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Une image d'une personne sur un écran vert à Ottawa, près du Musée canadien de la guerre.

Le Canada et l’OTAN

Auteurs

  • Dr. Dean F. Oliver

Dépêches: documents d'information sur l'histoire militaire du Canada

(Il est à noter que certains contenus de cette série sont obsolètes et font l’objet d’un réexamen.)

En 1945, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le Canada était une importante puissance militaire et économique, mais il ne cherchait pas avidement à obtenir de plus grandes responsabilités internationales. Certains Canadiens croyaient que le pays ne pouvait plus se permettre de maintenir la politique étrangère quasi isolationniste des années 1930, mais le gouvernement libéral d’après guerre du Premier ministre W.L. Mackenzie King a continué à faire preuve de prudence sur la scène mondiale. Dans un discours de janvier 1947, le secrétaire d’État aux Affaires extérieures, Louis St-Laurent reconnaissait que pour protéger ses intérêts le Canada devait avoir des engagements en matière de défense à l’échelle internationale. C’était une forme d’activisme pragmatique que tout le monde ne partageait pas au Canada, mais qui devenait de plus en plus populaire. Beaucoup de responsables canadiens influents croyaient déjà qu’il fallait «contenir» l’agressive Union soviétique.

Les événements subséquents ont semblé confirmer leurs craintes. En février 1948, le parti communiste de Tchécoslovaquie s’emparait du pouvoir et supprimait toute opposition. Le mois suivant, cinq États d’Europe occidentale signaient un pacte de défense mutuelle (le Traité de Bruxelles), espérant que les États-Unis se joindraient bientôt à eux; plusieurs jours plus tard, des représentants du Canada, des ÉtatsUnis et de Grande-Bretagne ont discuté de leur sécurité mutuelle à Washington (D.C.). Cet automne-là, des pourparlers secrets — avec maintenant plusieurs autres États européens — se déroulèrent avec pour toile de fond une tentative de l’Union soviétique d’obliger les forces françaises, britanniques et américaines à quitter Berlin, alors occupé conjointement en vertu d’un accord mutuel.

La riposte de l’Ouest au blocus de Berlin — un pont aérien soutenu américano-britannique qui forcera finalement Moscou à reculer — a été un des grands moments de la guerre froide. Le Canada, offusqué de ce que Londres tienne son appui pour acquis, refusa de participer, mais l’enthousiasme des diplomates canadiens pour un pacte officiel de défense ne se démentit pas.

Le Canada recherchait la sécurité militaire aux pourparlers de Washington, mais également une réaction occidentale équilibrée au défi de l’Union soviétique sous forme de dialogue politique, de coopération économique et de valeurs communes. Impliquer officiellement les ÉtatsUnis dans la défense de l’Occident, tout en atténuant leur influence dans un cadre multinational, était un aspect vital du projet. Des responsables canadiens tels que Hume Wrong et Lester B. Pearson ont négocié avec succès pour le traité un article sur une coopération non militaire, mais, pour tenir compte des préférences de la plupart des autres participants, le texte qui en a résulté prévoyait surtout une promesse d’assistance militaire mutuelle en réaction à des menaces extérieures. Douze pays ont signé le Traité de l’Atlantique Nord le 4 avril 1949 : la Belgique, le Canada, le Danemark, la France, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, le RoyaumeUni et les ÉtatsUnis. S’exprimant à la cérémonie de signature, Pearson, qui avait remplacé Saint-Laurent au poste de secrétaire d’État aux Affaires extérieures lorsque ce dernier était devenu Premier ministre en novembre 1948, fit observer que les Canadiens croyaient « profondément et instinctivement » que le traité était signé « au nom de la paix et du progrès ». Pour la première fois de son histoire, le Canada se joignait à une alliance militaire en temps de paix.

Le traité constituait le fondement juridique et contractuel de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), mais ne garantissait pas la force militaire nécessaire pour le mettre en oeuvre. L’agression communiste en Corée (juin 1950) a précipité les événements, persuadant Ottawa et toutes les capitales occidentales que l’URSS entrait dans une phase nouvelle dangereuse. L’OTAN créa une force militaire intégrée sous le commandement du général américain Dwight D. Eisenhower, le premier Commandant suprême des Forces alliées en Europe (SACEUR). Le Canada, qui contribuait déjà à la défense de la Corée du Sud, leva simultanément des troupes pour l’Europe. En novembre 1951, pour la troisième fois en moins de quarante ans, des troupes canadiennes traversaient l’Atlantique. L’année suivante, 10 000 soldats étaient basés en Allemagne de l’Ouest et en France. Un groupe-brigade d’infanterie de 6670 soldats, une division aérienne de douze escadrons (jusqu’à 300 avions) et une quarantaine de navires de guerre constituaient le solide engagement du Canada en ces premières années. Des renforts étaient promis dans l’éventualité d’une guerre. Ces engagements étaient en grande partie à l’origine de dépenses en matière de défense représentant 45 pour cent du budget fédéral.

