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Histoire des Autochtones du Canada
Tome I (10 000 à 1 000 avant J.-C.)

L'Archaïque inférieur et moyen (Sommaire, Chapitre 4)

Sur la côte orientale des Grands Lacs se trouvent des formations culturelles à peine connues de la Période II dont l'enregistrement est si incomplet qu'il est prématuré de les désigner par des noms culturels spécifiques. Jusqu'en 1983, le tableau chronologique comprenait les formations archéologiques qui, dans l'est de l'Amérique du Nord, se situaient dans l'intervalle de 10 000 et 8 000 A.A. et qui correspondaient à des "traces" de l'Archaïque inférieur suivies des pointes à base bifurquée, "méconnues" elles aussi. Dans la haute vallée de l'Ohio, à la frontière du Niagara dans l'État de New York et dans le sud de l'Ontario, l'intervalle de 6 000 à 2 000 av. J.-C. est vierge sur le tableau (Funk 1983 : Figure 8.1). Nonobstant les limites de l'enregistrement archéologique, il est très important d'essayer de comprendre l'intermède (Mason 1981) qui a existé entre le Paléoindien récent et l'enregistrement plus complet commençant vers 4 000 avant J.-C. Par convention (Fowler 1959), les assemblages archaïques de cette période ont été subdivisés en Archaïque récent (8 000 à 6 000 avant J.-C.) et Archaïque moyen (6 000 à 4 000 avant J.-C.). Chez le Paléoindien récent vers 10 000 A.A., l'outillage devient de plus en plus élaboré et les pointes de lance plus minces et plus soigneusement façonnées. Après cette date, la technologie se diversifie et se manifeste dans plusieurs formations régionales qu'on englobe dans des catégories générales d'Archaïque ou de Planoïen, respectivement dans l'est et dans l'ouest. Dans l'est du Canada, ces développements régionaux émanant du Paléoindien sont désignés par l'Archaïque inférieur de l'est, l'Archaïque inférieur du centre, l'Archaïque inférieur de l'ouest et l'Archaïque inférieur du sud. L'Archaïque moyen est si peu connu au Canada qu'on peut le résumer dans un sommaire.


Carte II - La distribution culturelle
Carte II - La distribution culturelle, 8 000 à 4 000 avant J.-C.
A Maritimien ancien | B Grands-Lacs-Saint-Laurentien ancien | C Bouclérien ancien | D Planussien ancien | E Platélien ancien | F Sud-Ouest de la Côte Ouest | G Nord-Ouest de la Côte Ouest | H Intérieur du Nord-Ouest (phase ancienne) | I Sites dont des vestiges du Planoïen sont mélangés avec ceux de l'Archaïque inférieur

La Carte II vise à servir de guide géographique à la distribution des cultures décrites dans la Période II. Le témoignage archéologique parsemé se reflète clairement dans cette Carte contrairement à la Carte III qui offre une bien meilleure perception de la distribution des cultures de la Période III (4 000 à 1 000 avant J.-C.).

(Adapté de la Planche 6 de Atlas Historique du Canada, Volume I, Des débuts à 1800. R. Cole Harris, editor, et Geoffrey J. Matthews, cartographe/concepteur, University of Toronto Press, 1987. Dessin de M. David W. Laverie.)


