Avant la ZEE
5. L'articulation du concept de liberté des eaux est
généralement attribuée à un érudit
hollandais, Hugo Grotius. Dans son livre intitulé Mare Librum,
publié en 1608(5),
il expose le concept selon lequel les océans appartiennent
également à tous les États et devraient être
librement accessibles aux vaisseaux de tous les pays, sans
interférence aucune d'autres États, pour les fins
auxquelles l'océan est utilisé soit, surtout, la navigation
et la pêche. Pour des motifs d'autodéfense et d'utilité
côtière, une zone territoriale de 3 à 4 milles marins
a été acceptée à l'échelle
internationale, fondée sur la portée maximale des canons
de l'époque. Ce cadre législatif a gouverné les
relations entre les États relativement à leur utilisation
des océans pendant les trois siècles et demi qui ont suivi.
6. Les pressions en faveur du changement qui ont commencé à
se faire sentir au milieu du XXe siècle sont
nées, selon la version généralement acceptée,
des proclamations présidentielles américaines en 1945,
les « proclamations Truman », dont l'une portait
sur le plateau continental et l'autre sur les
pêches(6). Dans
la première, les États-Unis déclaraient avoir le
droit exclusif d'exploiter les ressources de minerai et d'hydrocarbures
reposant sur ou sous leur plateau continental. (La mesure de la limite
vers le large du plateau continental n'était pas
précisée). Dans la deuxième proclamation, les
États-Unis déclaraient leur intention de développer
des zones de conservation convenues à l'échelle
internationale pour les stocks de poissons évoluant au large de
leurs côtes; ils prévoyaient aussi un concept de surveillance
qu'ils s'attribuaient en qualité d'État côtier.
7. L'érosion du concept de liberté des mers s'est rapidement
accélérée dès ce moment. D'abord quelques pays,
puis plusieurs ont revendiqué des droits sur les ressources selon
leur distance des côtes, les plus éloignées se situant
à 200 milles marins(7).
Il y a eu une prise de conscience croissante de la concentration de
ressources océaniques biologiques et non biologiques qui pourraient
être exploitées à des fins de gains économiques
sur un vaste territoire dépassant des eaux côtières.
D'aucuns ont soutenu que les ressources biologiques de ces territoires,
dont les habitats en eau peu profonde étaient
généralement situés sur le plateau continental,
devraient appartenir d'une certaine façon aux États
côtiers adjacents au même titre que ce qui avait
été accepté pour les minéraux et les
hydrocarbures du plateau continental. En même temps, on s'est rendu
compte que les ressources biologiques, bien que durables si elles
étaient correctement gérées, étaient tout
aussi périssables que les ressources sous-marines non biologiques
si elles n'étaient pas correctement administrées. De plus,
la crainte de voir ces ressources biologiques s'éteindre, si
l'accès libre était maintenu en vertu de la règle
de liberté des mers, se faisait de plus en plus grandissante.
8. D'importants changements sont survenus dans les techniques de pêche
depuis la Deuxième Guerre mondiale. De gigantesques chalutiers-usines
ont fait leur apparition en grand nombre, munis de sonars détecteurs
de poissons et d'un équipement de pêche de plus en plus
sophistiqués, sillonnant les océans, souvent à des
milliers de milles de leur port d'attache, et exerçant sur les
stocks de poissons des pressions encore jamais connues. Les prises
mondiales ont affiché une croissance constante, mais l'amenuisement
des stocks a commencé à se faire sentir dans des
régions du monde qui dépendaient depuis toujours des
ressources biologiques de leurs eaux côtières. Les
organisations internationales de gestion des pêches
créées pendant les années de l'après-guerre
ont acquis une réputation de plus en plus confirmée
d'inefficacité à réduire les prises à des
niveaux durables. Il y avait à cela deux grandes raisons : la
concurrence entre les États membres au sujet des allocations de
prises pour leurs navires; ainsi que le manque de volonté et
l'incapacité de ces États à appliquer les limites
et règles qui avaient été convenues, les navires
voguant à des milliers de milles des autorités de
l'État dont ils arboraient le pavillon et les exploitants de ces
navires préoccupés seulement de future wealth from catches
maximiser leurs profits. Les pays côtiers développés
ont été de plus en plus troublés par la
prévision d'un appauvrissement de leurs collectivités
côtières. Les pays côtiers en développement
étaient encore plus préoccupés, prévoyant
non seulement la perte de leurs ressources vivrières, mais
également la perte de tout espoir de prospérité
future pouvant découler des prises et de l'exportation de ressources
extraites de leurs propres eaux côtières.
9. Inévitablement, les pays côtiers développés
et en développement ont fini par comprendre qu'il était
déraisonnable de rester les bras ballants à regarder les
richesses marines être consommées et détruites à
leurs portes par des flottes de navires de pêche d'autres pays. Il
a semblé beaucoup plus raisonnable que, tout d'abord, les
États côtiers exercent le contrôle unique et entier
sur toutes les activités de pêche au large de leurs
côtes aux fins de conservation et de gestion et, deuxièmement,
que les avantages économiques que présentent les ressources
biologiques de leurs eaux côtières profitent à leurs
populations côtières. Le résultat d'une telle politique,
a-t-on soutenu, profiterait au monde entier grâce au maintien d'une
source stable de protéine animale.
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