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Histoire des Autochtones du Canada
Tome II (1 000 avant J.-C. à 500 après J.-C.)

Les Bouclériens récents de l'ouest (Sommaire, Chapitre 25)

Les Bouclériens récents de l'ouest (nés Laurelliens) doivent être perçus dans le cadre de l'exceptionnelle étendue et variété du territoire occupé. Sur une ligne se dirigeant d'est en ouest, ces gens occupaient la frontière du Québec, le nord de l'Ontario, une bonne partie du Manitoba et le centre-est de la Saskatchewan, une distance en ligne droite de plus de 6 000 km. Ils occupaient des terres aussi éloignées au sud que le nord du Michigan et du Minnesota. Cette étendue de territoire incorporait la marge est et nord de la forêt des Grands Lacs/Saint-Laurent et des forêts parcs, respectivement, la forêt boréale et la toundra forestière (McAndrews et al. 1987). Ces zones végétales se caractérisent par différentes compositions d'espèces de plantes dont les ressources pour les animaux s'appauvrissaient graduellement en se dirigeant vers le nord. Par exemple, les Bouclérien récent de l'ouest qui occupaient la partie sud-ouest de leur territoire avaient accès à de riches récoltes de riz sauvage et aux animaux des forêts-parcs, notamment le bison. Par conséquent, la densité et la taille des sites archéologiques décroissent du sud au nord reflétant la capacité décroissante des zones écologiques nordiques à supporter la vie.


Un tumulus funéraire des Bouclériens récents de l'ouest
Un tumulus funéraire des Bouclériens récents de l'ouest (Laurelliens) au site Long Sault

Situé sur la rive nord de la rivière Rainy dans le nord de l'Ontario, ce tumulus représente la structure la plus imposante érigée de mains d'homme avant l'arrivée des Européens. L'auteur mesurant 2 m en avant du tumulus donne une idée de l'échelle. Une entaille dans le bord du tumulus visible sur la photographie a été faite par un opérateur de pelle mécanique par curiosité. Le site est maintenant protégé dans le Manitou Mounds Provincial Park Reserve, un segment de 2 km de long du côté ontarien de la rivière Rainy en aval des rapids du Long Sault.

(Reproduction de Wright 1972a : Planche 13)


Les voies de communication que constituaient les lacs et rivières situées dans le Bouclier canadien et dans les régions avoisinantes revêtaient une importance vitale aux yeux des Bouclériens récents de l'ouest. Comme leurs prédécesseurs, les Bouclériens moyens, ces gens auraient été dépendants des embarcations; probablement le canot en écorce de bouleau même si aucune trace de cet élément de la technologie n'a survécu dans l'enregistrement archéologique. Les voies fluviales les plus importantes ont tendance à être orientées dans l'axe est-ouest. Par exemple, la haute rivière des Outaouais rejoint le lac Huron, ensuite le lac Supérieur et, en direction ouest, la rivière Winnipeg et le lac Winnipeg, en empruntant les systèmes aquatiques limitrophes de l'Ontario et du Minnesota. Depuis cet axe est-ouest, plusieurs voies donnaient accès à la baie d'Hudson vers le nord, vers l'ouest par l'intermédiaire de la rivière Saskatchewan et, au sud, par la rivière Rouge. Les conditions instables de l'environnement ont favorisé la propagation des Bouclériens récents de l'ouest vers les régions de la rivière Rainy et de la rivière Winnipeg, vers l'ensemble du Manitoba et la région du nord du Manitoba, et la Saskatchewan près de The Pas. Ces régions étaient originellement occupées par les Planussiens mais la croissance de la température humide et fraîche entre 1 500 et 500 avant J.-C. (Buchner 1979) était propice à une expansion significative de la forêt boréale vers le sud-ouest et l'ouest aux dépens des régions des forêts-parcs et de ses troupeaux de bisons. Comme le bison se déplaça vers l'ouest avec le rétrécissement des prairies, les chasseurs planussiens de bisons abandonnèrent de grandes aires qui, à l'est, ont été subséquemment réoccupées par les chasseurs et les pêcheurs bouclériens récents de l'ouest qui, eux, étaient adaptés à la forêt.