Nombreuses sont les raisons qui expliquent la pauvreté de l'enregistrement archéologique. Sauf pour la côte-nord du golfe du Saint-Laurent, où l'élévation du littoral a soulevé les sites bien au-dessus du niveau de la mer, plusieurs des aires potentiellement riches en sites impliquent des terres qui sont maintenant submergées ou se trouvent sous les eaux de l'Atlantique et des Grands Lacs ou dans des sols perturbés ou ensevelis en raison des processus d'érosion et de déposition. Les changements écologiques et les événements culturels ont aussi contribué à compliquer la situation. Les Planoïens débordèrent des Plaines il y a 9 000 ans et se déployèrent vers l'est jusqu'à l'Atlantique en suivant une bande étroite de forêt à lichens et de forêt boréale (McAndrews et al. 1987) et en exploitant apparemment les troupeaux de caribous qui envahissaient les terres récemment libérées des glaciers et exposées suite au retrait des eaux des Grands Lacs. Au sud des Planoïens, dans la région orientale des Grands Lacs, un développement indigène issu des Paléoindiens est appelé l'Archaïque inférieur du centre ou le complexe Hi-Lo. Vers 9 500 A.A., il semble que les Archaïques inférieurs du sud ont véritablement pénétré dans le sud de l'Ontario. Il y a des indices de contact direct entre les Planoïens et les Archaïques inférieurs. La distribution des modes d'établissement laisse d'ailleurs croire que les Archaïques inférieurs du centre étaient contemporains des Planoïens. C'était dans ces régions dont le milieu écologique et culturel était diversifié et complexe que le dispositif du propulseur a été introduit depuis le sud. Le sud de l'Ontario a été au centre de ces événements. Au nord, les chasseurs planoïens maintenaient les pratiques de chasse des Paléoindiens anciens. Au sud, l'expansion vers le nord des forêts à feuilles caduques avec leur nombreuses ressources végétales, notamment les noix et les baies, l'accessibilité à des ressources halieutiques abondantes et un large éventail de gibier, exigeait de nouveaux mécanismes adaptatifs. Par contre, sur le côte-nord du golfe du Saint-Laurent au Québec et au Labrador, une adaptation maritime ancienne a permis le maintien des modes d'établissement et de subsistance pendant des milliers d'années. De tous les Archaïques inférieurs du Canada, les Archaïques inférieurs de l'est sont les plus connus mais l'accroissement de l'information jette graduellement un éclairage révélateur sur les Archaïques inférieurs du sud. Les Archaïques moyens, qui ont vécu durant les deux mille ans compris entre 6 000 à 4 000 avant J.-C., sont encore plus méconnus que les Archaïques inférieurs en raison de la submersion des sites par le niveau accru des eaux et d'un sérieux problème d'identification. Ramassé à la surface des champs labourés, le matériel de l'Archaïque moyen est souvent confondu avec les outils des formations archéologiques plus récentes auxquels il ressemble. Pourtant, c'est bien cette base amorphe qui a contribué au développement des cultures de cette Période vers 4 000 avant J.-C.

Contrairement à leurs ancêtres paléoindiens, les tailleurs de pierre de l'Archaïque inférieur utilisaient davantage la pierre locale. À l'encontre du souci antérieur de se conformer à une chaîne opératoire bien établie impliquant des techniques précises pour la taille de nucléus et de préformes, les Archaïques inférieurs utilisaient une grande variété de nucléus de diverses façons. Ils semblent très peu se préoccuper de soumettre la pierre à différents traitements contrairement aux habitudes des Paléoindiens. Le but principal du tailleur de pierre semble avoir été d'obtenir de simples éclats pour s'en servir comme outils occasionnels quitte à les rejeter quand ils étaient émoussés. La pierre exotique n'est pas complètement mise de côté mais elle est utilisée moins fréquemment et obtenue de sources plus rapprochées que ce n'était le cas pour les Paléoindiens. Des innovations techniques apparaissent notamment des herminettes en pierre polie dans l'Archaïque inférieur de l'est et du sud, et des poids de propulseur tubulaires en pierre dans l'Archaïque inférieur du sud. Certaines pointes en pierre qui armaient leurs armes caractérisent toutes les formations archaïques. Il semble que, vers 10 000 A.A., quelques individus ingénieux vivant dans ce qui est maintenant le sud-est des États-Unis inventèrent une arme nouvelle et supérieure: le propulseur, dispositif qui utilisait le même principe que celui qui est appliqué à la chistera pour le jeu de pelote basque. Dans le cas du propulseur, le dispositif permettait de lancer un javelot avec une force plus grande et avec plus de précision que ce n'était possible avec la main seulement. Cette nouvelle arme se répandit rapidement dans la plus grande partie de l'hémisphère occidental et particulièrement dans l'est de l'Amérique du Nord. Les pointes de lance minces et symétriques des Paléoindiens furent à l'Archaïque inférieur remplacées par des pointes encochées, pédonculées et lancéolées, épaisses et souvent asymétriques. On soupçonne que l'abandon des techniques de fabrication des outils en pierre paléoindiens coïncide étroitement avec l'introduction de cette nouvelle arme et avec l'émergence de nouvelles conditions écologiques.

Il existe peu de données concernant la subsistance. Les modes d'établissement indiquent que les Archaïques inférieurs de l'est exploitaient des ressources marines saisonnières. De même, l'association des sites archaïques inférieurs du centre avec les belvédères et les rives des lacs laissent croire que le caribou était encore un gibier important. Certaines données indiquent que les Archaïques inférieurs du sud avaient accentué leur dépendance à l'égard de la nourriture végétale mais on ne peut percevoir clairement à quel point cette caractéristique s'applique aux sites situés au sud des Grands Lacs par opposition aux sites situés dans le sud de l'Ontario. Comme la forêt de feuillus peuplée de chevreuils, de dindes, et d'autres espèces du sud se répandit vers le Nord aux dépens de la Forêt Boréale et de la végétation de la toundra peuplée de caribous et d'animaux nordiques de différentes espèces, les modes de vie devaient s'y ajuster. La disparition des Planoïens et des Archaïques inférieurs du centre, par exemple, a plus vraisemblablement découlé de leur adaptation, y compris la modification complète de leur outillage de pierre, plutôt que de leur remplacement par des populations méridionales qui auraient empiété sur leur territoire.

