Les Bouclériens anciens (Sommaire, Chapitre 8)
Un simple sommaire peut facilement renfermer
les rares renseignements dont nous disposons sur les bouclériens
anciens. Comme ce fut le cas pour les GLSaint-Laurentiens anciens, les
Bouclériens anciens émanent plus d'une hypothèse de
travail que de données culturelles clairement démontrables.
Dans le domaine de la recherche archéologique, l'accumulation des
connaissances conduit souvent à la formulation de reconstitutions
culturelles prématurées, particulièrement quand le
portrait cohérent qu'on s'efforce de tracer repose sur des
fragments épars de renseignements. La compilation éventuelle
de données plus substantielles justifiera la démonstration,
le rejet et, très certainement, la modification de
l'hypothèse de travail qu'on préconise ici. L'hypothèse
qu'on met en valeur repose en fait sur un mince filet de renseignements
dont le degré de validité sera éventuellement
testé. En essayant de formuler une synthèse de cette nature,
l'entrelacement de cultures plus ou moins hypothétiques avec des
cultures plus substantielles est inévitable.
Certains caractères et tendances technologiques laissent entrevoir
la possibilité que, entre 8 000 et 4 000 avant J.-C.,
des valeurs culturelles du Planoïen récent en provenance de
l'est et du nord
(Buchner 1981;
1984;
Wheeler 1978;
Wright 1972;
1976) aient contribué au
développement des Bouclériens anciens. On suppose que ces
gens ont occupé la partie occidentale du Bouclier canadien au
fur et à mesure que ce dernier devint habitable suite à
la glaciation, supposition qu'appuie un certain nombre de dates
anciennes de l'Ontario et du Manitoba. D'où la proposition que
"L'Archaïque du Bouclier est issu d'une base culturelle
paléoindienne (le Planoïen) dans l'est des territoires du
Nord-Ouest et probablement dans les parties occidentales de la
forêt canadienne/Bouclier canadien"
(Wright 1972 : 69). Les
tendances technologiques observables dans les sites planoïens
nordiques du district du Keewatin ont apporté un appui
additionnel à cette hypothèse
(Wright 1976 : 91-93). Des
témoignages plus fermes viennent du site Sinnock situé
dans le sud-est du Manitoba, région de forêts-parcs entre
la forêt boréale et les prairies au moment de leur
occupation (Buchner 1981;
1984;
Wheeler 1978).
L'enregistrement limité qu'ont laissé les
Bouclériens anciens ne devrait pas constituer une surprise.
La fluctuation dramatique du niveau des eaux dans les hauts Grands
Lacs à cette période
(Prest 1970 : Figure XII-16)
signifie que plusieurs sites sont maintenant situés sur des
terrasses élevées à l'intérieur des
terres densément boisées des hauts Grands Lacs.
Étant donné la proximité de la mer de Tyrrell,
des restes de glaciers et des lacs au nord, on peut également
inférer que la région en général
était probablement en état de recouvrement biotique
et n'était pas particulièrement riche en ressources
alimentaires, facteur qui entraîne des populations humaines
réduites. Un autre facteur important de limitation est la
nature simple de la technologie des Bouclériens anciens qui,
en grande partie, ne peut être identifiée en dehors
d'une contexte archéologique datable. On ignore, par exemple,
combien de préformes et de couteaux bifacialement
taillés recueillis dans les grands sites de carrière
le long de la rive septentrionale des hauts Grands Lacs sont
attribuables aux Bouclériens anciens. De grandes
préformes semblables à celles recueillies au site
Foxie Otter
(Hanks 1988) sont certes
abondantes dans les sites de carrière comme le site
Sheguiandah sur l'île Manitoulin
(Lee 1957). Si
l'hypothèse est correcte à savoir que la transformation
des Planoïens récents en Bouclériens anciens dans
la région du Bouclier canadien implique essentiellement un
changement de style de pointes de projectile qu'aurait
entraîné l'adoption du propulseur, l'usage d'autres
éléments, tels que l'herminette taillée à
tranchant poli et un changement dramatique dans les techniques de
taille de la pierre, alors leur assemblage sera difficile à
distinguer d'outillages plus récents à moins
d'être recueilli dans un contexte datable. Il est habituellement
impossible d'isoler en occupations distinctes et de dater des petits
sites de surface comportant un outillage en pierre de facture commune
dont les restes sont mélangés. Le site du lac O.S.A.
(Storck 1974) est une heureuse
exception à la situation précédente. Des pointes
de projectile semblables aux formes anciennes des pointes de
projectile à encoches latérales trouvées en
association dans des sites planoïens récents
(Buckmaster and Paquette 1988;
Greenman and Stanley 1940;
Lee 1957;
Mason and Irwin 1960) se
trouvent aussi dans des sites à occupations multiples dans
le Bouclier canadien
(Wright 1972a : Planche VI,
Figures 1 et 9, Planche XIII, Figure 5). Le fait que des outils anciens
en pierre polie, telles que la gouge et la lance, aient été
recueillis dans des sites, notamment le site Frets
(Ibid : Planche XII),
laisse croire que certaines pointes de projectile provenant de ce site
sont certainement anciennes. Comme d'autres l'ont suggéré,
cependant,
(Hanks 1988;
Stewart 1991;
Storck 1974) des techniques
d'analyse de plus en plus sophistiquées seront requises pour
reconnaître et isoler les restes des occupations anciennes et
le matériel plus récent. Par exemple, une date SMA d'un
copeau d'une hampe de lance en bois reliée à une pointe
de projectile conique du lac South Fowl sur la frontière de
l'Ontario - Minnesota juste à l'ouest du lac
Supérieur a fourni une datation par le radiocarbone de 4 800
avant J.-C. (William Ross, Ministry of Culture, Tourism and Recreation,
Thunder Bay : Communication personnelle, 1994;
Beukens et al. 1992). Cette
date soulève la possibilité que le travail du cuivre
natif dans la région est considérablement plus ancien
qu'on ne l'a d'abord cru. La pauvreté des preuves
concrètes attribuables aux Bouclériens anciens
présente un contraste frappant avec les riches données
archéologiques des Bouclériens moyens (4 000
à 1 000 avant J.-C.). Il est aussi possible de remonter
le courant depuis les plus anciennes occupations des Bouclériens
moyens dont témoigne le site Migod
(Gordon 1976) afin de s'imaginer
à quoi pouvaient ressembler la technologie à la fin du
Bouclérien ancien. Jusqu'à ce qu'on fouille plus de sites
attribués aux Bouclériens anciens, la reconstitution
devra cependant demeurer une hypothèse, esquissée mais
dépourvue de base solide.
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