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Une image d'une personne sur un écran vert à Ottawa, près du Musée canadien de la guerre.

Le Service féminin de l’Armée canadienne, 1941-1946

Auteurs

  • Barbara Dundas
  • Dr. Serge Durflinger

Dépêches: documents d'information sur l'histoire militaire du Canada

(Il est à noter que certains contenus de cette série sont obsolètes et font l’objet d’un réexamen.)

La création du Service féminin de l’Armée canadienne au cours de la Deuxième Guerre mondiale est un jalon dans l’histoire de la participation des femmes à la vie militaire canadienne.

Les précédents étaient rares. Avant 1939, des Canadiennes avaient servi comme infirmières lors de la Rébellion du Nord-Ouest (1885), de la guerre des Boers (1899-1902) et de la Première Guerre mondiale (1914-1918). En 1918, l’état-major de l’armée à Ottawa envisagea l’organisation d’un «Service féminin auxiliare de l’Armée canadienne» pour assurer le soutien administratif et de bureau des forces outre-mer, mais la guerre a pris fin avant que cela ne se concrétise. Vingt ans plus tard, quand la tension internationale monta, un groupe de femmes de Victoria forma une organisation qui en vint à être connue sous le nom de British Columbia Women’s Service Corps. Inspiré et organisé par Joan B. Kennedy, ce mouvement de volontaires assura l’entraînement dans des rôles auxiliaires tels que les premiers soins, la mécanique des moteurs et les fonctions de bureau militaires. Pourtant les femmes continuaient de briller par leur absence dans l’armée canadienne.

En septembre 1939, le Canada est entré en guerre. En quelques mois, des dizaines de services féminins non officiels, formés de milliers de membres, se sont organisés dans tout le pays. Ces femmes ardemment patriotes se sont jointes à des groupes tels que le Women’s Volunteer Reserve Corps, au Québec, en Ontario et dans les Maritimes, ou le Canadian Auxiliary Territorial Service, en Ontario et dans les provinces de l’Ouest. Dans leurs temps de loisirs et à leurs propres frais, ces volontaires ont suivi des cours paramilitaires, notamment sur les signaux en morse et la lecture de cartes. Le groupe de Joan Kennedy en Colombie-Britannique a appris les «manoeuvres d’infanterie régle-mentaires» dans des manèges de la milice, tandis qu’à Montréal des membres duBlack Watch (Royal Highland Regiment) of Canada formaient les membres duWomen’s Volunteer Reserve Corps dans le maniement des armes et le conditionnement physique.

Les femmes voulaient être prises au sérieux. C’était une «guerre totale», soutenaient-elles, qui exigeait un effort total de tous les Canadiens. Jusqu’à l’été de 1941, elles ont exercé régulièrement des pressions à Ottawa pour que soit créés des services auxiliaires féminins officiels pour les forces armées, affirmant à juste titre que leurs membres feraient d’excellentes recrues. Joan Kennedy, patriote énergique, a été le moteur de ce mouvement de revendication par les femmes de la possibilité de servir leur pays. La place importante des femmes dans les trois armes britanniques a contribué à alimenter cette vague de demandes. L’exemple de la Grande-Bretagne aurait dû convaincre les hommes qui dirigeaient l’effort de guerre du Canada de la valeur du service des femmes dans l’armée, mais les vieilles attitudes ont la vie dure. Les images de «femmes guerrières» ne correspondaient pas à la plupart des stéréotypes sexistes du milieu du siècle. Qu’en serait-il de l’unité de la famille, demandaient les sceptiques, si tant les femmes que les hommes partaient servir leur pays? L’industrialisation avait déjà attiré des milliers de femmes au sein de la main-d’oeuvre rémunérée depuis le tournant du siècle, et la guerre en attirait encore des centaines de milliers. Leur compétence et leur profession-nalisme en ont convaincu quelques-uns, mais l’establishment militaire allait s’avérer particulièrement récalcitrant.