Il y a consensus sur le fait que les Bouclériens récents de l'ouest étaient issus des Bouclériens moyens antérieurs. Les occupations par les deux groupes culturels surviennent fréquemment sur les mêmes sites, soit en couches stratifiées ou, sur la rive nord du lac Supérieur, isolées les unes des autres sur des terrasses surélevées par le rebondissement isostatique, procédé selon lequel la croûte terrestre reprend son ancienne position après avoir été comprimée depuis longtemps par le poids massif de la calotte glaciaire. Comme on l'a déjà fait remarquer, la grande partie de l'extrême sud-ouest du nord de l'Ontario, le Manitaba limitrophe et tout le centre-est de la Saskatchewan avaient été auparavant occupés par les Planussiens moyens à la fin de la Période III. La chronologie du remplacement culturel a constitué un sujet de controverse. Les Bouclériens récents de l'ouest (Laurelliens) introduisirent la poterie dans la région et une grande partie du débat a porté sur l'antiquité de la poterie et la validité de leurs datations par le radiocarbone. En partant de l'hypothèse selon laquelle la poterie des Bouclériens récents de l'ouest a été obtenue des GL-St-Laurentiens récents par diffusion depuis les bas Grands Lacs (Wright 1972a : 59), on a estimé que son introduction dans le Bouclier canadien aurait eu lieu dès 700 avant J.-C. Ceci présuppose que la poterie la plus ancienne est survenue le long de la frontière sud-est de la distribution des Bouclériens récents de l'ouest. D'autres considèrent que la région de la rivière Rainy constitue le point d'origine de la poterie la plus ancienne (Reid and Rajnovich 1991 : 228). Par contre, la plupart des archéologues sont d'opinion que la première apparition de la poterie et, par conséquent, la transformation du Bouclérien moyen en Bouclérien récent de l'ouest ont eu lieu vers 200 à 300 avant J.-C. (Buchner 1979; Dawson 1983; Reid and Rajnovich 1991). Cependant, les données du radiocarbone sont encore assez équivoques pour que les archéologues inventent des raisons ingénieuses pour rejeter ou accepter les datations reliées à leur propre hypothèse de travail. Par exemple, sur la base d'un grand nombre de datations récentes obtenues par le radiocarbone, on a même argumenté que les Bouclériens récents de l'ouest ont été, pendant 300 ans, contemporains des Algonquiens du nord de la Période V (complexe de Blackduck) (Reid and Rajnovich 1991) contrairement à l'enregistrement physique compris dans les sites stratifiés et la séparation des deux cultures sur différentes terrasses élevées par l'effet du rebondissement isostatique le long sur la rive nord du lac Supérieur. Il est suffisant de dire qu'il y a consensus sur le fait que les Bouclériens récents de l'ouest aient été les ancêtre des Saulteux (Ojibway) et des Cris de l'ouest. Il est opportun de remarquer que la distribution du Bouclérien récent de l'ouest à la Période IV coïncide, à la Période V, avec la distribution des Algonguiens du nord, dont on a fait mention antérieurement.

Pendant approximativement le premier tiers de la Période IV (1 000 à 500 avant J.-C.), le Bouclérien récent de l'ouest est inséparable de la base ancestrale du Bouclérien moyen de la Période III. Vers 500 avant J.-C., et probablement antérieurement dans la partie sud-est de la distribution culturelle, plusieurs changements technologiques ont eu lieu. La poterie a été introduite et, à la même époque, l'arc et la flèche semblent avoir généralement remplacé le propulseur. Ce dernier développement a assuré la poursuite d'un processus qui a débuté sur la côte est vers la fin de la Période III. Les tendances technologiques observées à l'époque du Bouclérien moyen se maintiennent, notamment la croissance des effectifs d'une grande variété de formes de grattoirs, la décroissance en nombre de couteaux bifaciaux, la rareté ou l'absence d'outils polis, l'usage de cuivre natif pour le façonnage d'une variété d'articles utilitaires et ornementaux, l'occurrence fréquente de nodules d'ocre rouge, la production incessante d'éclats linéaires, et l'apparition sporadique de poids de filets en pierre. Cependant, contrairement à la situation du Bouclérien moyen antérieur, une riche technologie d'outils en os a réussi à survivre sous la forme de couteaux munis d'incisives de castor, des alènes, des harpons à tête basculante, et des articles de moindre importance, notamment des aiguilles pour tresser des raquettes à neige, des perles, et des décorateurs à poterie. Des découvertes récentes dans le centre-nord du Manitoba laissent maintenant croire qu'une industrie élaborée de l'os a existé autrefois chez les Bouclériens moyens (David Riddle, Historic Resources Branch of the Department of Culture, Heritage and Citizenship, Manitoba : Communication personnelle).

