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Introduction

Pourquoi les Marines

Dans un pays aussi vaste que le Canada, où la plupart des gens vivent loin de la mer, il est difficile, pour une marine, de toucher véritablement la population qu'elle sert et protège. Si les Canadiens et les Canadiennes ont un lien étroit avec la terre, et rencontrent l'aviation de façon régulière, bien peu connaissent la mer. Quant à l'héritage militaire du pays, si les triomphes et les tragédies des armées évoquent des sites précis, ce n'est pas le cas des exploits ou des revers des marins qui ont généralement peiné sur les étendues ouvertes des mers et des océans du globe. C'est ainsi que la population canadienne peut se faire une idée concrète des champs de bataille, la crête de Vimy et Dieppe, par exemple, les analyser et même y déambuler, et mieux comprendre le courage et le sacrifice des soldats qui s'y sont battus. Il demeure beaucoup plus ardu pour elle d'apprécier l'impact et les efforts de ceux qui ont servi et combattu sur les étendues immenses et anonymes des océans du monde. L'adage « loin des yeux, loin du coeur » s'applique ici. Le centenaire de la Marine, célébré en 2010, offre, aux Canadiens et aux Canadiennes, l'occasion d'en apprendre davantage sur la contribution de cette branche des forces armées à leur histoire, à leur sécurité, à leur prospérité et l'expansion de la renommée de leur pays dans le monde.

Cette contribution, elle peut être facilement évaluée par le rôle de la Marine dans les divers conflits auxquels le Canada a été confronté et au cours desquels ses membres, au même titre que les soldats et les aviateurs, l'ont défendu, y jouant une part importante dans la victoire et accroissant son envergure internationale. Quand des sous-marins allemands menacèrent la flotte de pêche de la côte est, au cours des dernières années de la Première Guerre mondiale, la petite flotte de chalutiers anti-sous-marins du Canada contribua à protéger le moyen de subsistance de nombreuses localités de ces régions. Pendant la guerre de Corée, celle du golfe Persique, en 1990-1991, et l'actuelle lutte contre le terrorisme, la Marine constitua la première réponse du Canada aux crises. Le déploiement rapide de navires canadiens indiqua clairement que le pays soutenait le droit international et des institutions telles que les Nations Unies et qu'il était déterminé à faire face à l'agression. Les marins canadiens symbolisaient donc les principes qui sont au coeur des valeurs dont le Canada se veut l'illustration aux yeux du monde.

La Marine du Canada a joué un rôle important dans les conflits évoqués ci-dessus et, pendant la Seconde Guerre mondiale, la Marine, comme la contribution du pays en général, fut indispensable à la victoire alliée. Dans la bataille de l'Atlantique, la campagne militaire continue la plus longue de la guerre, la Marine canadienne protégea les précieux convois marchands transportant denrées et approvisionnements vers la Grande-Bretagne assiégée. Puis, quand le cours de la guerre commença à s'inverser, elle veilla à ce que le personnel et le matériel nécessaires à l'invasion du Nord-Ouest de l'Europe traverse l'Atlantique en toute sécurité. La Marine apporta ensuite une aide essentielle à cette invasion en participant à presque toutes les tâches qui firent des débarquements du jour J un succès. Des navires canadiens combattirent aussi dans les théâtres de la Méditerranée et du Pacifique. Des centaines de marins canadiens servirent à bord de navires britanniques dans tous les théâtres de la guerre. Peu importe les endroits où ils se sont impliqués, la nationalité des navires dont ils étaient les membres, les marins canadiens ont joué un rôle essentiel dans la victoire finale et écrit un chapitre important de la riche patrimoine militaire du Canada.

Ce legs s'est perpétué pendant la guerre froide, lorsque la Marine devint un partenaire important de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Des navires, des avions et des sous-marins canadiens évoluèrent au sein d'une force anti-sous-marine d'élite qui se mérita le respect universel de ses alliés. Cependant, l'influence de la Marine alla bien au-delà. La flotte incluait un certain nombre de navires de recherche qui permirent d'accroître l'exploration scientifique de l'environnement marin, y compris dans l'Arctique, où ils affirmèrent aussi la souveraineté du Canada. De plus, pour la première fois de son histoire, la Marine utilisa des navires conçus et construits par des Canadiens, au Canada, une tendance qui s'est perpétuée au cours des 50 dernières années. Cela permit non seulement de soutenir une industrie de la construction navale en pleine expansion, mais favorisa aussi le développement de compétences techniques dans l'industrie canadienne. Les navires de guerre et leurs systèmes devinrent de plus en plus complexes pendant la guerre froide et des compagnies canadiennes créèrent des armes, des capteurs et des systèmes de communication et numériques de pointe n'ayant rien à envier à ce qu'on produisait ailleurs. En plus de promouvoir le développement et les compétences dans des industries et des technologies nouvelles, la conception de navires et de systèmes avancés s'avéra un autre domaine où le Canada pouvait être un leader mondial.

Ainsi, à divers moments, au cours du premier siècle de son existence, la Marine canadienne a accru la réputation internationale du Canada, favorisé le développement économique, combattu avec courage et ténacité, et témoigné des qualités que le pays veut promouvoir et constater chez ses militaires. À 100 ans, la Marine est encore relativement jeune, mais elle demeurera un aspect important du tissu national tant que les mers viendront lécher les rivages canadiens. « Loin des yeux ? », peut-être, mais néanmoins une source justifiable de fierté nationale.

Par Michael Whitby,
Historien principal de la Marine
Direction - Histoire et patrimoine ,
Ministère de la Défense nationale

Canon antiaérien et canonniers en pleine action
Canon antiaérien et canonniers en pleine action

La toile du peintre de guerre Donald Cameron Mackay représente une équipe de pièce tirant sur des avions ennemis avec un canon Oerlikon de 20 mm.

L'Oerlikon, de conception suisse et d'un usage courant dans les forces alliées, tout comme dans celles de l'Axe, pendant la Seconde Guerre mondiale, avait une cadence de tir plus élevée que les « pom-poms » de deux livres et une plus grande force de frappe que les mitrailleuses plus légères équipant les navires de la Marine royale du Canada. Bien qu'utilisés comme arme antiaérienne, comme ici, sur de nombreux types de navires, les Oerlikon s'avérèrent également efficaces lors de combats contre des sous-marins allemands en surface, forçant leurs équipages à demeurer à l'intérieur et les empêchant d'atteindre leurs propres canons.

Canon antiaérien et canonniers en pleine action
Peinture par Donald C. Mackay
Collection d'art militaire Beaverbrook
MCG 19710261-4197