À L'Assaut

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Sans une seconde à perdre, vous rampez vers le cratère fumant qui se trouve maintenant où il y avait le poste de mitrailleuse et en dégagez les corps. Vous constatez que la mitraillette fonctionne toujours et en quelques secondes, vous l’avez installée et commencez à tirer sur l’ennemi qui approche.

Le carnage est épouvantable, avec les Allemands morts ou blessés commençant à s’empiler sur les barbelés. L’attaque se poursuit sans merci et il semble que le résultat de la bataille
ne dépend plus maintenant que de votre capacité à maintenir un tir continu.

C’est alors qu’une explosion énorme, dans le No Man’s Land, projette des tonnes de terre et de corps en l’air. La secousse vous fait reculer nous couvre de craie. Vous secouant, vous vous rendez compte que le caporal Meloche a dû trouver le moyen de faire détoner la montagne d’explosifs cachés dans le tunnel.


Vous constatez, en regardant le champ, l’effet dévastateur de l’explosion dans le No Man’s Land. C’est comme si tout ce qui s’y trouvait avait été soulevé, renversé puis remis en place.
La fumée s’estompant sur le champ de bataille, vous voyez les Allemands battre en retraite pêle-mêle vers leurs tranchées. L’explosion a complètement désamorcé l’attaque de l’ennemi et, en peu de temps, tout ce qu’il en reste est un paysage couvert de cadavres et de trous.

La bataille n’est pas sitôt finie qu’un autre bruit, encore plus terrifiant, se fait entendre : les gémissements et les râles d’un nombre incalculable d’hommes, blessés ou mourants, dans les
tranchées et le No Man’s Land.  Vous savez très bien que la plupart ne seront jamais secourus et que, peu après leur mort, le secteur entier empestera de l’odeur des corps en décomposition. Rien que cela suffirait à rendre un homme fou.

Vous titubez, ébêté, vers votre propre abri. Tout autour de vous, des hommes aux membres bandés sont amenés vers l’arrière des lignes pour y être soignés, tandis que les morts sont recouverts de toiles et de couvertures en attendant d’être enterrés, plus tard. Juste au dehors de l’abri, vous croisez deux hommes portant sur une civière le lieutenant Denonville agonisant. D’un regard, vous constatez qu’il a perdu les deux jambes. S’il survit, il sera renvoyé au Canada.  Étrange de penser que pour rentrer chez soi, il faut être soit estropié, soit mort.

Vous entrez dans votre abri sans autre intention que de dormir. Sans même prendre la peine d’enlever vos bottes, vous vous laissez tomber sur votre couche couverte de sable et fermez les yeux.

Quel jour est-ce? Vous vous en moquez. Difficile de croire qu’en ces quelques jours vous avez été bombardé à maintes reprises, que vous avez subi une attaque aux gaz toxiques et qu’on vous a tiré dessus tant de fois. D’après vous, vous avez été près de vous faire tuer au moins une bonne douzaine de fois.

Et pourtant, malgré tout, vous avez survécu. Il ne fait pas de doute que vous avez eu de la chance. Combien de temps durera cette chance? Après tout, ce n’est peut-être qu’une question de quelques jours avant qu’on vous ordonne encore une fois de monter à l’assaut!

FIN

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