Les trois complexes du GL-St-Laurentien récent se rangent tous
les trois dans ce qu'on appelle régulièrement le
Sylvicole inférieur et moyen, ou le Sylvicole initial,
s'échelonnant de 1 000 avant J.-C. à 500
après J.-C. Le terme "Sylvicole" désigne l'apparition
d'un seul élément de la technologie - la poterie,
et pour des fins de classification amène la période
de l'Archaïque sans poterie à son terme. Le territoire
occupé par les GL-St-Laurentiens était les Bas Grands
Lacs, la partie orientale du basin du lac Huron, le fleuve
Saint-Laurent jusqu'à la ville de Québec, la partie
occidentale de l'Estrie du Québec, le nord des états
de New York et du Vermont. Plusieurs facteurs ont compliqué le
processus de formuler une synthèse de l'archéologie de
cette région durant la Période IV. Alors que le
territoire était principalement couvert par la zone
végétale des Grands-Lacs-Saint-Laurent, ses limites
sud et nord étaient occupées par la forêt de
feuillus et par la forêt boréale, respectivement. Ces
différentes unités végétales
étaient, en grande partie, le cur de différentes
cultures archéologiques qui interagissaient avec leurs voisins
de façons complexes. Les comptes rendus archéologiques
qui ont tendance à situer leur perception dans un cadre
régional, présente l'enregistrement
archéologique comme vu de l'Ontario, du Québec, du
Vermont et de New York ou, plus souvent, de régions encore plus
réduites à l'intérieur de ces provinces ou
états. L'absence d'entente sur les systèmes
classificatoires, y compris, même, des termes
généraux comme "Sylvicole inférieur" ont
accentué encore davantage ce cadre régional. Comme
les gisements archéologiques se composent typiquement
d'occupations multiples qui s'échelonnent sur des milliers
d'années, il est difficile, sinon impossible, d'en isoler
les occupations individuelles. Cette difficulté a conduit
à la dépendance envers une série de
"diagnostiques" pour interpréter l'enregistrement
archéologique. Finalement, le rituel funéraire
élaboré qui caractérise la Période IV,
a tendance à être surévalué dans la
reconstitution de l'histoire culturelle. En dépit de ces
problèmes, les manifestations archéologiques de la
région se rangent parmi les plus intéressantes du pays.
Il y a consensus sur le fait que le GL-St-Laurentien récent ait
émergé d'une base culturelle récente de l'Archaïque,
le GL-St-Laurentien moyen, même s'il y a désaccord sur la
manière avec laquelle cette évolution s'est
concrétisée. En effet, on retrace difficilement ces
événements chez les GL-St-Laurentiens moyens vers la fin
de la Période III. On a cependant esquissé les raisons qui
nous ont incités à favoriser les GL-St-Laurentiens moyens
(Archaïques laurentiens) comme les ancêtres de la culture
à l'étude. Toutefois, il y a un certain consensus sur le
fait que les GL-St-Laurentiens aient donné naissance aux peuples
iroquoiens historiques du nord-est de l'Amérique du Nord et il
est probable que certains algonquiens voisins aient aussi profité
de cette évolution.
On croyait autrefois que l'apparition des vases en poterie signifiait
que le "Sylvicole inférieur" marquait le début un
développement culturel majeur. En effet, l'apparition des vases
en poterie, des tumulus funéraires et des outillages plus
élaborés a été considérée
comme la marque d'un changement qui dépassait la chasse et
la cueillette. L'observation précédente n'amenuise pas
le fait que, vers 500 avant J.-C., la courge était cultivée
sur des sites voisins du Michigan et de l'Ohio. En fait, la courge pourrait
avoir été cultivée beaucoup plus tôt dans le sud
de l'Ontario comme l'indiquent les pelures de courge datées à
4 000 avant J.-C. dans un site du Maine
(Petersen 1991 :
140-143).
