Problèmes en suspens
26. Lorsque l'UNCLOS a été adoptée et prête
pour être signée et ratifiée, en 1982, la
communauté internationale l'a accueillie comme un monumental
nouveau code de régie des relations internationales relativement
à tout ce qui touche les océans. Deux grands
problèmes, cependant, restaient en suspens; on reconnaissait
à l'époque qu'ils n'avaient pas été
adéquatement réglés par la Convention et qu'ils
nécessiteraient très probablement de nouvelles
négociations prolongées, dans un cadre approprié.
27. Le premier de ces problèmes était celui de l'exploration
et de l'exploitation des ressources naturelles des grands fonds marins.
Le régime global prévu par l'UNCLOS à cette fin
satisfaisait de nombreux États, mais il était jugé
inacceptable par la plupart des pays développés, dont les
États-Unis et plusieurs pays de l'Europe occidentale. Ce sont eux
qui disposaient des plus grandes ressources financières et
techniques pour s'engager dans l'exploration et l'exploitation des grands
fonds marins dans un avenir prévisible. Ces États, avec
à leur tête les États-Unis, ont vivement insisté
pour que le régime visant le fond marin prévu dans l'UNCLOS
n'englobe aucune clause prévoyant la protection et l'indemnisation
des entreprises privées capables d'explorer et d'exploiter les
ressources. De plus, soutenaient-ils, l'exploitation de ces ressources
ne pourrait se réaliser dans une mesure importante si les pays
développés étaient liés par la Convention
telle qu'elle existait alors. Les négociations sur le sujet se
poursuivraient donc, bien que ce ne soit pas dans un climat de crise
puisque l'exploitation des fonds marins n'était pas jugée
économiquement réalisable avant de nombreuses années.
28. Ce climat d'absence de crise ne n'appliquait pas à l'autre
important problème qui reste encore à régler au
sujet de la pêche en haute mer des stocks provenant de
l'intérieur d'une ZEE. Comme on l'a dit plus tôt dans le
présent document, bien que la ZEE couvre adéquatement de
nombreux stocks halieutiques côtiers du monde, elle laisse
d'importants stocks exposés aux règles d'accès
libre qui régissent la pêche en haute mer. Les stocks en
question chevauchaient la ZEE ou étaient des espèces de
poissons grands migrateurs qui sortaient des limites de la ZEE. Ce
problème dont surtout le Canada et l'Argentine se souciaient
pendant les années 1970 préoccupe maintenant un plus
grand nombre, bien qu'encore faible, d'États côtiers, dont
le Canada, l'Argentine, le Chili, la Norvège et la
Nouvelle-Zélande.
29. Même si la vulnérabilité à la pêche en
haute mer des poissons chevauchant la zone de 200 milles et des grands
migrateurs était reconnue dans une certaine mesure pendant les
négociations de l'UNCLOS, l'ampleur de cette
vulnérabilité n'a pas été cernée
avant une certaine période d'application de la ZEE, pendant
laquelle les flottes de bateaux de pêche des États
côtiers avaient progressivement remplacé les flottes
d'autres États au sein des ZEE établies. Avant la ZEE,
la plupart des activités de pêche d'espèces
côtières avaient été concentrées
dans des secteurs situés bien en deçà des 200
milles marins, où les poissons se trouvaient en grand nombre,
et qui étaient adjacents à des installations, comme des
ports pour les réparations et l'approvisionnement, des installations
de repos pour les équipages et des refuges contre les orages.
Lorsque les flottes provenant de contrées lointaines ont, pendant
plusieurs années, été exclues de leurs lieux de
pêche à l'intérieur de la zone de 200 milles marins,
elles ont cherché de nouveaux fonds de pêche. Elles ont
découvert qu'elles pouvaient faire des récoltes tout
à fait satisfaisantes en dehors de la zone de 200 milles marins
avec les prises de poissons chevauchant la zone et de grands migrateurs
qu'elles attrapaient auparavant à l'intérieur de la zone de
200 milles. Ceci conjugué aux prises croissantes des mêmes
espèces par les États côtiers à
l'intérieur de leur ZEE, a constitué des niveaux de prises
qui, dans les années qui ont suivi, ont conduit à la
pêche excessive des principales espèces, à
l'amenuisement encore plus grand des stocks, à la multiplication
des conflits internationaux et à l'augmentation des efforts
internationaux en vue de trouver des solutions à ces
problèmes.
30. Le problème du Canada, relativement aux stocks qui chevauchent
la zone de 200 milles, s'est exacerbé au cours des années
1980 et 1990. Les prises de flottes étrangères dans les eaux
adjacentes à la ZEE de la côte est du Canada ont
affiché une telle croissance que, pendant les années 1990,
une entente internationale a été conclue entre la plupart
des pays qui pêchaient dans ces eaux adjacentes, mettant sous
moratoire tous les stocks faisant traditionnellement l'objet des
pêches. Un conflit est survenu entre le Canada et l'Union
européenne au milieu des années 1990 au sujet d'une
espèce en particulier, à tel point qu'un navire d'un
pays membre de l'Union européenne a été
arrêté par les autorités canadiennes en haute mer.
Le problème général des stocks d'espèces
chevauchant la zone et de poissons grands migrateurs était si
généralisé que la communauté internationale,
en réaction à l'initiative canadienne, a appuyé la
tenue d'une nouvelle Conférence des Nations Unies dans le but de
résoudre le problème. Le résultat en a
été une nouvelle Convention des Nations Unies sur les
stocks de poissons chevauchant la ZEE et les stocks de grands migrateurs,
adoptée en 1995(21),
et qui attend actuellement les 30 signatures requises pour son
entrée en vigueur.
31. Des problèmes de pêche d'une nature quelque peu
différente ont persisté à la suite de l'adoption
de l'UNCLOS ou encore se sont aggravés dans des situations plus
limitées. En vertu des dispositions de l'UNCLOS, le saumon
était protégé contre la pêche en haute mer,
mais pas contre les pressions concurrentielles des pêcheurs de
divers États côtiers que rencontraient les saumons au
moment de la migration vers leurs lieux de frai dans leur rivière
d'origine. Bien qu'elle ait été largement accueillie avec
optimisme, après les premières années pendant
lesquelles les États côtiers ont défini les mesures
de contrôle sur les pêches et leurs eaux, la ZEE, même
sans tenir compte du problème des stocks de poissons chevauchant
la zone et de grands migrateurs, n'a pas su répondre aux attentes
qu'elle avait suscitées(22).
Dans certains cas, les pressions exercées par les flottes
étrangères pour maximiser leurs prises ont été
remplacées par les pressions des flottes des États
côtiers pour maximiser les leurs, faisant échec aux
efforts des gestionnaires pour en assurer la conservation. Dans
d'autres cas, les États côtiers affrontaient un
éventail d'autres problèmes. On peut raisonnablement
présumer qu'il s'agissait de problèmes de mise en
uvre plutôt que de problèmes inhérents
au régime légal de la ZEE, qui propose une structure
selon laquelle tout gestionnaire des pêches d'un État
côtier peut, avec l'autorité politique, la volonté
et l'énergie voulues, créer les avantages que les
créateurs de la ZEE avaient prévus.
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