Le rapatriement des militaires canadiens au pays depuis l’Europe fut le plus important déplacement de personnes de l’histoire du Canada jusque-là. Des officiers et des planificateurs civils collaborèrent avec des organismes d’aide pour accélérer le processus, mais, pour les soldats outre-mer, l’attente était longue, frustrante et incompréhensible.
L’attente du retour au Canada
Les soldats qui attendaient leur rapatriement luttaient contre l’ennui. Pour maintenir le moral, les militaires offraient des programmes d’entraînement physique, des sports organisés et un vaste éventail d’activités récréatives. Ils agrandirent également l’université Khaki, créée en 1917, pour offrir aux soldats désoeuvrés des cours des niveaux primaire à universitaire. Environ 50 000 Canadiens participèrent à ce programme d’enseignement pionnier qui préparait les anciens combattants à la vie après la guerre et occupait leur temps libre, pendant qu’ils attendaient que les navires et leurs couchettes les ramènent au pays. En août 1919, la plupart étaient revenus.
L’organisation du voyage de retour
Le rapatriement de 267 813 soldats et d’environ 54 000 personnes à charge constitua un énorme défi logistique. On avait prévu des navires pour la traversée de l’Atlantique d’un maximum de 50 000 soldats par mois, mais certains des premiers bateaux disponibles étaient loin d’être appropriés et leur arrivée au Canada provoqua un petit scandale. L’exigence de meilleurs navires qui s’ensuivit entraîna des retards et des annulations outre-mer, les autorités étant à la recherche de navires convenant mieux à la tâche. Un hiver exceptionnellement mauvais et une vague de grèves des dockers, des agents de police et des cheminots en Grande-Bretagne sapa le moral des soldats toujours dans l’attente.
Une autre difficulté fut l’incapacité des ports et des chemins de fer canadiens de faire face à l’afflux des soldats. Les chemins de fer ne purent promettre au départ que 25 000 places par mois, exactement la moitié du nombre de soldats et de personnes à charge dont on attendait l’arrivée. Saint John et Halifax étaient les seuls grands ports canadiens exempts de glace, et le dernier était encore en pleine reconstruction après une explosion massive qui avait détruit l’année précédente la plupart des installations portuaires.
Le plus grand défi politique consistait à concevoir un système de sélection équilibré pour rentrer au pays qui récompense la durée du service mais maintienne le moral des unités et l’efficacité militaire. Ottawa envisagea d’abord de faire revenir en premier ceux qui étaient partis en premier, privilégiant ceux qui avaient restés le plus longtemps en Europe, mais le commandant du Corps, sir Arthur Currie, se battit pour qu’on fasse revenir les Canadiens en unités. Selon Currie, cela serait plus efficace et maintiendrait mieux la discipline au cours de la période de transition. Cette méthode contribuerait également à faire en sorte que les unités débarquant au Canada soient accueillies convenablement par leurs communautés, ce qui ne serait pas possible si les soldats retournaient seuls ou en petits groupes en vertu du système proposé par le gouvernement.
Émeutes lors de la démobilisation
Ce fut Currie qui l’emporta finalement relativement au système de rapatriement, mais pas avant qu’un bon nombre de soldats des camps d’entraînement – et qui n’avaient donc pas été sur le front – ne soient rentrés. L’ennui, l’absence d’information, les rumeurs et la frustration croissante face à la pénurie de navires contribuèrent à faire naître confusion et colère chez ceux qui étaient laissés derrière. En 1918 et 1919, il y eut 13 cas de troubles dans les camps de démobilisation. Lors des plus graves, à Kinmel Park, les 4 et 5 mars 1919, on dénombra cinq morts et 23 blessés. Des arrestations et des condamnations eurent lieu, mais les troubles convainquirent les autorités britanniques d’accélérer le retour des Canadiens. À la fin de l’été, presque toutes les forces canadiennes en Angleterre étaient rentrées au pays. En dépit de ces problèmes, le processus de démobilisation fut rapide et relativement facile.