On ne connaît rien de la cosmologie ou de la biologie humaine des Archaïques inférieurs et moyens du Canada. Quant aux liens externes, il est évident que ces Archaïques maintenaient des contacts avec des groupes de colons des Archaïques inférieurs du sud. Il existe des témoignages directs de contacts entre les Planoïens et les Archaïques inférieurs de l'Ouest et du sud. La proximité des différents groupes les uns des autres dans la région des Grands Lacs durant cette période aurait rendu les situations de contacts culturels inévitables. Ce voisinage culturel aurait aussi favorisé la diffusion des techniques et des idées comme en témoigne l'expansion du propulseur et potentiellement du filet. On peut seulement supposer que ces sociétés se composaient de familles nucléaires organisées en bandes et que les mariages entre membres de bandes voisines auraient constitué la norme.

Comme l'information relative aux Archaïques inférieurs est limitée, la description de la plupart des cultures sera abrégée en conséquence.

L'Archaïque moyen (Sommaire)

La période de temps qui, entre 6 000 et 4 000 avant J.-C., englobe l'Archaïque moyen est essentiellement inconnu dans de grandes régions de l'est de l'Amérique du nord. Au contraire, dans des régions de la Nouvelle Angleterre (Dincauze 1976) et sur la côte-nord du golfe du Saint-Laurent, les événements qui sont survenus durant cette période sont relativement bien connus. Cependant, à l'intérieur des terres il y a un vide archéologique virtuel. En plus des sites noyés du littoral dans les régions des Grands Lacs et du lac Champlain, les sites de l'intérieur sont extrêmement difficiles à distinguer des sites beaucoup plus récents. Pour ces raisons, si les objets ne proviennent pas de formations archéologiques qu'on peut dater, on ne les reconnaît généralement pas comme anciens.

En Nouvelle Angleterre entre 8 000 et 7 000 A.A., il y a quelques faibles traces d'un horizon côtier de pointes de projectile pédonculées (Dincauze 1976), qu'on retrouve aussi à l'intérieur des bas Grands Lacs et dans la haute vallée du Saint-Laurent (Ellis et al. 1990; Wright 1978). Vers 6 000 A.A., on détecte des indices du début de la transition vers la culture ancienne des Grands-Lacs-Saint-Laurent. En général, cependant, l'enregistrement archéologique est insuffisant pour permettre de distinguer les objets pertinents à l'Archaïque moyen et les outils beaucoup plus récents. Cette opinion a reçu un appui de l'enregistrement du site John's Bridge dans le nord-ouest du Vermont (Thomas and Robinson 1980). Ce site, daté à 8 000 A.A., a livré des pointes à encoches latérales et baso-latérales, des couteaux bifaciaux en pierre taillée dont quelques-uns devaient être emmanchés, une variété de formes de grattoirs, des becs, de gros couteaux ou hachoirs tabulaires, des aiguisoirs, des rognons de graphite, et une mèche de foret. Si ces objets avaient été ramassés dans un champ labouré, la plupart des archéologues auraient vraisemblablement daté cet outillage à moins de 4 000 avant J.-C. Un examen personnel de dépôts archéologiques mélangés de sites situés dans le prolongement du lac Saint-François, haut fleuve Saint-Laurent, a révélé la présence de pointes de projectile virtuellement identiques à celles qu'a livrées le site de John's Bridge, permettant de croire que de tels assemblages peuvent être plus largement distribués mais simplement méconnus pour ce qu'ils sont. Le site de John's Bridge contient aussi des foyers et des fosses. On suppose qu'un éparpillement des déchets lithiques associés à un foyer contenant des os calcinés et à des fosses représente un sol d'occupation (Thomas and Robinson 1980 : 123-125).

En raison des limites de l'enregistrement archéologique pour les deux mille ans avant 4 000 avant J.-C., il est probablement mieux ne pas se frapper la tête contre un mur d'obscurité. Qu'il soit suffisant d'observer que les développements culturels beaucoup mieux connus de la Période III survenus à l'intérieur des terres dans l'est de l'Amérique du Nord doivent néanmoins leur existence à un nombre indéterminé de ces formations amorphes qu'on attribue à "l'Archaïque moyen".


 
Tome ITome II

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