Les efforts pour reconstituer l'histoire des Bouclériens récents de l'ouest ont eu tendance à surestimer l'importance de la poterie. Paradoxalement, l'assemblage de l'outillage en pierre taillée dans la plupart des régions est plus diagnostique et constitue donc un repère culturel plus fiable que la poterie. Cette dernière affirmation peut ne pas s'appliquer à la région Boundary Waters entre le Minnesota et l'Ontario. Il n'est pas possible d'évaluer cette question de façon adéquate car les grandes collection provenant de Boundary Waters correspondent à des dépôts mélangés mis au jour par des fouilles dans des tumulus funéraires et de dépôts minces de sites d'habitation à composantes multiples dans lesquelles, contrairement à la plupart des sites des Bouclériens récents de l'ouest, la poterie dépasse en nombre l'outillage en pierre.

Les vases minutieusement modelés, soigneusement lissés, montés à l'aide de colombins, à base conoïde, à dégraissant en grès, et décorés à l'aide d'instruments dentelés partagent plusieurs caractéristiques avec la poterie des complexes saugeeniens et pointe-péninsuliens des GL-St-Laurentiens récents situés dans la région des Grands Lacs. Les techniques de décoration de la poterie comprenaient l'impression, dans la pâte humide, de divers outils dentelés avant cuisson ou en utilisant un mouvement de va-et-vient avec des outils dentelés et à bord rectiligne. Il y a, cependant, des différences entre la poterie des Bouclériens récents de l'ouest et celle de leurs voisins à l'est, sauf celle dans la région de l'est du territoire des Bouclériens récents de l'ouest, les plus proches voisins du territoire des GL-St-Laurentiens récents qui ont été si influencés par les styles de poterie de leurs voisins qu'il est fréquemment difficile de distinguer les deux groupes seulement sur la base des caractéristiques de la poterie. Dans cette région, en particulier, il faut se fier à l'outillage en pierre pour arriver à une attribution culturelle précise.

Les activités de subsistance des Bouclériens récents de l'ouest doivent habituellement se déduire de la localisation des sites car, dans la plupart des cas, les sols acides ont détruit tous les os. Le site Heron Bay sur la rive nord du lac Supérieur constitue une exception (Wright 1967). À cet endroit, les vestiges abondants de castor et d'original ont été récupérés et correspondaient à des effectifs inférieurs à ceux du caribou, du rat musqué, diverses espèces de lièvre et de l'ours. Le ménomini rond, l'omble, l'esturgeon des lacs, le brochet nordique, le cotostome noir à long nez, et le doré jaune ou le doré noir ont été identifiés parmi les restes de poisson. La conservation des os dans ce site est due au fait que l'acide a été neutralisé par le sodas (cendres de bois) engendré par les nombreux feux de camp. Des restes fauniques ont aussi été récupérés du site Long Sault dans la zone de végétation des Grands-Lacs-Saint-Laurent de la rivière Rainy (Arthurs 1986). Les restes de grands mammifères étaient représentés par l'orignal et le chevreuil ou caribou. On note aussi la présence de restes de chien. Le castor dominait la catégorie des petites mammifères alors que le rat musqué, diverses espèces de lièvre, le porc-épic et la martre faisaient aussi partie de l'enregistrement. Le poisson était important dans ce site et l'esturgeon figurait en première place. Dans la même région, d'autres sites ont produit des os de bison indiquant l'accessibilité des forêts-parcs situées à courte distance à l'ouest ou, peut-être, la pénétration même du bison dans la région immédiate.