Néanmoins, les efforts des membres de l’Alliance étaient modestes en comparaison des troupes déployées par le bloc de l’Est. L’OTAN, surpassée en nombre, dépendit bientôt surtout des armes nucléaires tactiques pour dissuader toute attaque de la part de l’Union soviétique, les forces conventionnelles n’étant qu’un « fil-piège » préparatoire à une éventuelle riposte nucléaire. L’admission en 1955 de l’Allemagne de l’Ouest, qui s’était réarmée, accentua la nécessité politique d’une « défense avancée », soit la défense du territoire de l’Alliance le plus à l’est possible, ce qui comportait un inconvénient militaire majeur: la concentration des ressources militaires limitées de l’OTAN de manière presque linéaire près de la frontière. Les armes nucléaires tactiques garantissaient au moins la possibilité que toute percée soviétique soit contrée par une puissance de feu supérieure. Dès le début des années 1960, le Canada fournit une part importante de cette force de frappe nucléaire. Un conflit prolongé avec les États-Unis empêcha les forces canadiennes d’avoir accès à des ogives nucléaires pendant plusieurs années, mais pendant une dizaine d’années par la suite, des chasseurs-bombardiers et des missiles sol-sol canadiens furent prêts à répondre à la menace soviétique avec une pluie d’ogives nucléaires.

Au milieu des années 1960, l’arsenal nucléaire croissant de l’Union soviétique avait commencé à miner la crédibilité de la dissuasion nucléaire de l’Ouest. En 1966, la France, ouvertement sceptique face aux promesses de soutien nucléaire des Américains, se retira de la structure militaire intégrée de l’OTAN (mais non pas de l’Alliance) et ordonna la fermeture des bases canadiennes et américaines sur son sol. Pearson, alors Premier ministre, se demanda sarcastiquement si le Canada devait également rapatrier les corps des 100 000 Canadiens morts lors des deux conflits mondiaux, dont beaucoup étaient enterrés en France. La nouvelle stratégie de « riposte graduée » de l’OTAN, adoptée en 1967 après des années de pressions américaines, prévoyait de riposter aux menaces soviétiques à tous les niveaux possibles de conflit, y compris avec des forces conventionnelles, lesquelles devaient donc être augmentées. Option coûteuse, la riposte graduée ne coïncida pas toujours avec les priorités financières des gouvernements membres.

L’attitude des Canadiens face à l’OTAN changeait également. À la fin des années 1950, certains Canadiens croyaient que la participation à une alliance militaire dominée par les ÉtatsUnis était peu judicieuse; d’autres croyaient que les intérêts du Canada seraient mieux servis par les Nations Unies, ou même en revenant à l’isolationnisme d’antan. La création en 1957-1958 du Coinmandement de la défense aérienne de l’Amérique du Nord (NORAD), une organisation mixte canado-américaine, renforça les défenses du continent contre une attaque de bombardiers soviétiques, mais, en dépit des assurances du Canada, les alliés y virent une entreprise peu pertinente en ce qui concernait la ligne principale de défense de l’Alliance en Europe et dans l’Atlantique Nord. Au milieu des années 1960, même Pearson, qui avait contribué à négocier le Traité de l’Atlantique Nord, exprima des doutes sur l’avenir des engagements du Canada à la lumière de l’influence prépondérante de Washington et du peu d’empressement de l’Europe à consacrer davantage d’argent à sa propre défense.

En 1968, beaucoup de Canadiens croyaient que le risque d’une agression communiste en Europe était moins immédiat que le besoin de meilleurs programmes sociaux et d’une protection économique et culturelle contre l’influence étrangère, particulièrement américaine. Certains virent dans la politique américaine au Viêt-Nam une nouvelle preuve de ce que la véritable force antidémocratique dans la politique mondiale se trouvait beaucoup plus proche de nous. Le Pacte de Varsovie, bloc d’États d’Europe orientale dirigé par l’Union soviétique, qui a été créé en 1955 en réponse au réarmement de l’Allemagne de l’Ouest, envahit en 1968 la Tchécoslovaquie, un pays membre, après les tentatives de réformes démocratiques à l’occidentale de celle-ci. Cette attaque rappela aux Canadiens que le communisme soviétique n’était pas une force bénigne. Pourtant, pendant la plus grande partie des dix années suivantes, la détente influença grandement les relations du Canada avec Moscou et ses satellites. Le Canada profita de l’occasion pour réduire encore son budget de défense et ses forces armées, encourager le contrôle des armements nucléaires et conventionnels et réorienter ses priorités en matière de défense vers la protection de sa souveraineté.

En 1968-1969, le Premier ministre libéral Pierre Trudeau caressa même l’idée de retirer complètement le Canada de l’OTAN. L’opposition du Cabinet l’en empêcha, mais la conviction de Trudeau que l’OTAN était devenue trop importante dans la politique canadienne était difficile à réfuter à une époque où presque tout le personnel militaire du Canada s’entraînait surtout en vue d’une éventuelle guerre contre le Pacte de Varsovie. Trudeau diminua de moitié l’engagement de l’armée en Europe, élimina le rôle nucléaire du pays et minimisa l’importance des affirmations selon lesquelles ces mesures limiteraient l’influence politique du Canada auprès des membres de l’OTAN.