Le Service féminin de l’Armée canadienne

La diminution des réserves de main-d’oeuvre masculine et deux années de défaites des Alliés ont contribué à changer les mentalités, mais c’est surtout l’inquiétude face à la pénurie d’effectifs dans des forces canadiennes en expansion rapide qui ont eu raison des derniers doutes à Ottawa concernant le service militaire féminin. Les femmes pouvaient remplacer les hommes dans les tâches non combattantes, libérant des soldats qui pouvaient ainsi aller servir au front. Le 13 août 1941, le gouvernement a autorisé la formation du Service féminin de l’Armée canadienne (le Canadian Women’s Army Corps, ou CWAC) pour enrôler plusieurs milliers de femmes qui allaient assurer le soutien des forces armées. La ségrégation sexuelle se poursuivit, non déguisée : le Service ne faisait pas officiellement partie de l’armée et n’était pas soumis à la discipline militaire. Grades et insignes n’étaient pas ceux de l’armée. N’empêche que c’était là un pas en avant. Des femmes ont été formées pour être chauf-feurs, cuisinières, commis, dactylographes, sténographes, téléphonistes, messagères et quartiers-maîtres. Beaucoup avaient acquis une expér-ience utile au sein d’une des organisa-tions paramilitaires féminines non officielles formées entre 1938 et 1941.

L’emploi de femmes comme membres de l’armée, tout en appartenant à une organisation tout à fait distincte, créa des problèmes administratifs. Ceux-ci furent finalement résolus le 13 mars 1942 lorsque les autorités militaires intégrèrent le Service féminin à l’Armée canadienne. Le Service put ainsi adopter les grades et les insignes de l’armée. Les membres du CWAC portaient un insigne de calot à trois feuilles d’érable unies. Sur leurs insignes de col on voyait la tête casquée d’Athéna, la déesse de la guerre. La création du CWAC s’inscrivait dans un mouvement plus général au sein des forces armées canadiennes. L’armée avait été précédée par l’Aviation royale du Canada (ARC) dans la création d’un service féminin distinct mais tout à fait intégré, qu’on appela plus tard Division féminine de l’ ARC. La Marine canadienne suivit à l’été 1942 avec le Service féminin de la Marine royale du Canada.

Le Quartier général de la Défense nationale (QGDN) à Ottawa nomma Elizabeth Smellie, ancienne directrice générale des soins infirmiers des infirmières militaires du Canada et administratrice militaire d’expérience, comme premier officier administrateur du CWAC. Elle a recruté directement ses officiers auprès des organisations de femmes patriotes existantes. Joan Kennedy figurait naturellement parmi ses premières nominations à des grades élevés; en fait, le lieutenant-colonel Kennedy a succédé à Elizabeth Smellie à l’automne 1942 avec le nouveau titre de directrice du CWAC. En mai 1943, le QGDN a remplacé le poste de directrice par deux postes distincts: Joan Kennedy est devenue officier d’état-major général chargé de l’entraînement du CWACet le lieutenant-colonel Margaret Eaton, de la célèbre famille canadienne propriétaire de grands magasins, a été nommée adjudant général adjoint du CWAC. En avril 1944, Ottawa a rétabli un poste de direction unique pour le CWAC, et Margaret Eaton, colonel par intérim de 31 ans, a assumé le commandement à titre de directrice générale. Elle a conservé ce poste jusqu’en octobre 1945.

L’enrôlement

Les femmes s’enrôlaient dans le Service féminin de l’Armée canadienne pour une multitude de raisons. Le patriotisme pur et simple en était une. «Il ne fait aucun doute que le patriotisme est la raison première de mon entrée dans l’armée, rappelait un membre du CWAC, […] je travaillais déjà dans une usine de munitions, mais j’ai trouvé que ça ne suffisait pas.» D’autres se sont enrôlées parce que leurs amies l’avaient fait ou prévoyaient de le faire. Comme chez les hommes, certaines femmes s’enrôlaient pour l’aventure. «Aller outre-mer était le but ultime de chacune — se rapprocher de l’action, a dit l’une d’entre elles. Bien sûr, nous ne savions pas ce que c’était vraiment. Nous ne pensions qu’à l’aventure et à l’exaltation.» Une annonce du CWAC parue en février 1943 dans l’Edmonton Journal précisait que les éventuelles recrues devaient être en excellente santé, mesurer au moins cinq pieds et peser au moins 105 livres (ou, à 10 livres près, le poids normal établi dans les tables médicales pour différentes grandeurs), ne pas avoir de personnes à charge, avoir effectué au moins une 8e année, être agées de 18 à 45 ans, et être sujettes britanniques, comme l’étaient les Canadiens à l’époque.