La plupart de sites fouillés représentent des occupations de saison chaude alors que de nombreux groupes de gens s'assemblaient à chaque année. De tels sites ont tendance à se situer le long des grandes rivières et des séries de lacs et particulièrement à l'embouchure des rivières et dans le voisinage de rapides produisant des étangs propices à la pêche. Une caractéristique des modes d'établissement qui semble seulement s'appliquer à la partie sud-ouest de la distribution des Bouclériens récents de l'ouest est la proximité de grands lits de riz sauvage. Indubitablement les innombrables petits camps étaient parsemés dans tout l'arrière-pays afin de chasser et d'acquérir certains matériaux, notamment une pierre de haute qualité pour le façonnage des outils, l'écorce de bouleau pour les canots et pour les tentes et les contenants, diverses espèces de bois pour une variété d'outils, des baies et d'autres plantes pour des fins très variées dont des fins médicinales. Sauf les sites de carrière, ces sites à ressources spécifiques sont extrêmement difficiles à localiser et à identifier quant à leurs fonctions. Les modes d'établissement hivernaux sont inconnus mais on présume qu'ils correspondaient à la dispersion de petits groupes familiaux emportant, jusque dans leurs territoires de chasse lors de la température froide, leur réserve de nourriture accumulée au cours de l'automne.

Les informations concernant la cosmologie des Bouclériens récents de l'ouest, quoique nombreuses à certains endroits, sont très inégales quand il s'agit de leur culture en général. Dans la partie sud-ouest de leur territoire, les gens participaient à l'élaboration des cérémonies des tumulus funéraires adoptées d'une culture intermédiaire située dans le sud, à savoir la culture de Malmo qui, elle, les tenaient des Hopewelliens situés encore plus au sud. La construction de tumulus incorporant des sépultures secondaires multiples en faisceaux et une absence généralisée d'offrandes mortuaires placées directement près des défunts sauf l'ocre rouge, reflètent des valeurs locales concernant les procédures d'enterrement appropriées qui sont plutôt différentes de celles du complexe hopewellien. Les tumulus funéraires eux-mêmes et certaines caractéristiques spécifiques, notamment la récupération des cerveaux et de la moelle des os longs, dédoublent des caractéristiques du sud. À part les sépultures mortuaires, le seul autre site de sépultures qui appartient probablement aux Boulériens récents de l'ouest est le site Arrowhead Drive sur l'île Bois Blanc dans le nord du Michigan (Bettarel and Harrison 1962). Là une fosse de sépulture contenait les principaux restes articulés d'un bon nombre d'individus. Parmi les offrandes se trouvaient un vase en poterie, un sac d'instruments, une mandibule d'ours aménagée, et des cones d'hématite, les deux derniers articles représentant des caractéristiques culturelles hopewelliennes.

Au moins quelques fosses énigmatiques construites de galets qui ont été découvertes dans le sud-est du Manitoba (Carmichael 1981) et, en particulier, sur la rive nord du lac Supérieur (Dawson 1981) sont attribuées aux Bouclériens récents de l'ouest. Ces structures, généralement situées à des endroits isolés exposés aux éléments, ont été interprétées comme des structures cosmologiques qui permettaient aux individus d'obtenir, par le jeûne, la contemplation et la prière, un esprit gardien ou une prophétie. On peut aussi démontrer qu'une partie de l'art rupestre du Bouclérien canadien appartient peut-être aux Bouclériens récents de l'ouest.