Outre l'introduction de la poterie depuis le sud, trois autres
événements caractérisent le Période IV.
À peu près vers le début de la Période IV,
l'arc et la flèche ont été
généralement adoptés et ont éventuellement
remplacé le propulseur plus ancien. Au même moment, des
bandes entreprenantes contrôlant les dépôts de chert
de haute qualité de l'ouest d'Onondaga, entre le lac Ontario et
le lac Érié en Ontario et New York, inventèrent une
méthode élaborée de production de préformes
spécialisées en pierre taillée. Ces préformes
furent largement échangées dans tout le nord-est de
l'Amérique du Nord entre 1 000 et 500 avant J.-C. Sous-jacent
à la mise en uvre de cette inhabituelle entreprise
commerciale, se trouvait vraisemblablement le besoin d'un type plus
approprié d'armature pour le nouvel ensemble technologique de
l'arc et de la flèche. En outre, le fait que le chert de l'ouest
d'Onondaga était principalement utilisé dans la production
de préformes laisse croire qu'une certaine signification
symbolique était reliée au matériau. Peu après
les événements mentionnés antérieurement
survient l'apparition, en provenance de la vallée de l'Ohio, du
rituel funéraire qui devait exercer une influence dans la
région pendant environ 1 000 ans.
Les vases en poterie ont été particulièrement
précieux à l'interprétation archéologique.
La poterie comporte un médium plastique qui conserve une
variété de valeurs culturelles exprimées par les
motifs, les techniques décoratives, la forme des vases, et d'autres
caractéristiques. Toute modification de l'argile à
l'état plastique acquiert, par la cuisson, une dureté
impérissable comparable à celle de la pierre. Les
caractéristiques détaillées qui accompagnaient le
façonnage et la décoration de la poterie représentent
des indices temporels et spatiaux, exceptionnellement sensibles, des
tendances et des relations. Alors que la poterie revêt une
importance considérable à l'interprétation
archéologique au cours de toute la Période IV, elle a
aussi été la base de problèmes d'interprétation.
On a d'abord présumé, et la plupart des chercheurs le
présument encore, que la poterie du "Sylvicole inférieur"
correspond toujours à une variété particulière
de poterie à impressions cordées qui avait
précédé et était, dans tous les cas,
l'ancêtre de la poterie du "Sylvicole moyen" qui comportait des
décors élaborés exécutés à
l'aide un instrument dentelé
(Ferris and Spence 1995;
Ritchie 1946;
Ritchie and MacNeish 1949).
La présomption que la séquence chronologique débutait
par la poterie ancienne à impressions cordées suivie d'une
poterie estampée d'un instrument dentelé, a constitué
un problème, particulièrement dans la partie canadienne de la
région à l'étude car plusieurs sites, datés du
"Sylvicole moyen", s'avérèrent contemporains du "Sylvicole
inférieur". De plus, la poterie ancienne à impressions
cordées, qui représente vraiment l'un des plus anciens styles
de poterie dans une grande partie de l'Amérique du Nord, est soit
périphérique au Canada ou est généralement
trouvée en association avec des styles de poterie du "Sylvicole moyen".
Les seuls sites d'habitation qui, trouvés à date au Canada,
contiennent de façon prédominante une poterie ancienne à
impressions cordées et un outillage également distinctif en
pierre taillée sont les sites de Batiscan et Lambert sur le fleuve
Saint-Laurent près de Trois-Rivières
(Levesque et al. 1964)
et la ville de Québec
(Chrétien 1993).
De tels sites d'habitation seront probablement découverts
éventuellement dans la région de la péninsule
du Niagara entre le lac Ontario et le lac Érié
(Noble 1975) et sur la rive
nord du lac Érié
(Spence et al. 1990).
