Le chandail de hockey qu'a porté le légendaire Maurice « Le Rocket » Richard des Canadiens de Montréal rappelle l'époque où le hockey professionnel a commencé à produire des héros nationaux – une époque où l'on rêvait d'acheter un brin de cette magie dans les pages du catalogue. Il est même possible d'avancer que c'est en grande partie la puissance commerciale des catalogues qui a permis au hockey d'atteindre une telle importance dans la psyché canadienne. |
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Depuis la création de la Ligue nationale de hockey en 1917, l'un des grands défis était de maintenir l'intérêt du public pour le jeu et pour une équipe particulière en l'absence d'une l'équipe locale. La diffusion en direct des parties à la radio a beaucoup aidé, comme les articles sur les parties et les joueurs individuels dans des journaux et magazines. Toutefois, la création d'un système de vedettariat a été le moyen le plus puissant de vendre le hockey. À compter de 1930, des noms comme King Clancy des Sénateurs d'Ottawa (et éventuellement de Toronto), de Syl Apps des Maple Leafs de Toronto et, plus tard, de Maurice Richard des Canadiens de Montréal sont largement publicisés. Tous les enfants qui jouent au hockey sur la glace et dans la rue rêvent de ressembler à leurs idoles. |
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Les chandails des équipes de la Ligue nationale ne tardent donc pas à apparaître dans les catalogues. Dupuis Frères offre des chandails des Canadiens et des Maroons de Montréal dès le début des années 1920 et, vers 1935, Eaton vend par catalogue des numéros qui peuvent servir à personnaliser tous les chandails de hockey qu'il vend. Simpson vend des chandails de hockey de presque toutes les équipes. En 1941, Eaton peut soutenir que « tous les garçons au Canada rêvent à leurs idoles de la Ligue nationale de hockey et désirent posséder un chandail aux couleurs de leur équipe ou de leur joueur favori ». La relation entre le hockey et le catalogue est mutuellement profitable. Tout en aidant à accroître les profits de la vente par catalogue, la vente de chandails de hockey aide aussi à mousser le hockey auprès du public canadien. Bientôt les joueurs sont recrutés pour faire la promotion des articles de catalogue, des bâtons aux patins. Dans l'histoire canadienne, il s'agit des premières promotions personnalisées dans le monde du sport et si les entreprises de vente par catalogue abandonnent peu à peu cette stratégie commerciale après les années 1950, c'est une pratique que les manufacturiers ont repris de nos jours, avec toujours autant de succès. |
Comme le rappelle le romancier Roch Carrier en évoquant ses souvenirs de l'hiver 1946 dans Le chandail de hockey, l'une de ses nouvelles les plus connues : « Tous, nous portions le même costume que lui [...] Tous, nous peignions nos cheveux à la manière de Maurice Richard. [...] Nous lacions nos patins à la manière de Maurice Richard. Nous mettions le ruban gommé sur nos bâtons à la manière de Maurice Richard. Nous découpions dans les journaux toutes ses photographies. [...] Sur la glace [...] Nous étions cinq Maurice Richard contre cinq autres Maurice Richard [...] nous étions dix joueurs qui portions, avec le même brûlant enthousiasme, l'uniforme des Canadiens de Montréal. Tous nous arborions au dos le très célèbre numéro 9. » Il est évident que les étoiles de hockey comme Le Rocket ont mérité leur célébrité par leurs exploits sur la glace. Toutefois, il est tout aussi évident que, sans l'influence de ce marketing initial par les catalogues, le hockey ne serait peut-être jamais devenu un symbole canadien. |