L’objecteur de conscience refuse d’effectuer son service militaire ou d’aller à la guerre parce que, ce faisant, il irait à l’encontre de croyances personnelles profondes. Il peut s’agir d’une conviction ou d’une expérience religieuse, ou de considérations morales et éthiques. Le Canada reconnaissait le statut d’objecteur de conscience depuis la fin du XVIIIe siècle, mais les gens qui s’en prévalaient pendant la Première Guerre mondiale avaient parfois de la difficulté à convaincre les tribunaux militaires que leurs motifs d’exemption étaient sincères.
Définition des exemptions
La Loi du Service Militaire (LSM) qui introduisit le service obligatoire au Canada en 1917 n’était pas très claire sur le sujet des objecteurs de conscience. On semblait y exempter plusieurs confessions religieuses du service au combat pour des motifs de conscience, mais on n’énumérait pas les noms des diverses églises et on ne précisait pas si les objecteurs pour motif religieux pouvaient être appelés pour effectuer un service qui ne soit pas lié au combat. Compte tenu de l’incertitude, beaucoup de pacifistes religieux trouvaient plus facile de demander à être exemptés à titre d’agriculteurs que comme pacifistes, parce que les cultivateurs n’avaient à effectuer aucune forme de service militaire.
Appels d’églises et de groupes pacifistes
Les églises pacifistes historiques demandèrent à Ottawa de préciser les règles. En juillet 1918, le juge du tribunal central d’appel décida que les mennonites, les adventistes du septième jour, la Société des amis (Quakers) et plusieurs autres groupes étaient des sectes pacifistes admissibles aux exemptions. Mais le Parlement avait déjà mis un terme à toutes les exemptions générales au service militaire obligatoire. Environ 93 pour cent de ceux qui avaient été appelés à s’inscrire en vertu de la Loi du Service Militaire avaient demandé des exemptions de diverses natures, et Ottawa, répondant à d’intenses pressions de la part du public, n’était pas dans l’état d’esprit de conserver les exemptions générales. Les pacifistes religieux pouvaient toujours revendiquer une exemption avec des chances raisonnables de l’obtenir, mais leur statut juridique en vertu de la LSM demeura flou jusqu’à la fin de la guerre.
Le processus d’exemption
Les personnes qui se prévalaient de l’exemption du service militaire et les objecteurs de conscience étaient tenues de faire confirmer leur statut par des tribunaux officiels. Souvent constitués de patriotes locaux, les tribunaux faisaient montre de beaucoup de latitude dans l’examen et la détermination des cas. Le succès du demandeur dépendait de sa capacité à démontrer qu’il était membre d’une confession pacifiste jugée admissible en vertu de la LSM, possibilité rendue plus difficile dans la confusion de 1918 après le retrait de toutes les exemptions générales. Les membres des tribunaux ignoraient souvent la nature du pacifisme religieux, et beaucoup rejetaient les demandes d’exemption de ceux qu’ils appelaient des « tire-au-flanc ».
Les membres d’églises établies ne pouvaient présenter de demandes de statut d’objecteur de conscience, même si certains l’ont tenté, et les tribunaux étaient particulièrement défavorables aux demandes d’exemption uniquement pour des motifs de conscience. Les demandeurs du statut d’objecteur de conscience qui voyaient leur demande rejetée et qui refusaient de servir faisaient face à la justice militaire et à d’éventuelles peines de prison. En janvier 1919, plus de 100 d’entre eux demeuraient sous les verrous.
La plupart des exemptions pour motif religieux furent accordées en Ontario et dans l’Ouest canadien, qui avaient connu une immigration importante de mennonites, de Quakers et de membres d’autres églises pacifistes. Il n’existe pas de chiffres exacts sur le nombre de personnes ayant obtenu le statut d’objecteur de conscience, mais ce nombre ne devait pas dépasser quelques milliers.