À L'Assaut

ENGLISH

En dépit du verre craqué, vous décidez de porter le masque et d’être temporairement aveuglé plutôt que de risquer de subir l’effet des gaz toxiques. Les effets de ce mélange fatal de  chlore et de phosgène vous sont bien connus : brûlement des yeux, enflement de la gorge et enfin l’inévitable congestion des poumons menant éventuellement à la mort.

En quelques secondes, le nuage verdâtre vous enveloppe et descend en cascade dans la tranchée. Vous regardez à gauche, puis à droite, mais ne pouvez reconnaître les formes tordues que vous apercevez au travers des verres cassés.

– «Henri!», criez-vous.

– «Je suis près de toi, mon vieux!» dit une voix étouffée.

– «Mes verres sont cassés. Je ne peux absolument rien voir.»

– «T’en fais pas. Si les boches attaquent, tire droit devant.»

L’idée de tirer à l’aveuglette dans une direction donnée ne vous réconforte guère, mais vous savez que des centaines de vos camarades se tiennent le long des tranchées, attendant la  charge des Allemands.

Pendant plus de deux heures vous vous tenez debout sur la marche de tir, dans l’attente de l’attaque. Enfin résonne le cri «Tout va bien!» et les masques tombent sur toute la ligne de front, au milieu des jurons et des rires. Finalement,l’ordre de «descente de garde» est aussi donné. Il est clair que les Allemands n’attaqueront pas encore cette fois.

Jetant un coup d’oeil à votre montre, vous vous rendez compte que l’après-midi est très avancé et que vous êtes affamé. De retour dans votre abri, vous voyez des hommes casser des biscuits, ouvrir des boîtes de boeuf musqué et boire à même leur gourde.  Vous faites cuire un ragoût Macanochie (une concoction gluante de cartilages, de gras et d’os) et faites infuser un petit pot de thé. Après avoir engouffré votre repas, vous faites un rapide nettoyage puis vous étendez sur votre lit de camp en vue d’un repos bien mérité.