À un degré peut-être plus élevé que
dans toute autre région du Canada, les changements affectant
les styles de pointes de projectile ont servi à la reconstitution
des développements culturels dans le nord des Plaines.
Étant donné la nature de la majorité des vestiges
de l'industrie de la pierre taillée, cet accent mis sur une
catégorie d'outils est compréhensible. Néanmoins,
dans plusieurs cas, la dépendance à l'égard des
types de pointes de projectile pour reconstituer l'histoire culturelle
a engendré des problèmes. Même les complexes
archéologiques importants reposent essentiellement sur les
caractéristiques des types de pointes. Les 3 000 ans que
comprend la Période III sont dominés par trois complexes
successifs. Le plus ancien s'appelle Oxbow et a été
reconnu pour la première fois au site Oxbow Dam dans le sud-est
de la Saskatchewan. Il est admis que le complexe Oxbow est issu
d'occupations indigènes plus anciennes caractérisées
par des pointes à encoches latérales nommées Mummy
Cave, Bitteroot, Salmon River, etc.
(Walker 1992 : 132-142). Le
second complexe est généralement connu sous le nom de
McKean ou McKean/Duncan/Hanna ou une combinaison de ces trois styles de
pointes différents mais graduels et successifs. Le complexe de
McKean a été considéré comme une culture
intrusive dans les prairies canadiennes dont les origines ultimes se
trouvent dans le Great Basin du Nevada, en Utah et dans les
États voisins. Dans cet ouvrage, contrairement à
l'opinion énoncée précédemment, on
privilégie l'hypothèse qu'il y a eu un
développement unique et continue depuis Oxbow jusqu'à
McKean. Le troisième complexe et le plus récent
s'appelle Pelican Lake qui, croit-on, émane du complexe McKean.
Ces trois complexes sont tous compris dans la rubrique de la phase
moyenne de la culture des Plaines qu'on appellera dorénavant
de façon plus succincte et aussi significative "le Planussien
moyen". Si une démonstration éventuelle conclut que les
liens existant entre les complexes Oxbow et McKean aboutissent à
autre chose qu'un seul développement culturel in situ, une
désignation culturelle distincte s'imposera.
Chaque complexe comprend environ 1 000 ans de la Période
III (Oxbow - 4 000 à 3 000 avant J.-C., McKean -
3 000 à 2 000 avant J.-C., et Pelican Lake -
2 000 à 1 000 avant J.-C.) mais le complexe Pelican Lake
se prolonge dans la Période IV (1 000 avant J.-C. à 500
après J.-C.). Étant donné le fait que plusieurs dates
du complexe de Pelican Lake tombent dans la Période IV ou
chevauchent la limite de Période III/Période IV, on
considérera ce complexe principalement avec le Planussien
récent de la Période IV. L'étalement des dates
précédentes représente une vue simplifiée
du témoignage du radiocarbone; le chevauchement important des
dates suit une progression linéaire depuis Oxbow jusqu'à
McKean et Pelican Lake tel que révélé par la
stratigraphie. De ce point de vue, la chronologie par le radiocarbone
et la chronologie par la stratigraphie sont jusqu'à un certain
point déphasées. Comme chacun des complexes de la
Période III comprend un laps de temps approximativement
équivalent, le nom des complexes désigne de façon
utile les segments ancien, moyen et récent du Planussien moyen.
On a accordé beaucoup d'importance au fait que les complexes Oxbow
et McKean sont généralement postérieurs à
l'Altithermal. Un système classificatoire du paléoclimat
(Bryson et al. 1970)
suggère que la période chaude et sèche de
l'Altithermal, qui prend fin vers 3 500 avant J.-C., a permis une
extension maximale des prairies. Durant la période plus
fraîche et plus humide peu de temps après 2 000 avant
J.-C., les forêts envahirent les prairies et les forêts-parcs
sur une distance de 50 km à 100 km alors que le climat
moderne s'est stabilisé vers 500 avant J.-C. Ce fut après
2 000 avant J.-C. que le témoignage important de l'abattage
communal des troupeaux de bisons devient apparent. Ce
développement a correspondu, croit-on, à un accroissement
des populations (Dyck and Morlan :
Sous presse). Cependant,
outre le bison, les Planussiens moyens étaient capables
d'exploiter les ressources des zones environnementales de la forêt
boréale et de la montagne/piémont. Les régions de
Kootenay et de Peace River de la Colombie-Britannique semblent toutes
les deux occupées par le complexe Oxbow des Planussiens moyens,
principalement dans le nord
(Fladmark 1981 : 131-135)
et par les complexes Oxbow et McKean dans le sud
(Choquette 1972;
1973). Toute suggestion
impliquant que le Planussien moyen ait eu une économie
spécialisée qui reposait uniquement sur le bison
sous-estime les capacités culturelles de l'adaptation même
si la région des prairies/forêts-parcs constitue le
berceau du Planussien moyen.
L'outillage en pierre du Planussien moyen est dominé par des
pointes de projectile, des grattoirs, des grattoirs occasionnels et
des couteaux bifaciaux. Curieusement la seule pipe tubulaire en
pierre du niveau du complexe McKean au site Cactus Flower en Alberta
est datée à 2 700 avant J.-C. Si cet objet a
réellement servi de pipe à fumer, elle constitue le
témoignage le plus ancien de l'habitude de fumer au Canada.
Un trait caractéristique du Planussien moyen a été
l'usage de la pierre locale pour le façonnage d'outils
quoiqu'on trouve une quantité limitée de pierres
exotiques, notamment la calcédoine de Knife River du Dakota
du Nord et l'obsidienne du Wyoming. L'industrie osseuse semble
être plutôt rudimentaire. Ce qui aurait été
des éléments dominants dans l'outillage, comme des
objets manufacturés à l'aide de peau et de babiche,
de bois et de fibres de plante, n'a évidemment pas
survécu dans l'enregistrement archéologique.
La probabilité que les trois complexes du Planussien
partageaient tous une sorte de système de croyances
revêt une signification considérable. On en veut
comme preuve l'offrande de pointes de projectile
représentant les styles de pointes des trois complexes
dans la structure cérémonielle de l'alignement
radial Majorville (Majorville Medicine Wheel)
(Calder 1977). Les
différences notables dans la manière de traiter
les défunts chez les gens des complexes Oxbow, McKean
et Pelican Lake peuvent éventuellement s'avérer
être le résultat d'un témoignage
limité et d'une identification imprécise des
occupations constituantes plutôt que d'être des
indices de différences culturelles authentiques.
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