"La guerre a changé ma vie. Quelques-uns de mes meilleurs amis sont morts à la guerre. Quand on voit autant de morts et qu'on est aussi loin de sa mère-patrie, ça colore toute votre vie. Lorsqu'on revient à la vie normale, on est transformé. On ne peut pas expliquer pourquoi, pas plus qu'on ne peut expliquer pourquoi on aime le goût du sucré." (6)
En tant qu'artiste de guerre officiel de l'ARC, Schaefer a servi au sein des Fighter, Bomber and Coastal Commands, au Royaume-Uni et en Islande. Les 221 peintures, carnets de croquis et journaux personnels rédigés pendant la guerre conservés dans la collection d'oeuvres d'art du Musée canadien de la guerre témoignent que ces années de guerre ont été pour Schaefer riches de vie et d'expérience.
Carl Schaefer est né à Hanover (Ontario) et a étudié à l'Ontario College of Art. Il a eu parmi ses professeurs les artistes du Groupe des Sept J.E.H. MacDonald et Arthur Lismer. Surtout paysagiste, il s'est beaucoup inspiré de la campagne autour de sa ville natale, tout particulièrement au cours des difficiles années 1930. La chance a commencé à lui sourire lorqu'il a remporté en 1940 la bourse Guggenheim, qui lui a permis de peindre à temps plein en Nouvelle-Angleterre. Trois ans plus tard, il s'est enrôlé dans l'ARC. Après la guerre, il a enseigné pendant de nombreuses années à l'Ontario College of Art avant de prendre sa retraite.
George Johnston a écrit à propos des années de guerre de Schaefer :
"Il a d'abord trouvé cette vie-là stimulante; les avions et les aérodromes, et les vies des aviateurs et des aviatrices le fascinaient, et il semble avoir tout de suite eu envie de peindre l'acte de voler. C'est la puissance du vol que traduisent le plus fortement ses avions, qu'ils soient dans les airs ou au sol. Mais il se dégage de toutes ses toiles une atmosphère inquiétante et menaçante."(1)
File de dispersion du vol " B " | Rassemblement de Lancasters pour attaquer Stuttgart |
Posté en Angleterre pendant la plus grande partie de 1943, Schaefer a passé du temps en Irlande du Nord en 1944, et en Islande en 1945, avant de revenir au Canada. Il a été promu capitaine d'aviation en 1944 et a été démobilisé en juin 1946. Il a écrit à propos de sa contribution et de celle de ses collègues artistes à la représentation de la guerre :
"On a fait ce qu'on a pu dans des circonstances pénibles, et en même temps on se sentait proche de ce qu'on faisait et de ce qu'on comprenait grâce à l'expérience. "(2)
Ses oeuvres réalisées en temps de guerre sont toutes des aquarelles, ou des dessins à l'encre ou à la mine de plomb. Il a décrit avec beaucoup de verve dans ses journaux la pratique de son art. Le 13 juillet 1944, il notait :
"J'ai fait une autre aquarelle sous l'aile du C Charlie en stationnement. La pluie tombe, ricochant sur les ailes, et finit par tomber sur moi en larges gouttes à travers les espaces autour... du moteur droit. Le vent fouette, arrachant mon papier à la planche à dessin pendant que l'eau éclabousse l'aquarelle. Enfin fini. " (3)
Comme beaucoup d'artistes de sa génération il conservait un carnet de croquis. Les carnets (MCG 19940015) donnent un aperçu particulièrement vivant des aspects de la vie en temps de guerre absents des grandes peintures plus formelles. Si son journal nous apprend que Schaefer a échappé de peu à la mort lorsque le pub londonien dans lequel il se trouvait a été touché par une bombe, les carnets montrent bien que l'incident ne l'a pas découragé de se réunir avec des amis et des collègues artistes tels que le peintre anglais Augustus John. En fait, la vie dans les pubs à l'époque de la guerre se trouve immortalisée pour la postérité dans les croquis figuratifs exubérants réalisés d'une main rapide qu'on trouve dans ses carnets.