Deux innovations importantes apparurent dans l'est du Canada
approximativement à la même époque : le modelage
des vases en poterie originaire du sud, et l'arc et la flèche en
provenance du nord-est. La poterie, dont la pâte malléable
se prête au modelage et devient dure comme de la pierre à la
cuisson, constitue un témoignage particulièrement utile aux
archéologues car elle laisse un enregistrement très
révélateur des relations et des développements
culturels. Les caractéristiques de la poterie, à savoir la
forme, les motifs et l'impression de divers instruments peuvent servir de
repères chronologiques et à l'identification culturelle.
Alors qu'elle a été inventée de manière
indépendante à plusieurs endroits du monde, la poterie la
plus ancienne d'Amérique du Nord provient de ce qu'on appelle
aujourd'hui le sud-est des États-Unis où elle apparaît
il y a plus de 5 000 ans. Vraisemblablement, l'Amérique du
Sud était son lieu d'origine ultime. Comme la poterie
apparaît approximativement 1 000 ans plus tôt dans l'est
que dans le sud-ouest de l'Amérique du Nord, le chapelet
d'îles situées dans la mer des Caraïbes,
appelées les Antilles, a probablement constitué sa voie de
diffusion. Ces îles jouèrent le rôle d'un pont entre
le nord-est de l'Amérique du Sud et la Floride. À
l'inverse de la poterie, l'arc et la flèche étaient une
innovation d'origine asiatique qui semble avoir été
introduite dans l'hémisphère occidental par les
Paléoesquimaux anciens
(Wright 1995 : Chapitre 21).
Ces deux avancées technologique se propagèrent par la
suite dans toute l'Amérique du Nord.
La submersion des côtes orientales des provinces maritimes a
partiellement oblitéré l'enregistrement
archéologique des Maritimiens récents. Des
témoignages indiquent pourtant qu'un culte de sépultures,
issu de la vallée de l'Ohio, exerçait des influences sur
les populations locales antérieurement à 500 avant J.-C.
Ces influences, qui comportaient des pratiques mortuaires
définies, à savoir la construction de tumulus
funéraires et l'utilisation, comme offrandes mortuaires aux
défunts, d'objets exotiques en provenance de la vallée de
l'Ohio, se propagèrent aux Maritimes en suivant vraisemblablement
le fleuve Saint-Laurent.
Les GLSt-Laurentiens récents se propagèrent vers l'ouest
dans la région des Grands-Lacs-Saint-Laurent où on trouve
plusieurs complexes régionaux de styles de poterie ainsi que
d'autres traits. Cependant, tous ces complexes culturels régionaux
semblent être le fait des GL-St-Laurentiens moyens de la
Période III. Les cérémonies funéraires, en
provenance elles aussi de la vallée de l'Ohio, apparaissent
dès 600 avant J.-C. et les développements subséquents
ont éventuellement conduit à la floraison des tumulus
funéraires dans la région de Rice Lake dans le sud-est
du sud de l'Ontario il y a environ 2 000 ans. À cette
époque, l'argent dont la source se trouvait dans la région
de Cobalt située dans le nord de l'Ontario a s'est greffée
sur la tradition de l'industrie du cruivre vielle de 7 000 ans, et
a été largement échangé vers le sud.
Dans presque tout le Québec situé au nord du fleuve
Saint-Laurent, les Bouclériens récents de l'est ont
conservé le mode de vie des Bouclériens moyens; ils ont
adopté l'arc et la flèche mais ont généralement
rejeté les vases en poterie, sauf à la limite sud du Bouclier
canadien. Les Bouclériens récents de l'ouest (Laurelliens)
ont occupé l'extrême ouest du Québec, le nord de
l'Ontario, une bonne partie du Manitoba, une petite partie du nord-est de
la Saskatchewan, et les limites nord des états limitrophes; ils se
distinguaient de leurs voisins de l'est du Bouclier par l'adoption
enthousiaste de la poterie et par un changement majeur affectant
l'industrie de la pierre taillée. Les populations locales
limitrophes du Minnesota-Ontario ont mis graduellement en pratique
les cérémonies associées aux tumulus funéraires
en provenance du sud et seraient les bâtisseurs des structures de
terre les plus imposantes érigées au Canada avant
l'arrivée des Européens.