Alors que la poterie la plus ancienne, provenant de sites
stratifiés sur la rive new-yorkaise du lac Ontario, est
invariablement à impressions cordées et est
appelée Vinette 1
(Ritchie 1944;
Ritchie and MacNeish 1949),
mais sur la rive ontarienne de ce lac, la poterie la plus ancienne
provenant de sites stratifiés équivalents est une poterie
plutôt différente estampée à l'aide d'un
instrument dentelé
(Ritchie 1949). S'il y a une
séquence chronologique de la poterie ancienne à
impressions cordées menant à la poterie ancienne
estampée avec un instrument dentelé dans la partie
canadienne de la région à l'étude, alors la
visibilité de l'enregistrement ainsi que la nature des datations
par le radiocarbone ont vraiment été perturbées. Dans
le moment, il semble que, quand les populations archaïques locales de
la majorité de l'est du Canada ont adopté l'idée de
la poterie depuis le sud, elles ont procédé à
l'invention des styles décoratifs du "Sylvicole moyen"
plutôt que de simplement imiter la poterie cordée de
leurs voisins du sud et de l'est. Le cur du style de la poterie
distinctive estampée à l'aide d'un instrument dentelé
est vraisemblablement le sud de l'Ontario et probablement la partie
extrême du haut fleuve Saint-Laurent au Québec. Depuis cette
région, la poterie du nord s'est diffusée
éventuellement vers l'est, l'ouest et le sud. Comme les gens
ne vivent pas dans le vide, les deux différents styles de
poterie, à impressions cordées au sud et l'est et
estampée à l'aide d'un instrument dentelé au nord
et à l'ouest, sont fréquemment trouvés en association
sur les mêmes sites. Les gens, en adoptant l'un ou l'autre des deux
différents styles, ont souvent partagé un lignage commun
d'une autre façon. Sauf pour le complexe spécialisé
meadowoodien, les préformes en pierre taillée et les outils
qui en ont été tirés, la plupart des
éléments de la technologie autre que la poterie, les modes
d'établissement et de subsistance, ainsi que les
cérémonies funéraires, étaient partagés
par le gens qui par ailleurs façonnaient des styles de poterie
différents. Alors que les tessons de poterie sont fréquents
sur des sites de cette période et se prêtent plus facilement
à une classification que la plupart des autres
éléments de cette technologie, ils ont peut-être
apporté une contribution excessive à la reconstitution
de l'histoire culturelle. De ce point de vue, le complexe meadowoodien
est issu de l'Archaïque précédent et a conduit au
complexe subséquent de Pointe-Péninsule
(Tuck 1978 : 4) mais cette
chaîne d'événements s'est concrétisée
seulement dans l'état de New York, dans une partie limitée
du fleuve Saint-Laurent entre Trois-Rivières et la ville de
Québec, et probablement au lac Champlain. Dans tout le sud de
l'Ontario et au Québec limitrophe, le développement depuis
le GL-St-Laurentien moyen a débouché directement sur les
complexes régionaux de Pointe-Péninsule et de Saugeen sans
la présence intermédiaire de Meadowood ou du Sylvicole
inférieur. Le lien géographique entre ces deux anciens
styles de poterie et leur contemporanéité partielle continue
à susciter un débat d'envergure
(Ferris and Spence 1995;
Fitting 1978 : 50;
Mason 1981 : 271;
Wright 1990 : 495-496).
Étant donné la nature limitée et souvent
équivoque de l'enregistrement, il n'est pas recommandé
d'être trop dogmatique, dans le moment, en ce qui concerne soit la
validité d'un développement traditionnel linéaire
des styles de poterie depuis le Sylvicole inférieur jusqu'au
Sylvicole moyen ou soit d'une origine bimodale impliquant deux traditions
clairement différentes de poterie.
Le rituel le plus ancien de la Période IV, remontant à 1 000
et 400 avant J.-C., est connu sous le nom de complexe funéraire de
Meadowood; au Canada, il semble généralement réduit
à la vallée du fleuve Saint-Laurent au Québec et
à la rive nord du lac Érié dans le sud de l'Ontario.
