À L'Assaut

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Vous dormez depuis une vingtaine de minutes lorsque le lieutenant Denonville pénètre dans votre abri et vous annonce que votre copain Henri et vous ferez le guet à compter de 20 heures (ou 8 heures du soir).


La sentinelle! Cette fastidieuse et angoissante station dans le froid glacial ou sous la pluie battante pendant des heures interminables, à vous efforcer de voir ou d’entendre quoi que ce soit provenant du No Man’s Land. Où le craquement d’une branche ou le hululement d’une chouette peut aussi bien être la prémisse de l’attaque surprise d’une patrouille allemande ou rien du tout. Le guet peut jouer des tours avec votre imagination et vous mettre sur le qui-vive pendant des semaines. Le guet signifiait cependant, surtout, des heures interminables à
mourir d’ennui. Heureusement, Henri serait là pour vous tenir compagnie pour cette vigile solitaire.

Peu après le coucher du soleil, vous êtes averti qu’un groupe d’une dizaine d’hommes ferait un raid dans les tranchées ennemies peu après 23 heures (11 heures du soir). On vous donne
le mot de passe : Calgary. Ainsi, vous pourrez reconnaître ces hommes lorsqu’ils reviendront. Enfin, peu avant 8 heures, vous et Henri vous traînez vers votre poste de guet et vous vous installez pour la nuit.

La noirceur vous enveloppe, assis sur la marche de tir, l’oreille tendue aux aguets, s’efforçant de percevoir le moindre bruit pouvant provenir du No Man’s Land. Tout est calme, à l’exception de quelques coups de feu claquant au loin. Le froid vous transperce et vous battez des pieds pour vous garder au chaud.

– «Ça pourrait être pire», déclare Henri, les mains enfouies dans ses poches de manteau. «Il pourrait neiger!»

– «Ça pourrait être pire», répliquez-vous avec sarcasme, «il pourrait pleuvoir des obus!».

La tension du guet n’est interrompue que par le lieutenant Denonville, qui vient de temps en temps vérifier comment  ça se passe pour vous deux.

– «Tout est calme, les gars?», demande-t-il.

– «Rien à signaler, mon lieutenant!», répondez-vous toujours.

Pour rompre la monotonie, Henri jette à l’occasion le regard au-dessus du parapet et inspecte le paysage désolé.

– «C’est tellement noir là-dedans que je ne peux rien voir!», dit-il.

– «Baisse la tête», l’avertissez-vous. «Encore un peu et un tireur  embusqué allemand a ta peau!»

– «Edmond!», s’exclame soudain George d’une voix étouffée. «Il y a quelque chose là-bas!»

– «Qu’est-ce que c’est?», lui demandez-vous.

– «Je sais pas. J’ai seulement vu quelque-chose bouger. Devant, un peu à droite.»

Vous baissez votre casque sur vos yeux et, lentement, levez la tête au-dessus du parapet. Soudain, vous percevez du coin de l’oeil un léger reflet, qui disparaît avant que vous ayez pu mieux le distinguer. Qu’est-ce que ça peut être? Le reflet d’un casque? La boucle d’une ceinture? Le canon d’un fusil? Est-ce que ce pourrait être l’équipe du raid qui revient de mission? Non, impossible. Il n’est même pas encore 10 heures. Et si c’était un groupe d’ennemis faisant un raid? Reflet? Il n’y a même pas de lune. Et pourtant, vous avez bien vu quelque chose bouger, là-bas. George vous observe intensément.