À L'Assaut

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Le lendemain est une journée ensoleillée et froide.

Comme toujours, vous suivez la routine quotidienne de la vie dans les tranchées. «Branle-bas de combat» avant le lever du soleil, «descente de garde» une heure plus tard, vous vous  rasez rapidement, prenez le petit déjeuner, subissez l’inspection puis passez la journée entière debout sur les marches de tir, dans l’attente de l’éventuelle attaque des Allemands. Enfin, vers la fin de l’après-midi, la plupart des hommes sont autorisés à retourner à leur abri. Quelques minutes plus tard, le lieutenant Denonville vous trouve; il semble cette fois nerveux et tendu.

– «Les gars,» commence-t-il. «Nous sommes dans une situation grave. Après l’incessant bombardement des Allemands, hier, nous nous attendions à ce qu’ils lancent une attaque à un moment donné aujourd’hui. Le fait qu’ils ne l’aient pas fait est bizarre. Le QG aimerait savoir ce que les Allemands trament. J’ai donc besoin de volontaires pour aller faire ce soir un raid dans les tranchées ennemies et rapporter des renseignements qui pourraient nous être utiles. Il me faut trois hommes.»

Vous avez entendu de nombreuses histoires de raids dans les tranchées, de la bouche d’hommes y ayant participé. Avec le taux de décès anormalement élevé assorti à ces missions, vous ne voulez surtout pas sembler trop enthousiaste pour y aller.

– «Qu’est-ce que ça me donnerait de me porter volontaire?», demandez-vous.

– «Deux semaines de permission, et peut-être même une décoration… si tu rapportes quelque chose d’utile» réplique le lieutenant Denonville.

Une période de repos de deux semaines! Un billet de logement à Arras ou Armentières, avec une gentille famille française, ça voudrait dire de la bonne nourriture et un vrai lit où dormir. L’idée de passer quelque temps loin des tranchées est séduisante. À tel point que votre ami Henri lève la main et s’offre pour la mission. Le sergent O’Malley se porte aussi volontaire et, en vous regardant, dit : «Allez mon gars. Je vais me lancer et je préférerais le faire avec toi.»

Vous vous décidez finalement à y aller.

Quelques heures plus tard, peu après le coucher du soleil, vous êtes tous les trois équipés pour la dangereuse mission; vous recevez couteaux, bâtons, grenades, des munitions  supplémentaires et les très importantes tenailles coupe-fil. Vos poches sont vidées, vos visages noircis au bouchon de liège brûlé. On vous fait part du mot de passe : «Esquimau», afin que vos propres sentinelles soient en mesure de vous reconnaître à votre retour. À 23 heures exactement, le sergent O’Malley vérifie votre attirail une dernière fois, puis vous fait signe de le suivre dans le No Man’s Land.


Rampant sur le ventre, vous avancez tous trois lentement vers les tranchées ennemies. Par chance, le sol est dur, bien qu’inégal. Outre les nombreux trous d’obus, le sol est jonché de fragments de casques tordus et de fusils brisés et, ici et là, les restes méconnaissables de corps humains.

À part quelques coups de feu que vous entendez au loin, la nuit est calme et, à votre grand soulagement, il n’y a aucun signe d’activité dans les tranchées, devant vous. Soudain, alors que vous vous trouvez à mi-chemin dans le No Man’s Land surgit l’arc bien reconnaissable d’une fusée éclairante ennemie, laquelle monte haut dans le ciel puis éclate en une explosion de lumière. Cette lumière vous semble plus vive que celle du soleil lui-même. Les Allemands, c’est sûr, ne peuvent manquer de vous voir, maintenant!