Albert Edward
Edenshaw
John Robson
Charles
Edenshaw
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Albert Edward Edenshaw
Albert Edward Edenshaw a été un pont vivant entre le monde traditionnel des Haïdas, immuable depuis des siècles, et le monde chaotique de l'époque historique. L'histoire de nombreux villages de la côte septentrionale, dont Kiusta, Dadens, Kung, Yatze, Hiellan et Masset, conserve le souvenir de ses hauts faits quand il était chef. Il est devenu une figure légendaire, en partie à cause des nombreuses, quoique brèves, références qu'on a faites à son sujet dans les registres, livres de bord et journaux des capitaines de navire, des marchands et des missionnaires pendant une bonne partie du XIXe siècle. Son apport incontesté est d'avoir pavé la voie à ses successeurs pour affermir les bases de la culture haïda et en assurer la survie.
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Le chef Albert Edward Edenshaw, âgé d'environ quatre-vingts ans, en uniforme de la marine. Après une longue carrière où il s'est adonné à la guerre, à la traite des esclaves, à l'art, à la prospection aurifère et peut-être à la piraterie, il a nommé son neveu Charles Edenshaw comme son successeur et s'est rangé, devenant un fervent adepte de l'Église méthodiste.
Photo : Robert Reford, vers 1890.
© Archives nationales du Canada, C60824 |
Albert Edward Edenshaw, né vers 1810 au sud de la pointe Rose, a hérité le titre de chef Edenshaw vers 1832 à la mort de son oncle, le premier chef Edenshaw de Dadens. À cette époque, Dadens avait été abandonné comme village permanent. Il alla donc s'installer à Kiusta, où il construisit la Maison-de-l'histoire, dont le décor lui était apparu en songe. C'est sans doute alors qu'il devint un éminent constructeur de pirogues, et surtout un excellent artisan du cuivre et de l'acier. Une de ses spécialités était la confection de poignards de guerre en acier richement ornés.
En 1853, Albert Edward s'installa à Kung, où il éleva la Maison-qui-peut-abriter-une-grande-foule. Au sommet du mât de façade trône un Ours portant deux figures, dont un être humain chevauchant une Libellule. Cela représente peut-être la vision qu'il avait eue dans les années 1830 lorsqu'il épousa une Haïda-kaïgani de Klinkwan, et que le chef du village lui demanda de sculpter un mât totémique, ce qui lança sa carrière de sculpteur. Alfred Adams, un chef de Masset, dit ceci à propos de cette commande ancienne :
Pour trouver l'inspiration il buvait des médicaments et jeûnait, et il s'inspirait de diverses histoires et légendes. Son neveu (Henry) m'a dit que son père n'avait jamais fait de sculptures dans sa jeunesse, pas de sculptures publiques. Mais, un jour qu'il était à Howkan (île Prince of Wales), il a été engagé pour sculpter un grand mât totémique [...] Lorsqu'il est arrivé devant le grand arbre, il s'est représenté ce qu'il allait y mettre. C'est comme ça qu'il a commencé, mais il n'avait pas souvent fait de choses de ce genre avant.
Edenshaw et les hommes de son clan chassaient régulièrement la loutre de mer et le phoque à fourrure, ce qui les ramenait chaque année à Dadens. L'unique mât qui s'y élevait a été sculpté par Edenshaw et dressé à la fin du XIXe siècle près de la maison qu'il y avait construite pour sa deuxième femme, Amy. Au sommet, un Ours est juché sur une pile de sept anneaux de potlatch. En dessous se trouve le Corbeau de l'histoire du pêcheur de flétan. La figure suivante, qui revient souvent dans son œuvre, représente la cueilleuse de baies que les Haïdas voient dans les taches sombres de la lune et fait référence à un mythe associé au lignage de sa femme Amy. La petite Grenouille suspendue au disque de la lune est une autre des figures favorites de l'artiste, et on la retrouve sur les mâts qu'il a réalisés à Kung et ailleurs. Vers la base du mât, un Grizzli tient deux oursons, l'un dans sa bouche, l'autre entre ses jambes. Une autre petite figure humaine est accroupie entre les genoux de l'Ours et se tient sur la figure qui est tout en bas du mât, probablement une Baleine.
Les deux figures humaines sont d'une facture remarquable, plus gracieuses et animées que la plupart des représentations humaines haïdas. La figure féminine aux longs cheveux sur le mât de droite de la maison de Klinkwan qui appartenait au second fils d'Albert Edward, Henry, indique qu'il a presque certainement sculpté toute la façade. Le décor sculptural très riche de l'intérieur de la maison est peut- être également son œuvre, puisqu'on y trouve la Libellule, qui en est si caractéristique, sur le poteau d'angle de gauche. La maison a probablement été construite dans les années 1870.
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Ce très grand bouclier de cuivre, de 117 cm de hauteur, a appartenu autrefois à Albert Edward Edenshaw. Ce dernier était un graveur de boucliers de talent qui vendait ses cuivres décorés jusqu'au Fraser, dans le sud. Il a représenté sur ce cuivre son Ourse grizzli emblématique.
Acheté en 1970 à Mary Yaltatse, de Masset.
MCC VII-B-1595 (S92-4312) |
Àprès 1883, Albert Edward est allé s'installer à Masset. Deux mâts commémoratifs, dans le coin nord de sa maison, étaient ornés de trois emblèmes importants. Un Castor figurait tout en haut du premier et un Corbeau en dessous. Sur le second mât étaient représentés une Grenouille debout avec anneaux de potlatch, en haut, et un Castor debout, à la base. On ne sait pas si ces mâts ont été sculptés par Albert Edward ou par Charles Edenshaw, ou par les deux ensemble.
Selon la tradition, Albert Edward aurait choisi Charles Edenshaw, le fils de sa sœur Qwa'Kuna, comme successeur. Lorsque Albert Edward mourut en 1894, Charles ne se contenta pas de revêtir le manteau du chef Edenshaw, mais porta également l'héritage artistique de son célèbre oncle à de nouveaux sommets.
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