Les voisins des Bouclériens récents de l'ouest étaient les GL-St-Laurentiens récents à l'est et, au nord, les Paléoesquimaux moyens, les gens de la culture de l'Intérieur du Nord-Ouest (phase récente) (le complexe de Taltheilei), les Planussiens récents à l'ouest et au sud-ouest, et plusieurs autres groupes culturels situés dans les Hauts Grands Lac et, plus à l'ouest, la culture de North Bay et de Malmo entre autres. Les liens avec les GL-St-Laurentiens (les complexes de Pointe-Péninsule et de Saugeen, en particulier) semblent avoir été très étroits, en particulier naturellement, avec les bandes situées plus à l'est. Il est probable que les caractéristiques décoratives de la poterie mélangée récupérée dans les sites des Bouclériens récents de l'ouest, reflètent les mariages qui ont eu lieu entre les Bouclériens récents de l'ouest et les GL-St-Laurentiens récents dont les femmes, artisanes traditionnelles de leur poterie, auraient déménagé dans la bande de leur mari. Certainement dans les sites bouclériens récents de l'ouest, tel que le site Heron Bay, (Wright 1967), et les sites des GL-St-Laurentiens récents, tels que Donaldson (Wright and Anderson 1963), les caractéristiques des styles de poterie des deux cultures ont été trouvées en association directe les unes avec les autres indiquant que des mariages avaient eu lieu entre membres des bandes appartenant à ces cultures. De tels liens de parenté auraient favorisé le déplacement de biens tels que le cuivre natif entre les différents groupes culturels. De la même façon, à l'ouest, la poterie des Bouclériens récents de l'ouest et occasionnellement des articles en cuivre du lac Supérieur se trouvent dans des sites des Planussiens récents dans le sud-ouest du Manitoba (Syms 1977) alors que la calcédoine de la rivière Knife du Dakota Nord et, moins fréquemment, l'obsidienne de Wyoming trouvée dans des sites des Bouclériens récents de l'ouest auraient été transigées par l'intermédiaire des Planussiens récents. Les liens avec le nord sont ténus. On a suggéré que la présence limitée des Bouclériens récents de l'ouest dans le bassin de la rivière Churchill dans le nord du Manitoba (lac Southern Indian) était due à son occupation par les gens de la culture de l'Intérieur du Nord-Ouest (phase récente) (complexe de Taltheilei) (Dickson 1980). Près de la jonction de la rivière Winnipeg avec le lac Winnipeg, la récupération d'un fragment d'une lampe ou bol perforé en stéatite (Mayer-Oakes 1970 : 25) permet de croire à une forme de contact avec les Paléoesquimaux moyens sur la côte de la baie d'Hudson grâce à la rivière Nelson. Si un certain amalgame ded styles de poterie des Bouclériens récents de l'ouest et ceux de la culture de Malmo du centre du Manitoba (Wilford 1955) et peut-être de la culture de Summers Island du nord du Michigan (Brose 1970) a eu lieu, les liens semblent être d'une nature générale plutôt que spécifique. L'outillage en pierre de ces deux cultures du sud, par exemple, n'a clairement aucune parenté avec celui des Bouclériens récents de l'ouest. Il y a encore moins d'indices d'une interaction significative avec la culture de North Bay de Door Péninsula située dans le nord du Wisconsin (Mason 1966). En ce moment, les liens externes les plus importants du Bouclérien récent de l'ouest semble absolument être avec leurs voisins à l'est dans les Bas Grands Lacs et à l'ouest dans les forêts-parcs et la prairies du Manitoba et du Dakota Nord.

En dépit des fouilles de plusieurs tumulus funéraires des Bouclériens récents de l'ouest en Ontario et les régions avoisinantes du Minnesota, on a peu d'information sur la biologie humaine. L'information est soit non disponible dans les publications ou bien la conservation des os était faible et les contextes archéologiques si confus que les interprétations de l'anthropologie physique ont été gravement compromises. Le seul rapport concernant la biologie humaine des Bouclériens récents de l'ouest provient de 19 individus des sites Smith Mound 3 et Smith Mound 4 situées dans le nord du Minnesota (Ossenberg 1974). Même ces restes étaient si fragmentés et dans un si piètre état de conservation que seulement quatre des 26 caractères des crânes utilisés pour déterminer le lien de parenté des populations n'ont pu être mesurés, affaiblissant donc gravement les observations pertinentes à l'héritage génétique des gens et leurs liens biologiques avec d'autres gens. Il fut cependant possible de croire que les gens du complexe de Blackduck de la Période V, les Algonquiens nordiques du sud du Manitoba, du centre-nord du Minnesota et des régions voisines de l'Ontario étaient les descendants directs de la population locale de Bouclériens récents de l'ouest (Ibid : 37).