Au début, 30 métiers militaires furent offerts aux femmes, mais ce chiffre passa plus tard à 55. Beaucoup équivalaient à des emplois spécifiquement féminins dans la vie civile ou domestique, comme la cuisine, le blanchissage et les tâches de bureau. Cependant, comme beaucoup d’ouvrières des industries du temps de guerre, les femmes en uniforme du CWAC pouvaient apprendre des techniques et acquérir une formation inusitées pour les femmes de l’époque, dont le chiffrement et le déchiffrement, l’entretien de véhicules et la signalisation. Des membres du CWACs’acquittaient de tâches de télémétrie et de repérage pour des unités de défense antiaérienne postées au Canada. Néanmoins, la plupart occupaient des postes de bureau dans leur version militaire. L’historienne Ruth Roach Pierson a écrit que «la commis ou la secrétaire en uniforme était le membre typique du CWAC.» La plupart des membres du CWAC recevaient un entraînement de base à Kitchener (Ontario) ou à Vermilion (Alberta). À partir de février 1942, l’entraînement avancé des officiers a eu lieu à Sainte-Anne-de-Bellevue (Québec).

Beaucoup de femmes du CWAC trouvaient la vie militaire tout à fait agréable. Un sondage réalisé au début de 1943 révélait que la majorité des femmes aimaient la camaraderie des casernes; il leur plaisait également de voyager et de rencontrer des gens de toutes les régions du Canada. Elles devenaient plus sûres d’elles et croyaient que la vie militaire avait un effet positif sur leur santé et leurs moeurs. Elles étaient fières d’appartenir au CWAC et de porter son uniforme. En outre, beaucoup croyaient que la formation dans les métiers qu’elles recevaient leur serait utile dans leurs carrières après la guerre. Pourtant il y avait des problèmes. Certaines femmes déploraient qu’en dépit du fait qu’elles remplaçaient des hommes et faisaient souvent le même travail que des hommes, elles ne recevaient pas un salaire égal ni les mêmes indemnités pour charge de famille. Au début du Service, les femmes du CWACn’avaient droit qu’aux deux tiers de la solde des soldats pour un travail semblable (environ 90 cents par jour contre 1,30 $). En 1943, ce rapport est passé à 80 p. cent. Peu de femmes se plaignaient. Un ancien membre disait : «Nous étions moins bien payées que les hommes, et notre génération l’acceptait sans même y penser parce que nous avions été élevées à attendre moins que les hommes.» Les disparités demeur-aient, mais l’équité était plus grande au CWAC que dans la plupart des industries privées du Canada qui employaient des hommes et des femmes faisant le même travail. La direction du CWAC considérait généralement que le salaire offert aux femmes était équitable, car celles-ci n’avaient pasà être de garde ni à s’exposer aux dangers de l’entraînement ou aux dangers opérationnels auxquels beaucoup de soldats étaient confrontés quotidiennement.

L’apparition d’un groupe important de femmes soldats compétentes et sûres d’elles créait une certaine tension sociale. Nombreux étaient ceux qui croyaient que la place de la femme n’était pas dans un uniforme, mais au foyer. Au début de 1943, l’armée connut une baisse substantielle de l’enrôlement des femmes. Afin d’en découvrir la cause, Ottawa fit appel à une agence de sondages pour effectuer un sondage d’opinion national. Les résultats furent stupéfiants : seulement sept p. cent des personnes interrogées croyaient que le meilleur moyen pour les femmes de participer à l’effort de guerre était de s’enrôler.

Le sondage a révélé en outre que beaucoup de Canadiens et de Canadiennes avaient une piètre opinion des femmes qui entraient dans les forces armées, croyant généralement que seules des «femmes de moeurs légères» n’ayant guère de sens moral étaient portées à le faire. L’hostilité des civils pouvait être insultante et saper le moral de ces femmes. «Si les gens voyaient un garçon et une fille se promener main dans la main, ils disaient : ‘Oh, regarde le beau jeune couple!’, se souvenait une femme du CWAC. Mais si la fille portait un uniforme de l’armée, ils disaient: ‘Tiens, regarde cette fille facile du CWAC!’» L’armée a déployé beaucoup d’énergie pour attirer l’attention du public sur la contribution précieuse du Service féminin de l’Armée canadienne à l’effort de guerre. Les femmes avaient démontré leur valeur et la plupart des sceptiques de l’armée, au moins, ont été réduits au silence.

