La troisième conférence des Nations Unies sur le
droit de la mer et la conclusion de l'UNCLOS
10. Les pressions visant l'élargissement de la compétence
territoriale sur les eaux côtières pour l'exploitation des
ressources touchant tant la colonne d'eau que les ressources sous-marines
n'ont pas été sans opposition, ni isolées des autres
enjeux et préoccupations se rapportant aux océans. Le
processus continu d'inclusion qui a suivi les proclamations Truman a
fait naître des préoccupations dans divers pays, même
aux États-Unis, qui avaient pourtant lancé le processus. Un
grand nombre de pays défendaient des intérêts qui
étaient en conflit avec ce développement. Les États
dont les flottes pêchaient au large d'autres pays, qu'ils y aient
ou non pêché depuis des siècles ou qu'ils soient de
relativement nouveaux participants, risquaient de perdre l'accès
aux ressources qui faisaient vivre ces flottes et soutenaient leurs
économies d'origine. Certains États étaient
ambivalents. Les États-Unis et la Russie, par exemple, voulaient
conserver l'accès aux stocks de poissons éloignés
dont ils jouissaient depuis toujours, mais pouvaient
bénéficier de l'élargissement de leur territoire
au large de leurs propres côtes grâce aux importants stocks
de poissons qui s'y trouvaient. La situation était plus simple
pour d'autres États, comme le Portugal et l'Espagne dont les
ressources côtières étaient négligeables
comparativement à leurs prises dans d'autres régions,
surtout dans l'Atlantique Nord et au large de l'Afrique occidentale. En
plus des enjeux que présentaient les pêches, les pays en
développement ont pris de plus en plus conscience du fait que les
pays développés créaient la technologie qui leur
permettrait d'accroître leurs activités d'exploitation
sous-marine d'hydrocarbures et de minéraux de plus en plus loin
de leurs côtes, jusque dans des régions dépassant,
on pouvait le soutenir, leur plateau continental. À un certain
point, cette exploitation atteindrait les grands fonds marins qui, s'ils
n'étaient pas revendiqués par les États côtiers
et les riches sociétés des pays développés,
seraient accessibles à tous les États comme
« patrimoine commun de
l'humanité »(8).
Il était clair que plus les divers problèmes relatifs
à l'exploitation sous-marine restaient irrésolus longtemps,
plus grande serait l'emprise des pays développés
revendicateurs de droits lesquels, en un certain sens, voleraient les
pays en développement de richesses potentielles qui, à leurs
yeux, devraient être partagées avec eux.
11. Les pays développés avaient leurs propres
préoccupations. Des réserves sur l'élargissement
sans retenue des limites côtières ont été
exprimées même par les États qui souhaitaient
étendre leur autorité territoriale jusque sur la colonne
d'eau au large de leurs côtes et exploiter la région
sous-marine aux limites aussi lointaines qu'il leur serait possible de
revendiquer de leur plateau continental, et même au-delà.
Ils s'inquiétaient du fait qu'en l'absence d'un régime,
convenu internationalement, et de règlements exhaustifs, un
embrouillamini de prorogations ne correspondant à aucun
modèle convenu déstabiliserait un système,
jusque-là très stable, d'utilisation internationale
des océans. On craignait particulièrement que cette
déstabilisation n'entraîne l'érosion de la
règle fondamentalement importante de la haute mer relative
à la liberté de navigation, particulièrement
à la traversée de plusieurs détroits internationaux
indispensables au commerce et au mouvement des navires. Enfin, il y
avait le problème croissant de la pollution des océans
par pétroliers qui excrétaient des ballasts d'eau huileuse
en pleine mer, avaient des fuites ou faisaient naufrage. Les
intérêts côtiers souhaitaient que les pays
côtiers aient le droit de protéger les eaux et les ressources
biologiques de leurs côtes contre les dangers que présentaient
ces navires; les intérêts économiques et commerciaux
se préoccupaient d'assurer la livraison sans obstacle du
pétrole nécessaire à leur économie.
12. Dans les années1960, il était généralement
reconnu que les divers problèmes étaient interreliés
de telle façon qu'il n'était pas possible de les régler
de façon fragmentée ou isolée. Il fallait les
régler ensemble, dans le cadre d'une nouvelle constitution
exhaustive se rapportant aux océans. C'est pour formuler cette
constitution que les Nations Unies ont convoqué la troisième
Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, qui a
commencé en 1973.
13. Il a fallu à la Conférence dix ans pour produire la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982,
communément appelée UNCLOS. Cependant, la Conférence
a eu un effet beaucoup plus rapide relativement à la ZEE. À
la fin de la première séance approfondie de la
Conférence, en 1974, le projet d'une série de règles
visant la ZEE avait été rédigé en vue d'une
incorporation future dans la Convention globale. L'acceptation
internationale de ce projet de règles visant la ZEE elle-même
a été réputée acceptée. Ceci a
été le catalyseur de l'adoption unilatérale d'une
série de mesures par des pays côtiers du monde entier qui
ont élargi à 200 milles marins la zone sur laquelle ils
pouvaient exercer leur autorité et annoncé que les eaux
de cette zone seraient régies par le projet de règles issu
de la Conférence. Jamais procédure d'État, l'une
des sources habituelles du droit international coutumier, ne s'était
mise en uvre si rapidement ni de cette façon
particulière. Les experts juridiques ont qualifié ce
phénomène révolutionnaire de « droit
international instantané ».
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