Le bison est demeuré la base alimentaire des Planussiens
récents qui ont aussi retenu et amélioré
certains caractères plus anciens, par l'exemple l'usage des
précipices à bisons et des enclos, le travois à
chien, les tipis, la production du pemmican et le rituel associé
aux alignements radiaux de galets. Il y a environ 2 000 ans, la
poterie a été introduite depuis l'est mais n'est jamais
devenu un caractère de grande importance aux yeux des
Planussiens récents. On a également spéculé
sur le fait que les Bouclériens moyens ou les Bouclériens
récents de l'ouest aient introduit l'arc et la flèche dans
les Prairies depuis l'est, peut-être à la Période
III. Les villages de maisons semi-souterraines du Platélien
récent ont augmenté en taille et en complexité,
particulièrement dans la région de Lillooet où
certains ont cru y déceler l'existence de sociétés
hiérarchisées. Alors que la dépendance à
l'égard du saumon s'est poursuivie depuis la période
précédente, des témoignages indiquent
qu'après 500 avant J.-C., la nourriture d'origine organique,
par exemple la lewisie reviviscente, la pomme de terre de montagne,
l'oignon sauvage, et les racines de cèdres, aurait acquis une
importance accrue.
Pendant toute la Période IV, l'évolution de la culture
de la Côte Ouest (phase récente) a clairement
précédé le modèle culturel de la Côte
Ouest que nous ont révélé les documents
historiques. Les grandes maisons en planches se sont
généralisées. Le façonnage, par bouchardage
et polissage des outils et des ornements en pierre a augmenté de
popularité. Des indices nous permettent de croire à une
intensification des processus causant l'apparition de
sociétés hiérarchisées et une augmentation
des activités guerrières. Vers la fin de la Période
IV, l'arc et la flèche ont été introduits sur la
côte depuis le plateau canadien. L'événement le plus
marquant de la culture de l'Intérieur du Nord-Ouest (phase
récente) a été son expansion vers l'est dans les
barrengrounds jusqu'aux limites de la forêt septentrionale des
districts de l'est du Mackenzie et du sud du Keewatin, dans les
Territoires du Nord-Ouest, ainsi que dans les régions du nord
de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba. Durant la
Période IV, les Paléoesquimaux moyens occupaient une
grande région dont l'île de Baffin était le
cur. Les Paléoesquimaux anciens partageaient plusieurs
caractéristiques avec leurs ancêtres mais ils en
différaient sous plusieurs rapports, tels la construction de
maisons semi-souterraines en hiver et le façonnage d'un plus
grand nombre d'outils par polissage. Sur quelques sites, le
pergélisol a conservé les objets fabriqués en
bois de dérive qui nous livrent un aperçu de la riche
industrie du bois, dont des manches de microlame et des burins, des
kayaks, des parties de traineau, et d'autres objets qui ne se
conservent habituellement pas dans les dépôts
archéologiques.
En général, les développements culturels
à la Période IV ont été marqués
par l'intensification et l'élaboration de
développements identifiés à la Période
III précédente. Le régionalisme culturel a
continué à faire son chemin. Cependant, pour la
première fois, un nouveau rituel funéraire
associé à la construction de tumulus
funéraires en terre s'est ajouté aux rituels
funéraires précédents. Ces influences tiraient
leur origine depuis le sud mais, au moment où elles ont
atteint l'est du Canada, elles avaient été
modifiées pour satisfaire les besoins locaux. On a
spéculé sur le fait que l'élaboration
mortuaire dans les régions du lac Rice et de la
rivière Rainy en Ontario ait été
stimulée par l'invention de méthodes qui
permettaient la conservation du riz sauvage. Comme la production
d'un surplus alimentaire sous la forme de riz
desséché constituait un élément de
richesse, cette situation semble avoir engendré des
inégalités de statut. L'enregistrement indiquant
l'existence d'un statut attribué qui aurait eu
l'inégalité sociale comme compagnon, correspond
à un phénomène très local et
étranger, somme toute, aux GL-St-Laurentiens récents
et aux Bouclériens récents de l'ouest. Cette
situation s'est maintenue temporairement dans l'est mais a
persisté à la Période V dans la
région de la rivière Rainy, dans le nord de
l'Ontario.
Ces grandes lignes font état du fait que les influences
culturelles ont touché l'ensemble de l'Amérique
du Nord par voie de diffusion mais que les forces culturelles
régionales ont moulé les influences externes dans
le creuset de leurs besoins locaux respectifs. Aucune région
du Canada n'a été épargnée par la
diffusion culturelle, que les innovations proviennent de
l'Amérique du Sud ou de l'Asie, et qu'elles aient
affecté la technologie ou les systèmes de
croyances cosmologiques.
|