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Klinkwan
Klinkwan est la forme haïda d'un nom tlingit signifiant Village-des-coquillages. Le village, qui s'étendait le long de plusieurs baies, comporta jusqu'à vingt maisons, mais les informateurs de John R. Swanton ne se rappelaient les noms que de treize d'entre elles. John Work, qui a dressé une évaluation de la population entre 1836 et 1841, le nomme Clickass, d'après la rivière qui coule à proximité, et fait état de 417 habitants. Toutes les familles appartenaient à la moitié du Corbeau.
Le fils de Charles Edenshaw, Henry, dont la maison témoignait d'une véritable opulence d'après les critères haïdas, était un habitant bien en vue de Klinkwan. L'intérieur de sa maison était le seul de toute la côte nord-ouest pouvant rivaliser avec le magnifique intérieur de la Maison-de-la-baleine des Tlingits à Klinkwan, mais malheureusement, aucun élément intérieur de la maison d'Edenshaw ne nous est parvenu : seule une photo témoigne de sa splendeur.
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La maison de Henry Edenshaw à Klinkwan pouvait rivaliser avec celle du chef Wiah de Masset pour ce qui était de la richesse des sculptures ornant ses poteaux de façade. L'intérieur était tout aussi remarquable.
Photo : Alaska-Yukon-Pacific Expedition, vers 1888-1889.
MCC 72-9544 |
Les trois mâts extérieurs sont ornés de la Libellule, emblème de la famille Edenshaw : le mât du centre était de loin le plus élevé du village, et les deux poteaux d'angle de la façade ont été sculptés avec recherche. Le grand mât central comporte un Castor à la base, avec un petit Castor entre les pattes et des grenouilles lui sortant des oreilles. Au-dessus, un Ours a un insecte dans la bouche. À côté, on voit un tcamaos (un écueil surnaturel qui dévorait les pirogues), une Grue au long bec, et neuf anneaux de potlatch. Le Corbeau trône au sommet.
Le poteau d'angle de gauche illustre l'histoire de la Mère Ourse, à l'origine un mythe tsimshian où une cueilleuse de baies glisse sur les excréments d'une ourse grizzli et la maudit. Celle-ci est enlevée par des ours et devient l'épouse du Chef des Ours; leurs deux rejetons peuvent apparaître sous la forme d'enfants humains ou d'oursons. Elle et ses petits sont sauvés par ses frères, qui tuent le mari. À la base du poteau, on voit un Ours en train de manger un homme, un autre Ours avec un insecte dans la bouche, et un Épervier.
À la base du poteau d'angle de droite, un Ours tient un insecte (allusion à l'histoire de la Mère Ourse), un autre Ours serre entre ses pattes la cueilleuse de baies du récit de la Mère Ourse, et un humain porte le bébé Corbeau dans une lune. La représentation de la longue chevelure et des seins de la cueilleuse de baies est exceptionnellement naturaliste pour une oeuvre haïda.
Les poteaux intérieurs montrent le même insecte que les poteaux extérieurs, entre les bras d'un Ours aux mains humaines. Ces figures sont assises entre les oreilles de l'Oiseau-Tonnerre, dont le bec jadis proéminent est disparu, ne laissant qu'une mortaise. La petite porte en forme d'arche à travers la poitrine de l'Oiseau-Tonnerre n'est que symbolique et mène à un compartiment à l'arrière de la maison. Les planches qui formaient la cloison de ce compartiment sont disparues, mais elles devaient être très ornées.
Les parois de la fosse étaient aussi sculptées et peintes avec soin. En fait, il y avait deux ensembles de parois, chacun supportant deux marches descendant vers la fosse du foyer. Les parois des terrasses étaient faites d'énormes planches taillées d'environ dix centimètres d'épaisseur et un mètre de largeur. Le rang du haut était constitué de coffres sculptés et peints alternant avec des boucliers de cuivre décorés avec recherche. Il y avait six cuivres et cinq boîtes de rangement de chaque côté, soit en tout vingt-quatre cuivres et vingt boîtes sculptées et peintes. La terrasse inférieure était bornée par deux cuivres (en position diagonale) et trois coffres, soit en tout huit cuivres et douze coffres. Soixante-quatre symboles de grande richesse entouraient donc la fosse de la maison.
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Sur ce casque à emblème de Chabot, les neuf anneaux finement tressés indiquent le nombre de festins donnés par son propriétaire.
Recueilli avant 1901 dans le village de Klinkwan, en Alaska, par George T. Emmons pour la collection de lord Bossom.
MCC VII-B-1437 (S92-4303) |
Le dernier potlatch tenu à Klinkwan en 1901, avant que les Haïdas ne quittent le village pour aller s'installer à Hydaburg, a fait l'objet d'une photo célèbre. Tous les participants sont revêtus de leurs trésors -- couvertures chilkats, capes en cuir peintes, robes de cérémonie en peau d'ours et couvertures de troc ornées d'emblèmes aux contours faits de coquilles de dentale. Ils portent des ornements frontaux et des chapeaux de chaman pointus ainsi que des casques à emblème en bois sculpté. Des masques, des colliers de société secrète en écorce de cèdre, des hochets en forme de Corbeau et des tambours complètent le tableau immortalisé dans le nitrate d'argent. Ce potlatch a marqué une mutation du paradigme culturel, les fiers chefs de lignage, chacun ayant ses propres liens avec le surnaturel, devenant des salariés colonisés et vendant leurs trésors. Ronald Weber, un anthropologue du Field Museum de Chicago (qui possède maintenant beaucoup de ces objets cérémoniels), a identifié la plupart des personnes et des objets de la photo.
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En 1901, un potlatch a été organisé pour marquer le déménagement des habitants du village de Klinkwan à Hydaburg, en Alaska, ainsi que l'abandon de tous les objets cérémoniels. Parmi les participants figuraient (de gauche à droite) Robert Edenshaw (avec un tambour), Matthew Collison (à genoux, personnifiant le Grizzli-de-la-mer), un homme anonyme portant une couverture chilkat, Eddie Scott, Eddie Cojo, Donald Mikatla, Antkleg (Mike George), Ben Duncan et Nasank (le fils d'Adam Spoon).
Photo : Winter et Pond, 1901.
MCC J2822 |
La maison qui formait la toile de fond de ce potlatch portait le nom de Maison-debout. Le bâtiment appartenait au chef du village, dont le nom signifiait «on ne peut l'acheter», car il avait autrefois été propriétaire d'un cuivre qu'un chef rival avait été incapable d'acheter. C'était un cadre approprié pour cette dernière cérémonie.
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Ce mât commémoratif du village de Klinkwan, en Alaska, illustre le mythe de Qingi et de l'inondation. Lorsque survint la Grande Inondation, les habitants du village durent grimper sur le chapeau du chef pour ne pas être noyés. Ce mât a été exposé à la Century of Progress World's Fair de Londres, en 1951. Il est ici photographié dans la rotonde de l'ancien Musée canadien des civilisations, à Ottawa.
Acquis avant 1901 par George T. Emmons pour la collection de lord Bossom.
MCC VII-B-1557 (S80-254) |
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