Avec des antécédents qui s'enracinent dans les pratiques
funéraires du GL-St-Laurentien moyen, le complexe funéraire
meadowoodien a aussi partagé plusieurs traits funéraires avec
les complexes funéraires de Pointe-Péninsule et de Saugeen dont
il était partiellement contemporain. Un complexe funéraire peu
plus récent, remontant à 800 avant J.-C. jusqu'à 100
après J.-C., est appelé le complexe funéraire
d'Adéna ou, plus couramment, le complexe de Middlesex
(Spence et al. 1990). Contrairement
au complexe funéraire meadowoodien, le complexe funéraire
adénien découlait d'influences émanant de la
vallée de l'Ohio et comportait des tumulus funéraires en
terre et des offrandes mortuaires exotiques provenant de la vallée
de l'Ohio. Il a été suivi du complexe funéraire
apparenté à celui d'Hopewell, aussi de la vallée de
l'Ohio, qui a disparu peu avant la fin de la Période IV. Les
GL-St-Laurentiens récents ont partagé un amalgame de rituels
funéraires originant de la vallée de l'Ohio et l'essentiel
des systèmes de croyances locaux dérivés de la
Période III. Toutes ces diverses pratiques funéraires ont non
seulement chevauché dans le temps jusqu'à certain degré
et ont partagé des caractéristiques définies, mais ils
ont aussi fleuri dans certaines régions géographiquement
limitées. Ces observations permettent de croire que, si les rituels
funéraires anciens sous-tendaient tous les complexes
funéraires de la Période IV, des régions
spécifiques ont participé plus intensément dans les
pratiques rituelles provenant de la vallée de l'Ohio.
Les GL-St-Laurentiens récents à l'instar de leurs
ancêtres, les GL-St-Laurentiens moyens, étaient
organisés en bandes locales qui, durant les mois chauds de
l'année, se fusionnaient à des endroits propices à
la pêche. Ici, on pouvait laisser aux femmes, aux enfants et aux
infirmes le soin de s'occuper des filets et des pièges et de
ramasser des crustacés et de la nourriture d'origine organique
alors que les chasseurs rayonnaient depuis un camp de base le long des
cours d'eau à la recherche de gros gibier et d'autres ressources.
Une innovation des gens du complexe saugeenien a été
l'habileté de piéger les poissons dans les rapides,
vraisemblablement en utilisant des barrages pour diriger les poissons
dans des pièges/filets. La pêche au barrage dans des eaux
plus calmes était évidemment une pratique plus ancienne.
Les relations humaines se révèlent dans l'enregistrement
archéologique par la présence de styles de poterie
étrangers dans plusieurs gisements, témoignge du besoin
d'attirer des épouses issues d'autres bandes et même
d'autres milieux culturels. Quant à l'affirmation
précédente, on croit que les femmes modelaient les vases en
poterie et apportaient leurs styles régionaux avec elles quand
elles suivaient leur mari.
En bref, l'apparition de la poterie vers 1 000 avant J.-C.,
l'adoption de l'arc et de la flèche vers la même époque,
le développement de l'industrie des préformes
spécialisées et l'apparition de cérémonies
funéraires provenant de la vallée de l'Ohio, se sont
intégrées et ont créé l'impression que
l'enregistrement archéologique indiquait l'avènement de
changements importants. Il semble maintenant que seuls deux nouveaux
éléments de la technologie, la poterie et l'ensemble
technique de l'arc et de la flèche, ont été
adoptés. Même les idées funéraires en
provenance de la vallée de l'Ohio n'ont été
adoptées que par une partie limitée de la population. Le mode
de vie est demeuré essentiellement le même depuis la
Période III et n'a pas été dramatiquement
altéré avant l'adoption de l'horticulture basée sur
le maïs entre 500 et 1 000 après J.-C.
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