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Peintures
de façades
Mâts et poteaux
d'intérieur
sculptés
Écrans intérieurs,
fosses et
trous à fumées
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Les termes utilisés pour nommer les différentes parties de la maison sont les mêmes que ceux des os du squelette humain, et plus particulièrement des os de l'ancêtre collectif. Les deux poteaux de soutènement verticaux de l'avant de la maison sont les os des bras, les deux poteaux de derrière ceux des jambes, les poutres longitudinales la colonne vertébrale, les chevrons les côtes, et le revêtement extérieur la peau. Les habitants constituent la force spirituelle de l'ancêtre/maison.
La maison n'était pas uniquement un abri. Elle revêtait également une signification cosmologique pour les Haïdas, qui la considéraient comme une immense boîte et en décoraient souvent les murs avec les motifs utilisés pour orner les boîtes. Le concept des boîtes gigognes est au coeur même des croyances des Haïdas sur les contenants et les êtres spirituels qui en protègent le précieux contenu.
Les âmes humaines constituaient la richesse qu'abritait la boîte aux dimensions d'une maison. Les Haïdas croyaient que les poissons gardés dans les boîtes à aliments conservaient leur âme jusqu'à ce qu'ils soient consommés. Ces âmes s'échappaient alors pour devenir de nouveaux poissons, et le cycle recommençait. De même, la maison protégeait jusqu'à leur mort les âmes de ses habitants, lesquelles s'unissaient aux corps des nouveaux-nés de la famille. Les Haïdas se sont toujours souciés d'établir quel enfant héritait de l'âme d'un parent récemment décédé, et pour ce faire ils observaient attentivement le visage et les gestes du nouveau-né. Les défunts étaient placés dans des boîtes de sépulture dans des maisons ou sur des poteaux funéraires, aussi près de la maison de leurs parents survivants qu'il était possible de le tolérer. Le révérend William H. Collison écrivait ce qui suit après sa première nuit passée dans une maison du village de Masset :
Lorsque j'ai ouvert ma porte le lendemain matin, j'ai eu la surprise de recevoir une gifle cinglante comme un coup de fouet sur le côté du visage. Cherchant quelle pouvait en être la cause, je me suis rendu compte que le vent avait arraché le côté d'un coffre funéraire placé au sommet de deux grands poteaux. À l'intérieur gisait le squelette d'une femme, dont la longue chevelure noire qui descendait bien jusqu'à trois pieds de sa tête, était agitée en tous sens par le vent.
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Ce modèle de monument funéraire à deux poteaux fait par Charles Edenshaw comprend deux coffres funéraires avec des modèles de cadavres. L'Ours emblématique à l'intérieur d'un cercle appartient à un chef du village de Skedans. Sur le véritable monument funéraire, l'Ours tient le cuivre du chef; ce panneau de devant d'origine se trouve maintenant au Museum of Northern British Columbia, à Prince Rupert.
Recueilli à Masset entre 1895 et 1901 par Charles F. Newcombe.
MCC VII-B-661 (S92-4243) |
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Sur ce panneau central d'un monument funéraire à deux poteaux du village de Skidegate figure le Grizzli aux oreilles proéminentes qui sort la langue.
Recueilli vers 1900 par Charles F. Newcombe.
MCC VII-B-668 (S92-4246) |
Les Haïdas considéraient le monde comme une vaste maison (la Boîte du Monde ou la Maison du Monde), dont les points cardinaux constituaient les quatre côtés. Après que le Corbeau eut apporté le soleil dans cette Boîte du Monde, l'ayant dérobé dans une autre boîte dans la maison du Chef du Ciel, le soleil commença à entrer tous les jours dans la Maison du Monde et à passer au-dessus du toit pendant la nuit. Les étoiles étaient le soleil qui brillait à travers les trous du toit de la Maison du Monde. Les saisons étaient déterminées en relevant la position du soleil à l'aube sur le mur faisant face au trou par où il pénétrait.
Un axe, qui plaçait la famille qui l'habitait au centre du monde, là où le contact entre les différents niveaux de l'univers était le plus étroit, traversait la maison en son milieu. La fumée du foyer domestique symbolisait cet axe de jonction de divers mondes, et le foyer était le lieu de prières quotidiennes adressées aux forces surnaturelles qui fixaient la destinée de chaque personne. Les maisons des chefs importants comportaient une succession de fosses en forme de boîte s'enfonçant symboliquement jusque dans le monde d'en bas. Le compartiment de la maison dévolu au chef était comme une boîte plus petite à l'arrière de la maison.
Aucune maison haïda n'est parvenue complète jusqu'à nous, mais il existe des photos anciennes d'environ quatre cents maisons haïdas, dans vingt-cinq villages, prises dans la deuxième moitié du XIXe siècle. De plus, près de cent modèles de maison peuvent être admirés dans les collections des musées. Le Field Museum de Chicago possède une maquette de l'ensemble du village de Skidegate, avec une trentaine de maisons. Elle a été commandée par James Deans pour la Columbian World Exposition de Chicago, en 1893.
Deans, qui a passé beaucoup de temps à Skidegate dans les années 1880, a été en mesure de recruter des artisans de chaque lignage pour fabriquer des modèles de maisons associées à leur famille. Ce fut, sans nul doute, une entreprise colossale que de négocier les droits, les frais et les horaires d'un si grand nombre d'artistes de façon à ce que la maquette soit entièrement terminée en un an. On peut même distinguer sur cette maquette des figures sculptées accomplissant divers rituels, des cérémonies funéraires aux potlatchs, et la maison appartenant au chef Skidegate comporte une reconstitution minutieuse de la fosse intérieure.
Un autre élément remarquable de cette maquette du village de Skidegate est la maison funéraire qui s'élevait juste derrière la maison du chef Skidegate. Il s'agit d'une sorte de cabane dont la façade peinte représente un Wasgo (ou Loup-de-la-mer) qui habitait autrefois les eaux d'un lac derrière le village. Si on enlève le toit, on découvre à l'intérieur des coffres de sépulture empilés les uns sur les autres, y compris ceux, richement décorés, d'anciens chefs Skidegate reposant sur un énorme Wasgo sculpté. Ce type de support (appelé manda'a par les Haïdas) était souvent placé au pied du poteau funéraire qui recevait la boîte de sépulture des restes du chef deux ans après sa mort. On peut voir beaucoup de ces supports sculptés sur des photos anciennes de villages haïdas.
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