Les membres du CWAC outre-mer

Les premiers membres du CWAC à servir hors du Canada sont ceux qui ont été intégrés aux effectifs de l’état-major interarmes du Canada à Washington (D.C.) en 1942. Cet été-là, le Quartier général de l’Armée canadienne (QGAC) en Grande-Bretagne a requis les services de 350 membres du CWAC; le premier détachement est arrivé le 5 novembre 1942. Des soldats canadiens, dont beaucoup n’étaient pas revenus au pays depuis des années, furent parmi ceux qui les accueillirent le plus chaleur-eusement. (Des collègues masculins du QGAC risquant de se retrouver au front une fois remplacés par des membres du CWAC se sont montrés moins accueillants.) La presse s’y est également intéressée, publiant des articles de fond sur les membres du CWAC et filmant et photographiant leur arrivée et leurs logements. En décembre 1943, il y avait trois compagnies du CWAC à Londres et une à Aldershot, où se trouvait le Quartier général des Unités de renfort canadiennes. En outre, 173 femmes ont servi au sein du No. 1 Static Base Laundry. À Londres, des membres duCWAC servaient auprès de diverses branches du QGAC, accomplissant un éventail sans cesse croissant de tâches plus la guerre avançait. Leur utilité et leur professionnalisme dépassaient les attentes de bon nombres de leurs collègues masculins.

Au printemps 1945, Ottawa a décidé d’envoyer quelques membres du CWAC à l’arrière des zones de combat dans le nord-ouest de l’Europe, surtout pour y servir de commis auprès d’unités du quartier général. (Les premiers membres du Service féminin de l’Armée canadienne à arriver sur le théâtre des hostilités ont cependant été les quatre femmes participant au spectacle de l’Armée canadienne débarquées en Italie le 16 mai 1944.) Seuls 156 membres du CWAC ont servi dans le nord-ouest de l’Europe, et 43 en Italie, avant la reddition des Allemands le 8 mai 1945. Dans les mois qui ont suivi la victoire des Alliés, des centaines d’autres ont servi en Europe, travaillant à la tâche complexe du rapatriement de l’armée au Canada. D’autres ont servi avec les forces d’occupation canadiennes en Allemagne. En tout, environ 3000 ont servi le Canada outre-mer. Aucun membre du CWAC n’a été tué par l’ennemi, mais quatre ont été blessés lors de l’attaque d’un missile allemand V-2 à Anvers en 1945.

Three women in army uniforms sitting at a desk with a typewriter.

En août 1946, le cinquième anniversaire de la fondation du CWAC, le brigadier-général W.H.S. Macklin, adjudant général par intérim, a adressé un message aux membres duCWAC de tous les grades, dont voici une partie: «Au cours des cinq dernières années, vous vous êtes constitué un dossier enviable de service dévoué et efficace, et au moment de quitter, vous avez tout lieu d’être fières de vos réalisations. Votre tâche accomplie, votre objectif atteint, nous sommes confiants que vous ferez profiter vos familles et vos communautés de ce même esprit, de l’enthousiasme dont vous avez fait preuve dans l’Armée — vous souvenant toujours qu’en tant que citoyennes de ce grand pays vous avez une responsabilité égale dans la paix comme dans la guerre.» En dépit du désir de nombreuses femmes de demeurer dans l’armée, les autorités ont jugé qu’on n’avait plus besoin des services des femmes en temps de paix et ont dissous le Service féminin de l’Armée canadienne le 30 septembre 1946. Ottawa n’avait plus non plus besoin des services des femmes dans l’aviation et la marine. En un peu plus de cinq ans, 21 624 Canadiennes ont servi au sein du CWAC. C.P. Stacey, historien militaire, a écrit: «Bien que sa formation ait été entreprise sur le tard, et non sans appréhension, l’expérience s’est avérée un remarquable succès. Sans le CWAC, le problème canadien de la pénurie d’effectifs aurait été beaucoup plus difficile à résoudre.» Il aurait pu mentionner qu’outre qu’elles libéraient des hommes pour le combat, les femmes du CWAC ont été des soldats efficaces et compétents à tous égards. Leur exemple a permis plus tard l’intégration des femmes dans les forces armées canadiennes d’après-guerre.

Lectures complémentaires

  • Bruce, Jean, Back the Attack! Canadian Women During the Second World War – At Home and Abroad, Toronto, Macmillan of Canada, 1985.
  • Conrod, W. Hugh, Athene, Goddess of War: The Canadian Women’s Army Corps – Their Story, Dartmouth, Writing and Editorial Services, 1984.
  • Auger, Geneviève, et Raymonde Lamothe, De la poêle à frire à la ligne de feu: La vie quotidienne des Québécoises pendant la guerre ‘39 – ‘45, Montréal, Boréal Express, 1981.
  • Gossage, Carolyn, Greatcoats and Glamour Boots: Canadian Women at War (1939-1945), Toronto, Dundurn Press, 1991.
  • Pearson, Ruth Roach, « They’re Still Women After All »: The Second World War and Canadian Womanhood, Toronto, McClelland and Stewart, 1986.
  • Roe, Kathleen Robson, War Letters from the C.W.A.C., Toronto, Kakabeka Publishing Co., 1975.
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