LA RENCONTRE
Aïda Kaouk
Conservatrice
L'histoire orale relève souvent de la mission de sauvetage, mais
ce n'est pas dans cet esprit que j'ai voulu recueillir et accueillir la
parole de ces femmes. Je désirais créer avec elles un espace
qui leur ressemble et susciter - pourquoi pas - le désir de les
rencontrer.
Cela dit, il ne s'agit pas seulement de récits de vie ou de
témoignages de l'expérience migrante. Il s'agit aussi et
surtout d'une question fondamentale pour moi : celle de la rencontre.
Car on ne peut parler de citoyenneté sans parler d'ouverture et de
rencontre, et on ne peut bâtir une identité citoyenne et un
sentiment d'appartenance à un pays sans créer des espaces
pour la rencontre...
Pour ces femmes, ce projet répond - entre autres - à un
désir de transmission. Un désir ô combien précieux,
légitime et louable, de léguer un héritage à
leurs concitoyens et à leurs enfants, à nos enfants.
Pour ma part, il s'agissait de leur donner une tribune, de favoriser
leur participation active à l'espace public.
Les rencontrer fut pour moi un grand bonheur. et une extraordinaire
occasion d'apprendre.
Place donc à leurs paroles et à leurs univers.place aussi
à la poésie qui, je l'espère. allumera une petite
étincelle dans vos yeux !
LE MUSÉE AILLEURS.
Quand on se déplace pour rencontrer des gens dans leur milieu,
c'est en quelque sorte le musée que l'on « déplace »...
Les objets, lettres, cartes postales et photos de famille présentés
sur ce site ont été repérés au domicile des femmes,
sur leur lieu de travail ou dans le cadre de leur activités communautaires,
et mis en scène dans un décor choisi par elles. L'« espace
d'exposition » est donc ailleurs qu'au musée. Aucun de ces
objets n'est acquis par le musée. Ces derniers appartiennent aux
femmes et à leur famille. L'espace qu'occupe ces témoins du
quotidien, de l'intime et de l'espace publique, est ici un espace crée
virtuellement.
Tout acte de dévoilement de soi constitue, pour ces femmes, un geste
de partage, toute parole un moyen de s'inscrire dans la cité et d'y
participer. Plutôt que de m'immiscer dans la vie de ces femmes, je me
suis mise à leur disposition avec pour seule balise leur désir
et le mien de créer ensemble quelque chose de beau et d'enrichissant
pour nos concitoyens.
C'est à force d'intuitions et de tâtonnements que ce projet a
vu le jour. Certaines idées sont arrivées après coup.
Je dois souligner ici la précieuse et inspirante collaboration de mes
coéquipières et coéquipiers. Mon espoir, c'est que ce
projet contribue au développement d'approches muséales
où la participation citoyenne, la rencontre et la création sont
au rendez-vous.
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