En 1970, après avoir passé dix neuf ans avec la British Army of the Rhine dans le nord de l’Allemagne dans plusieurs bases autour de Soest, le groupe-brigade canadien s’est fixé dans le sud, à Lahr, petite ville de la région de la Forêt-Noire, dans le sud ouest de l’Allemagne. Des coupures budgétaires avaient réduit cette formation, rebaptisée en 1968 4e Groupe-brigade mécanisé du Canada, à moins de 3000 soldats au début des années 1970. L’engagement aérien du Canada, qui se réduisait alors à trois escadrons au lieu des douze en poste antérieurement, se concentra près de Baden-Soelligen, tout près de là. À une époque où la doctrine de l’OTAN mettait de plus en plus l’accent sur la nécessité de solides forces conventionnelles, des alliés mécontents se plaignaient amèrement que le Canada ne faisait pas sa part. Malgré l’achat de nouveaux systèmes d’armement comme le char de combat principal Lepoard C1 et le chasseur-bombardier CF-18 Hornet de McDonnell Douglas à la fin des années 1970 et au début des années 1980, le gouvernement Trudeau avait réduit l’engagement du Canada au sein de l’OTANà sa plus simple expression.

Dans les années 1980, les gouvernements résolument conservateurs de plusieurs pays de l’Ouest se sont lancés dans des programmes de dépenses militaires pour faire face à ce qu’ils percevaient comme un avantage militaire croissant du Pacte de Varsovie. Le Parti progressiste-conservateur, dirigé par Brian Mulroney et élu en 1984, a tenté en 1987, dans sa révision de la politique de défense, de renforcer l’armée canadienne et d’augmenter son engagement au sein de l’OTAN en promettant davantage de troupes et d’avions pour l’Europe qu’à n’importe quelle époque depuis le début des années 1960. À mesure que les capacités de l’OTAN s’amélioraient, des problèmes économiques et des troubles sociaux au sein du Pacte de Varsovie ont mené au pouvoir plusieurs gouvernements réformistes soucieux de transiger avec l’Ouest afin de garantir la stabilité chez eux. Des accords mutuels sur le contrôle des armements et des réformes politiques au sein des États communistes ont précédé une vague de soulèvements démocratiques et la fin du Pacte de Varsovie. Après les réductions substantielles de 1991, Ottawa a annoncé au début de 1992 que les dernières de ses formations terrestres et aériennes en Europe allaient rentrer au pays.

Tandis que les Canadiens se réjouissaient de la fin de la guerre froide au début des années 1990, ils assistèrent également à la transformation de l’OTAN. D’abord organisation destinée à la défense collective et se préoccupant de défendre ses membres contre les agressions de l’extérieur, l’Alliance en est venue à assumer de plus vastes responsabilités en matière de sécurité. La menace militaire soviétique disparue, l’OTAN a soutenu les efforts des Nations Unies pour établir la paix dans les Balkans et admis en son sein en 1999 trois de ses anciens adversaires du Pacte de Varsovie (la Pologne, la Hongrie et la République tchèque).

Le Canada a fortement soutenu à la fois l’expansion et la réforme interne de l’OTAN, proclamant que l’OTAN personnifiait maintenant les idéaux d’abord énoncés dans l’article II du traité : un forum de coopération non militaire et de dialogue qui pourrait graduellement assurer la sécurité et créer une authentique communauté nord-atlantique. Les observateurs de l’OTAN n’étaient pas tous d’accord avec cette déclaration légèrement intéressée, mais la forte participation militaire du Canada à la campagne aérienne de l’OTAN contre les forces serbes au Kosovo et autour (1999) semblait indiquer que la nouvelle confiance d’Ottawa dans cette organisation allait bien au-delà d’un simple engagement rhétorique. En 1999, membre de l’OTAN depuis cinquante ans, le Canada semblait prêt à entrer dans le nouveau siècle comme un membre fier et un participant actif de l’Alliance atlantique.

Lectures complémentaires

  • Eayrs, James, In Defence of Canada, Volume Four: Growing Up Allied, University of Toronto Press, 1980.
  • Gaddis, John Lewis, We Now Know: Rethinking Cold War History, Oxford University Press, New York, 1997.
  • Granatstein, J.L. et Robert Bothwell, Pirouette: Pierre Trudeau and Canadian Foreign Policy, University of Toronto Press, Toronto, 1990.
  • Lyon, Peyton, NATO as a Diplomatic Instrument, Atlantic Council of Canada, Toronto, 1970.
  • Maloney, Sean M., War Without Battles: Canada’s NATO Brigade in Germany, 1951-1993, McGraw-Hill Ryerson, Toronto, 1997.
  • Rempel, Roy, Counterweights: The Failure of Canada’s German and European Policy, 1955-1995, McGill-Queen’s University Press, Montréal, 1996.
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