Pour la majorité des Bouclériens récents de l'ouest, la structure sociale semble n'avoir subi aucun changement significatif depuis celle des Bouclériens moyens, leurs ancêtres de la Période III. Les mêmes unités flexibles de la famille nucléaire reliées par une affiliation lâche aux bandes qui englobaient les liens avec les bandes adjacentes agglutinées par les mariages mixes, ont pu, croit-on, avoir été pertinentes. Cependant, dans la région du sud-ouest du territoire des Bouclériens récents de l'ouest et, en particulier, dans la région de la rivière Rainy en Ontario et au Minnesota, il semble avoir eu une déviation sociale significative par rapport à la norme culturelle. Les grands sites de rassemblement impliquant plusieurs bandes sur les rives de cette rivière et des régions avoisinantes contiennent des tumulus funéraires proéminents. La plupart des tumulus furent construits en plusieurs étapes. Leur construction et leur entretien dans le temps laissent croire à un niveau d'organisation sociale et à l'allocation d'une autorité qui était indubitablement étrangère à la plupart des sociétés des Bouclériens récents de l'ouest. Cette autorité aurait été investie dans des chamans-prêtres puissants qui auraient dirigé les procédures, notamment la perforation des crânes et des os longs, la chronologie des cérémonies de l'enterrement et la construction périodique des tumulus. En plus de l'influence du système funéraire hopewellien dans la région de la rivière Rainy, les ressources exceptionnellement riches en riz sauvage et en esturgeons semblent y avoir permis une densité de population et un degré de sédentarité que les bandes moins pourvues économiquement étaient dans l'impossibilité d'atteindre. La situation locale exceptionnelle doit avoir conduit à une sorte de stratification sociale car une fraction de la population méritait de se faire enterrer dans un tumulus. En terme de stratification sociale, l'explication la plus risquée de ce raisonnement est que la technologie du traitement et de l'entreposage du riz sauvage a rendu soudainement riches en nourriture un certain nombre de familles détenant des titres de propriété eu égard à des lots particuliers de terre. Cette situation, à son tour, aurait permis à ces familles en particulier d'utiliser leur richesse alimentaire nouvellement acquise pour se différencier de leurs voisins moins fortunés et d'imiter le rituel élaboré du complexe funéraire hopewellien en provenance du sud. Quels que soient les facteurs qui ont provoqué l'émergence de la société inégale, le fait qu'une sorte de différenciation ait eu lieu, se dédudit du nombre limité de tumulus funéraires et de leur distribution restreinte. La tradition locale des tumulus funéraires s'est poursuivie à le Période V. Il y a aussi un enregistrement ténu indiquant que la région de la rivière Rainy ait pu avoir fonctionné comme un lieu d'échange régional où un nombre de différentes cultures auraient interagi pour leurs bénéfices mutuels.

Les limites de l'enregistrement disponible concernant les Bouclériens récents de l'ouest sont les mêmes que celles qui affectent toutes les occupations du Bouclier canadien : la visibilité archéologique très réduite sauf pour les grands sites de camps de base lors des saisons chaudes; l'absence généralisée d'os en raison de l'acidité des sols; le mélange désespérant des occupations composantes avec des occupations antérieures ou postérieures; la contamination des échantillons de radiocarbone avec les acides humiques, les feux de forêt et les contextes archéologiques peu définis. En outre, certains problèmes particuliers sont liés à l'étendue géographique exceptionnelle des Bouclériens récents de l'ouest et les processus mis en cause dans l'expansion de la poterie. La poterie, médium plastique sur lequel plusieurs gestes culturellement déterminés dont le modelage et les techniques décoratives deviennent de façon permanentes figées dans l'argile cuite, fournit aux archéologues un objet particulièrement sensible à la sériation et à d'autres manipulations analytiques requises pour reconstituer l'histoire culturelle. Les vases en poterie aussi se brisent en plusieurs tessons et sont relativement indestructibles et ainsi revêtent une haute visibilité archéologique. Malheureusement la poterie peut aussi agir comme une "fossile directeur" simpliste selon lequel les archéologues sont inclinés à faire des affirmations culturelles et temporelles basées seulement sur la poterie tout en ignorant essentiellement le reste de l'enregistrement comparatif. Une telle approche limitée, conjointement avec l'esprit de clocher toujours présent en archéologie, a entraîné des conflits d'interprétations concernant les liens entre les poteries. Des perceptions différentes sont apparentes depuis l'est de l'Ontario et le Québec, depuis le nord du Michigan, le Wisconsin,, et le Minnesota, et depuis le Manitoba et le centre-est de la Saskatchewan. Même des tentatives de reconstitutions plus élargies, notamment la sphère interactive hopewellienne ou le concept des couches sud, moyennes et nord du Sylvicole moyen souffrent des perspectives régionales étroitement définies.


 
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