La majorité des militaires canadiens envoyés outre-mer étaient des soldats civils, pour la plupart volontaires.
L’armée canadienne, des troupes britanniques?
Dans les toutes premières années de la guerre, la plupart des soldats canadiens n’étaient pas nés au Canada. Le premier contingent envoyé outre-mer à la fin de 1914 était constitué à 70 pour cent de soldats originaires du Royaume-Uni. Cet état de choses était dû à l’arrivée d’immigrants en provenance des îles Britanniques avant la guerre ainsi qu’aux liens patriotiques existant entre les nouveaux arrivants et leur mère-patrie, mais c’était néanmoins un pourcentage élevé. Dans le premier contingent australien, par exemple, 73 pour cent des soldats étaient nés en Australie. À la fin de la guerre, malgré le service obligatoire imposé par la Loi du Service Militaire, seulement 51 pour cent des soldats du Corps expéditionnaire canadien (CEC) étaient nés au Canada, comparativement à 84 pour cent pour l’Australie.
Une armée constituée de soldats de toutes les régions du pays
Les soldats qui formaient le Corps expéditionnaire canadien étaient originaires de toutes les régions du pays. Davantage de Canadiens habitaient dans les régions rurales que dans les villes, mais il n’est pas certain que cet écart se reflétait dans le CEC. La plupart des unités étaient en fait recrutées dans les centres urbains, où les efforts de recrutement étaient surtout centrés, et les ventilations statistiques par province n’indiquent que le lieu d’enrôlement et non le lieu de naissance. Si une recrue des Maritimes s’enrôlait à Winnipeg, elle était inscrite comme venant de l’Ouest. Malgré tout, il est clair que l’Ontario et l’Ouest fournirent le plus grand nombre de soldats alors que les Québécois et les habitants des Maritimes s’enrôlèrent proportionnellement en moins grand nombre. Cela peut être dû à plusieurs facteurs :
- la proportion plus élevée d’immigrants récents originaires de Grande-Bretagne dans l’Ouest, surtout comparativement aux Maritimes;
- le lien étroit existant entre de nombreuses parties de l’Ontario et la Grande-Bretagne;
- des liens culturels et linguistiques moins officiels entre le Québec et la Grande-Bretagne;
- la difficulté pour des francophones de servir dans une armée anglophone;
- le faible appui à la guerre des élites sociales et politiques québécoises, sauf à Montréal.
Sur près de 620 000 Canadiens qui s’enrôlèrent volontairement ou furent conscrits, environ 424 000 servirent outre-mer dans le Corps expéditionnaire canadien.
Histoire sociale du soldat
La plupart des soldats canadiens avaient entre 18 et 45 ans, comme l’exigeait la loi, mais des milliers d’autres étaient plus jeunes ou plus âgés, ayant menti sur leur date de naissance pour s’enrôler. Le membre le plus âgé du CEC avait 80 ans et le plus jeune dix ans. La moyenne d’âge du soldat canadien était de 26 ans.
Quatre-vingt pour cent des soldats du CEC étaient célibataires. La plupart des recrues savaient lire et écrire, mais n’avaient pas, en moyenne, dépassé la sixième année, ce qui était habituel dans la société canadienne de l’époque. Ils emmenaient avec eux outre-mer une solide culture de musique et de chant qui leur venait de leurs coutumes sociales, de leur éducation et de la religion. Le CEC était une armée composée de croyants et la plupart des soldats lors de leur enrôlement indiquaient leur religion sur leur feuille d’engagement.
- Anglicans : 31,9 pour cent
- Catholiques : 22,9 pour cent
- Presbytériens : 21,1 pour cent
- Méthodistes : 13,6 pour cent
La réputation des Canadiens
Le romantisme patriotique, étayé par la propagande officielle, avait forgé aux Canadiens la réputation d’une armée de bûcherons redoutables, de voyageurs ou de cow-boys, mais la plupart avant la guerre étaient des ouvriers, des cols blancs ou des agriculteurs. Néanmoins, les Canadiens s’enorgueillissaient de leurs différences avec les troupes britanniques, même – ou peut-être particulièrement – de leur tendance avérée à l’indiscipline. Les soldats du premier contingent, surtout, étaient réputés repousser les frontières du comportement militaire convenable, appelant les officiers par leur prénom ou refusant de saluer. En 1917, les commandants supérieurs, y compris sir Douglas Haig, reconnurent que les Canadiens étaient une force militaire efficace, mais leur réputation soigneusement cultivée d’agités, de bagarreurs et de soldats indifférents à l’étiquette militaire les suivit pendant toute la guerre.
Les Canadiens ne prisaient guère d’être pris pour d’autres impériaux. Ils appréciaient se faire appeler « Canada », « Canuck » ou tout simplement « Tommy » par les troupes alliées ou les civils, et ils amenèrent avec eux outre-mer beaucoup des chansons, des expressions et des comportements qui leur tenaient à cœur au Canada. Alors que les Canadiens portaient des uniformes et étaient équipés d’armes semblables à ceux des Britanniques, ils portaient des insignes de calot distinctifs indiquant leur unité ainsi qu’un galon sur l’épaule sur lequel étrait inscrit « CANADA ».