle m'a parlé de ses petits cours, ses
petits-enfants qui, un jour, deviendront grands et pourront lire les mots
d'amour qu'elle leur a transmis. Eux aussi sont porteurs de l'expérience
d'une femme immigrante.
Moi-même de mère métisse et de père camerounais,
et ayant récemment fait l'expérience de la migration, je suis
sensibilisée aux autres mondes. Je sais que c'est une richesse qui
m'ouvre à l'autre, aux autres. Je n'ai pu, cependant, que
m'incliner devant la force et la dignité de ces femmes. Et de cette
expérience, je ne suis pas sortie indemne. Aujourd'hui encore,
l'écho de leur voix résonne en moi.
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