Comme les fourrures de castors étaient difficiles à trouver dans les régions de l'est, les marchands étaient forcés d'aller plus loin vers le nord et l'ouest. Les échanges interculturels et les mariages entre les Autochtones et les marchands (en anglais seulement) modifièrent de façon significative le tissu économique et social du pays, et ils préludèrent à la naissance d'une culture métisse originale dans les plaines du sud du Manitoba.
Alors que les coureurs des bois vivaient parmi les communautés cries et ojibwées dans la région supérieure des Grands Lacs, le métissage prit de plus en plus d'ampleur. Le régions du Nord, autour de la baie d'Hudson, connurent une situation identique avec la venue au monde d'enfants issus de pères irlandais ou écossais et de mères cries. À la fin du XVIIIe siècle, ces populations s'établirent plus à l'ouest et au nord-ouest du pays et donnèrent naissance à la nation métisse. Ils adoptèrent des composantes de leurs deux cultures qui finirent par se fondre en une culture originale au début du XIXe siècle.
À cette époque, certains Métis gravitaient autour des zones de peuplement permanentes, au confluent des rivières Rouge et Assiniboine. Au cours de l'automne de 1801, un groupe de Métis s'installe sur les rives de la Red River, site futur de la ville de Winnipeg (en anglais seulement). On les appelle «hommes libres» parce qu'ils ne sont assujettis ni aux coutumes amérindiennes ni aux lois imposées par les compagnies de commerce de fourrures. Leurs longs et étroits terrains en bordure de la rivière rappelaient les fermes situées le long de la vallée du Saint-Laurent. Trois principaux groupes ressortaient - les chasseurs de bisons, les marchands et les voyageurs - et leurs caractéristiques culturelles variaient en fonction de l'influence dominante d'une des cultures, autochtone ou européenne, d'origine.
Les moyens d'existence d'une partie de la population métisse tenaient essentiellement à la chasse au bison. Chaque année, le juin, ces Métis quittaient leurs campements pour chasser le bison. Les Métis défendaient jalousement le droit que leur confère l'usage de pratiquer en toute liberté la chasse et le commerce dans les plaines. En 1849, sous le cri de ralliement «le commerce est libre», les Métis faisaient front commun pour mettre un terme au monopole du commerce qui s'est attribué la Compagnie de la Baie d'Hudson.
La chasse, qui constituait une activité commerciale, permettait de faire des réserves et donnait aux familles, qui ne se voyaient que quelques fois par an, l'occasion de se retrouver. Chaque printemps et chaque automne, ils n'étaient pas moins de 1600 à se rassembler à Pembina, sur la rivière Rouge, pour élire un gouvernement provisoire. Des groupes d'éclaireurs à cheval assuraient le service d'ordre, veillaient à faire observer les règles strictes de la chasse et protégeaient les gens d'une éventuelle attaque de bandes rivales comme les Sioux.
La technique de chasse des Métis différait considérablement de celle de leurs ancêtres cris. Au lieu de faire tomber les bisons des falaises ou de les faire pénétrer dans un enclos de pieux, ils utilisaient des chevaux et des armes à feu. En provoquant une débandade, les chasseurs dirigeaient leurs chevaux au milieu du troupeau et choisissaient les bêtes qu'ils voulaient tuer, tirant à bout portant au grand galop. Un chasseur expérimenté, sur un cheval bien dressé, pouvait abattre de dix à douze bisons en deux heures.
De retour au campement, les femmes et les enfants préparent le pemmican (en anglais seulement) avec la viande du bison abattu. La graisse de bison (pour conserver le tout) était fondue et la viande mise à sécher au soleil chaud de l'été pendant que les enfants pilaient baies saskatoon et aronias destinées à rehausser la saveur de la viande. Les femmes pulvérisaient au fléau la viande rendue friable, puis mélangaient tous les ingrédients à l'aile d'une pelle et laissaient le pemmican (en anglais seulement) se solidifier sur des sacs de cuir écru semblables à ceux que l'on voit sur la charrette de la rivière Rouge. Cette nourriture légère et très nutritive durait presque indéfiniment et convenait tout à fait aux peuples nomades. Les Métis se réservaient une part du pemmican, mais ils en vendaient la plus grande partie aux compagnies de traite qui l'utilisaient comme aliment de base pour leurs marchands et leurs voyageurs.
Le bison était une véritable manne et fournissait les nécessités de la vie. On ne gaspillait aucune partie de l'animal. La viande, la graisse, les organes et la moelle procuraient de la nourriture et l'on utilisait la peau pour en faire des tentes, des chemises de nuit, des vêtements et des mocassins. On utilisait les os pour faire des outils et les côtes pour faire des patins de traîneau. Une fois évidées, les cornes étaient transformées en gobelets et en contenants pour la poudre à canon. On enfilait les incisives perforées pour confectionner des colliers et les vertèbres étaient transformées en jetons pour les jeux de hasard. Les vessies constituaient des récipients à eau idéals et la queue un excellent tue-mouches. Enfin, la bouse séchée fournissait du combustible en abondance dans les prairies.
Le travail quotidien resserre les liens entre femmes et enfants, et contribue à la prédominance matriarcale qui marque la famille métisse. Les Métisses confectionnent vêtements et articles d'équitation destinés au commerce qu'elles décorent d'un motif floral distinctif. Les motifs utilisés par les artisanes métisses d'une communauté à l'autre évoluent en fonction des goûts du jour et des matériaux disponibles.
Construite en chêne, la charrette de la rivière Rouge
servait au transport de la viande et des peaux de bison pendant la chasse
annuelle. Elle pouvait contenir une charge de 455 kg et parcourir 32 km
par jour, tirée par un buf. Lors de la chasse de 1840,
pendant deux mois, au-delà de 1000 charrettes ont sillonné
les Prairies. Conduites par les femmes accompagnées de leurs
enfants, les charrettes contenaient les provisions de chasse. D'immenses
convois de seize charrettes de front traçaient les pistes.